Citation:
Le Mikraot Gdolot dans Pinhas cite le Ramban et le Daat Zekenim qui affirment que le passouk ושם בת אשר שרח est traduit par Onkelos: ושום בת אתת אשר סרח
Or lorsqu'on prend le targoum Onkelos, on ne voit pas le mot אתת.
Avaient-ils accès à une autre version du targoum ?
Merci.
Oui, ils avaient une autre version du Targoum, et ils n’étaient pas les seuls.
A part le
Ramban et le
Daat Zkénim, vous la verrez aussi dans d’autres Rishonim comme le
‘Hezkouni (Bamidbar 26,46) et le
Hadar Zkénim (Bamidbar 26,46) (qui s’en étonnent quand même et objectent contre cette idée, comme le
Daat Zkénim).
Voir aussi le
Akeidat Its’hak (§84), le
Tour (Piroush Haarokh Al Hatorah, Bamidbar 26,46 et Bereshit 46,17), et le
Panéa’h Raza (Vayigash).
Et le
Sefer Hayashar indique lui aussi qu’elle était (seulement) la fille de son épouse.
Voyez enfin le
rav Pik (Minei Targouma ad loc) et le
Malbim (ad loc) qui soulignent que le
Ramban avait une version différente du
Targoum sur ce verset.
Voyez aussi
Torah Tmima (Bereshit 36,24, §6).
Shadal (Ohev Guer) indique qu’il n’a trouvé aucune ancienne version du
Targoum qui correspondrait à celle du
Ramban.
Etrangement, le
Netsiv dans
Haamek Davar (Bamidbar 26,46) donne l’impression d’avoir la même version que le
Ramban lorsqu’il cite le
Targoum (sans préciser que ce n’est pas la version que nous avons). Or, vivant au XIXème siècle, il est tout à fait improbable qu’il possédât un ‘houmash doté d’un Targoum reprenant cette version divergente. Il s’agit certainement d’une inattention, entrainée par la lecture du
Ramban.
Je signale aussi que le
‘Hida dans
Ein Zokher (appelé Ayin Zokher) (Beit, §31) cite le
Targoum Yeroushalmi (et non Onkelos) qui ajouterait אתת.
Dans les faits, il n’y a pas de Targoum Yeroushalmi imprimé sur ce passage dans le ‘Houmash Mikraot Gdolot, mais il existe différents Targoumim dits « de Jérusalem », et surtout une version « complète » du
Targoum Yeroushalmi, et il se peut que ce soit la source du fameux Targoum.
Quant aux Rishonim qui l’ont explicitement attribué à Onkelos, il se peut que ce soit dû à une inattention, ou simplement l’erreur d’un copiste qui aurait ajouté « Onkelos » ou écrit « Onkelos » en place de « Targoum ».
Mais ça reste peu probable car ils sont nombreux.
Il semble nécessaire de dire qu’il existait une version dite d’Onkelos qui portait אתת.
Vous trouverez dans le
Ramban plus d’une vingtaine d’endroits où il cite un passage du Targoum qui ne correspond pas à celui dont nous disposons.
Vous pouvez voir une liste dans le
Torah Shleima (Kasher) (vol.9, tome 35, §4, p.24). Il avait donc assurément une version différente du
Targoum Onkelos, aujourd’hui perdue
(selon toute vraisemblance).
Cette version selon laquelle Séra’h n’était pas la fille d’Asher mais de son épouse
(et aurait donc été adoptée par Asher) [Selon le Sefer Hayashar (Parshat Vayeshev -cité dans Limkhassé Atik Bereshit 46,17), l’identité de son père biologique serait Malkiel ben Eilam ben Shem ben Noa’h. Mais voir Vayikra Raba (14,9) et Yefé Toar (ad loc)], a l’avantage d’expliquer quelques tournures inhabituelles, comme le verset
(Bereshit 46,17 et Divrei Hayamim I,7,30) qui, en parlant des enfants d’Asher, énumère Yimna, Yishva, Yishvi, Bria « et Sérah leur sœur » (ושרח אחותם).
Pourquoi ajouter «
leur sœur » ?
Mais si l’on dit qu’elle n’est pas la fille d’Asher, uniquement de sa femme, on comprend mieux.
