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Changement dans le texte de la Torah

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Gil perez
Messages: 4
Bonjour Rav

Il est connu qu'entre les sifrei Torah séfarade/ashkénaze il existe une différence: דכה/דכא

Il y a aussi une gmara qu'on retrouve (au moins) dans le yeroushalmi, dans taanit, sur chelocha sefarim matsou baazara... qui montre (clrmt) que notre sefer diffère de celui de moshé.

Et d'un autre côté, on a les 13 ikarim du rambam, qui disent a propos de la Torah "chelo tichtana bekol zman has vechalom".
Comment concilier les deux ? Qu'entends le Rambam dans le mot Torah dans ce contexte, puisque ce n'est visiblement pas les mots ?
Merci d'avance pour votre temps.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Citation:
Il est connu qu'entre les sifrei Torah séfarade/ashkénaze il existe une différence: דכה/דכא
Il y a aussi une gmara qu'on retrouve (au moins) dans le yeroushalmi, dans taanit, sur chelocha sefarim matsou baazara... qui montre (clrmt) que notre sefer diffère de celui de moshé.
Et d'un autre côté, on a les 13 ikarim du rambam, qui disent a propos de la Torah "chelo tichtana bekol zman has vechalom".
Comment concilier les deux ? Qu'entends le Rambam dans le mot Torah dans ce contexte, puisque ce n'est visiblement pas les mots ?


Lorsque le Rambam énonce comme principe de foi que la Torah ne sera pas changée, il s’agit de son contenu, c-à-d des Mitsvot.
Il est vrai que, parfois, changer un mot, voire même une seule lettre, peut changer le sens de la phrase (et donc de la Mitsva), mais ce n’est pas le cas b’’h.
Certes, tous nos exils ont eu des répercussions en perte de transmission par rapport à la préservation de chaque lettre de la Torah, il y a le דכה/דכא que vous citez et aussi d’autres petites subtilités, notamment dans le sefer Torah yéménite, idem pour les 3 sfarim de l’époque d’Ezra où l’on a convenu de suivre 2 contre 1.
Mais il ne s’agissait pas de doutes sur la Halakha, sur les Mitsvot, seulement des problèmes de graphie.

C’est ce qu’on nous dit aussi dans Kidoushin (30a), déjà à l’époque des Amoraïm (Rav Yossef et Abayé) on n’avait plus de certitude sur beaucoup des ‘Hassérot Veyétérot. Cela ne change pas le sens des Mitsvot, la Torah dit toujours la même chose, c’est uniquement des doutes si tel mot s’écrit ici avec une lettre dont on peut se passer ou non, comme un Vav ou un Youd qui ne sont pas toujours indispensables à la lecture.

Il y a même discussion parmi les sages (Sanhédrin 21b) quant à savoir si le Sefer Torah s’écrivait, avant Ezra, avec les caractères que nous utilisons aujourd’hui (Ktav Ashouri) ou plutôt en Ktav Ivri (Libounaï/cunéiforme/comme les Caraïtes samaritains).
Cela veut dire que la forme des lettres a, selon certains, totalement changé, et cette opinion ne fait pas des détenteurs de cette Shita des Kofrim dans ce Ikar qui stipule que la Torah ne changera jamais. C’est bien parce qu’il est question du contenu, du texte, des Mitsvot, de ce que la Torah dit, pas de la manière dont c’est écrit (tant que ça ne change pas le sens de la Mitsva).
joelb
Messages: 47
Shalom Rav,

Au delà de la différence entre les sifrei Torah séfarades/ashkénazes (דכה/דכא), on voit dans le commentaire de Rachi qu'il avait une guirsa différente de celle que l'on connait. Je pense notamment à 3 endroits particuliers:
1- Berechit 25-6 sur pilagshim
2- Shemot 25-22 sur (Vé)eth
3- Bamibar 1-13 sur Vaashimem

Rachi a vécu il y a moins de mille ans, et pourtant le texte qui nous ait parvenu a subi quelques petites modifications malgré toutes les précautions qui ont été précises par les sages pour les éviter. Tout le monde était pourtant prévenu (cf Kiddoushin 30a). Errare Humanum est.

Si aujourd'hui, une communauté possédait encore un sefer Torah de l'époque de Rachi (avec des lettres en plus et/ou en moins) et qui serait kacher par ailleurs (pas de lettres effacées ou qui se touchent ...) pourrait elle lire la paracha avec Brakha?

Merci pour le temps que vous nous consacrez
Joël
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Citation:
Au delà de la différence entre les sifrei Torah séfarades/ashkénazes (דכה/דכא), on voit dans le commentaire de Rachi qu'il avait une guirsa différente de celle que l'on connait. Je pense notamment à 3 endroits particuliers:
1- Berechit 25-6 sur pilagshim
2- Shemot 25-22 sur (Vé)eth
3- Bamibar 1-13 sur Vaashimem
Rachi a vécu il y a moins de mille ans, et pourtant le texte qui nous ait parvenu a subi quelques petites modifications malgré toutes les précautions qui ont été précises par les sages pour les éviter. Tout le monde était pourtant prévenu (cf Kiddoushin 30a). Errare Humanum est.
Si aujourd'hui, une communauté possédait encore un sefer Torah de l'époque de Rachi (avec des lettres en plus et/ou en moins) et qui serait kacher par ailleurs (pas de lettres effacées ou qui se touchent ...) pourrait elle lire la paracha avec Brakha?


C’est une très bonne question.
Si le détenteur de ce sefer torah est aussi détenteur d’une « tradition », d’une « massoret sans interruption » de faire la Brakha sur ce Sefer, oui, il peut faire la Brakha.

Cela veut dire que le sefer Torah qu’avait Rashi était Kasher même si nous ne ferions pas la brakha dessus de nos jours, lui n’a pas fait un « issour brakha levatala beshogueg » à son époque en faisant la brakha dessus.

Son sefer est peut-être plus « juste » que le nôtre, mais nous faisons la Brakha sur le nôtre en nous basant sur notre massoret ininterrompue. A l’instar des Amoraïm qui -en dépit de leur incertitude sur certains ‘Hassérot Veyétérot- faisaient la Brakha sur le Sefer Torah qu’ils avaient.

La Brakha ne nécessite pas que le sefer Torah soit « exactement comme celui de Moshé Rabénou », mais qu’il nous ait été transmis en tant que tel.

Une massoret ininterrompue a transmis דכא, une autre a transmis דכה, on fait donc la Brakha sur les deux sans considérer que cela soit contradictoire, cela prouve bien qu’il ne s’agit pas de dire que ce sefer soit exactement identique au sefer initial de Moïse.

Mais si nous retrouvons le sefer torah de Rashi, sans qu’il y ait eu de Massoret à son sujet, on ne fera pas la Brakha dessus.

Il y a un sefer Torah attribué au Ran, que le Ran aurait lui-même écrit, et il a été retrouvé (je crois) au XXème siècle [mais depuis, certains chercheurs ont affirmé que ce Sefer n’a pas été écrit par le Ran], c’est un Sefer ancien, et on y trouve des différences dans la forme des lettres, différences qui sont considérées comme invalidantes de nos jours (le Kouf n’est pas en deux partie, le haut de la barre verticale touche la partie supérieure).
Comme nous n’avons pas de Massoret ininterrompue, on ne fera pas la Brakha dessus, même si, en son temps, ce sefer était kasher.

Je ne suis pas certain que ce qui va suivre soit unanime, mais pour aller plus loin, je dirais qu’a priori, même si l’on pouvait retrouver le sefer Torah de Moshé Rabénou himself, le vrai, celui qui était avec le Aron, et qu’on y constatait des différences de ‘hassérot Veyétérot, on ne pourrait pas faire la brakha dessus ! Puisque la Brakha a été instaurée sur les Sfarim d’une époque plus tardive.
Et encore plus loin : même si on retrouvait un sefer torah de l’époque de la Takana (de faire cette Brakha) [dans la mesure où à cette époque il y avait déjà des doutes et éventuellement déjà différentes versions] on ne pourra pas faire la Brakha dessus non plus.
(Par contre, si à l’époque de la Takana il n’y avait eu qu’un seul Sefer Torah et aucun doute, on pourrait dire que la Takana fut de faire la Brakha sur CE nossa’h de sefer Torah, et dès lors, nous pourrions et devrions faire la Brakha dessus.)
ez613
Messages: 101
Rav, je suis sûr que le fait que les Rabbins rendent littéralement passoul le Sefet Torah de Moshe aurait beaucoup énervé les Tsdukim, et je pense que même les Prushim auraient apprécié l'ironie ! Cela dépasse même l'histoire de Moshé qui ne comprends pas Rabbi Akiva !
mortdesidees
Messages: 126
Au sujet du Sefer Torah de Moché je voulais faire remarquer qu'il y'a une autre raison, bien plus impérieuse, de ne pas faire la brakha dessus : il est écrit en ktav ivri, (ליבונאה) et Ezra a institué que dorénavant il fallait écrire en Achourit. Le Sefer Torah de Moché n'est donc plus casher.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
A Ez613 :