[Ceci ne constitue néanmoins pas un avantage pour le Ramban « Leshitato » qui explique (Bereshit 36,22) qu’il est habituel que les versets rattachent une sœur à ses frères (-à propos de Vea’hot Lotan Timna).]
Ainsi, on peut aussi poser la question sur le verset
(Bamidbar 26,46) qui nous dit ושם בת אשר שרח,
le nom de la fille d’Asher est Séra’h, pourquoi préciser «
le nom » et ne pas se contenter de dire que la fille d’Asher est Séra’h ? Pourquoi « ושם » ?
C’est à propos de quoi certains Rishonim expliquent que Séra’h avait « une renommée » de fille d’Asher bien qu’elle ne le fût pas (étant seulement fille de son épouse).
Le
‘Hezkouni par exemple l’explique ainsi et rapporte le
Targoum qui le dit
(il avait la même version que le Ramban).
On pourrait encore répondre autrement à cette question
(que vient préciser « ושם » ?), le
Shout Torah Lishma (§522) rapporte avoir vu dans des recueils de commentaires de Rishonim que ce mot vient indiquer que Séra’h était connue (avait une renommée) en tant que pieuse dévote. Cette explication se trouve dans le
Daat Zkénim.
Puis il donne une idée personnelle : Sérah aurait été connue sous le nom de סרח (comme dans וסרח העודף ), cependant son véritable nom était שרח avec un Sin et non un Samekh, c’est pourquoi le passouk viendrait préciser ושם בת אשר שרח pour nous dire que son nom de naissance était avec un Sin.
On pourrait se demander quelle grande différence s’entendait entre le Sin et le Samekh, au point qu’elle puisse ainsi déranger et qu’il soit nécessaire d’établir cette mise au point.
Et tout en supposant que la distinction fût perceptible, nous serions toujours en droit de nous demander qui avait survécu de son époque jusqu’au moment du don de la Torah en 2448
(pour que cette information soit pertinente)?
Toutefois, les ‘Hazal disent dans un esprit Agadique
(Sotah 13a, Tan’houma Beshala’h §2, Seder Olam Raba §9, Mekhilta Beshala’h et Shemot Raba V,13) que Séra’h elle-même aurait vécu durant ces siècles et jusqu’à la Sortie d’Egypte, donc il n’était pas difficile de trouver, au moment de Matan Torah, des gens qui l’avaient connue
(et qui prononçaient son nom avec un Samekh).
Pour en revenir à l’explication que Séra’h n’était pas la fille d’Asher mais de son épouse, basée sur cette version du
Targoum et rapportée par les
Tosfot, je m’étonne du fait que ces derniers n’aient point mentionné cette particularité du
Targoum dans leur
commentaire sur Psa’him (54a) où ils écrivent que nous ne trouvons nulle part dans la Torah que le fils de l’épouse soit appelé son fils.
[Il semblerait qu’il faille répondre que le Tosfot dans Psa’him parle d’un cas où le mari ne s’est pas occupé de l’enfant de sa femme, car sans cela, il serait assurément appelé « son fils » (comme on le voit dans Sanhédrin 19b et Meguila 13a). J’ai ensuite trouvé cette réponse chez le ‘Hida dans son Shout ‘Haim Shaal (I, §41)].
On peut aussi objecter sur ce
Tosfot à partir de la Gmara dans
Tmoura (16a) (au sujet de Kalev fils de ‘Hetsron qui est appelé fils de Kenaz car il était le fils de son épouse), le
Rav Lewin s’en est chargé dans son
Hadrash Vehaïyoun (Bereshit §109,2) et voir aussi son
Birkat Aharon (§119).
Une autre question du même type pourrait se poser sur le
Tosfot Baba Batra (115b), c’est le
Pardes Yossef Ha’hadash (Bereshit II, p.654) qui s’en est occupé.
Quoi qu’il en soit, l’idée qui s’en dégage est que celui qui s’occupe d’un enfant comme si c’était le sien, est considéré par la Torah comme étant son père/sa mère.
C’est que dit le Talmud dans
Sanhédrin (19b) et Meguila (13a). Cf.
Shout ‘Hatam Sofer (E’’H 1, §76).
PS: je ne me relis pas, merci de pardonner les fautes.