Citation:
Rav, je suis sûr que le fait que les Rabbins rendent littéralement passoul le Sefet Torah de Moshe aurait beaucoup énervé les Tsdukim, et je pense que même les Prushim auraient apprécié l'ironie ! Cela dépasse même l'histoire de Moshé qui ne comprends pas Rabbi Akiva !


Effectivement, c’est assez cocasse, mais il faut garder à l’esprit la distinction entre « Passoul » et « Passoul pour la Takana/Brakha ».

Dire que le sefer de Moshé est passoul ne signifie pas qu’il n’a pas de valeur et qu’il est bon pour la Gniza comme un sefer mal écrit et qui comporte trop d’erreurs.
Cela veut juste dire qu’on ne peut pas accomplir la Takanat ‘Hazal en faisant la Brakha puisqu’il ne correspond pas aux critères qui ont été fixés en raison des Sfeikot.

Quant à Moshé qui ne comprenait pas R. Akiva, il faut le comprendre avec un peu de recul : ça ne veut pas dire que R. Akiva professait une autre religion, mais que les préoccupations intellectuelles de l’époque n’étaient pas les mêmes, elles évoluent en fonction des mentalités.

Nous constatons facilement que les préoccupations et ‘Hakirot des A’haronim ne semblaient pas concerner les Rishonim pour qui les choses paraissaient plus évidentes.
L’éloignement de la source permet des doutes qui étaient naturellement exclus quelques siècles auparavant.

Si le Rambam lisait un Reb ‘Haïm (qui vient pourtant expliquer le Rambam), il est probable qu’il n’y comprendrait pas grand-chose.
Et s’il s’agissait de lire un Birkat Shmouel, c’est quasi-certain.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
A Mortdesidees :

Citation:
Au sujet du Sefer Torah de Moché je voulais faire remarquer qu'il y'a une autre raison, bien plus impérieuse, de ne pas faire la brakha dessus : il est écrit en ktav ivri, (ליבונאה) et Ezra a institué que dorénavant il fallait écrire en Achourit. Le Sefer Torah de Moché n'est donc plus casher.


‘Hazak ! bonne remarque.

Néanmoins cela dépend des avis, car il n’est pas unanime que le sefer Torah de Moshé fut écrit en Ktav Ivri.

Ce que vous dites suit l’avis de R. Yossi (Sanhédrin 21b), mais Rabbi n’est pas d’accord et dit que la Torah a été donnée en Ktav Ashouri (שמאושרת בכתב).
Idem pour R. Shimon ben Elazar, R. Eliezer Ben Parta et Rabbi Elazar Hamodaï, selon qui la Torah a été donnée en Ktav Ashouri, et c’est ce qui est retenu généralement chez les Rishonim comme étant l’opinion dominante chez les Tanaïm et par conséquent validée par le Talmud.
Voir Rabénou ‘Hananel (Sanhédrin 22a) et d’autres.

De plus, même d’après R. Yossi et ceux qui pensent que le Ktav a été changé de Ivri à Ashouri, plusieurs commentateurs comprennent qu’il ne s’agirait pas de dire que le Sefer Torah de Moshé fut écrit en Ktav Ivri, mais que les copies qui en ont été faites l’étaient.
Le sefer initial de Moshé, qui restait avec le Aron, était écrit en Ktav Ashouri comme les nôtres (idem pour les Lou’hot…).
C’est que qu’écrivent le Radbaz (§883), le Ritva (Meguila 2b), le Maharal (Tiféret Israel (§64), le Yaabets (Migdal Oz, aliyat Haktiva, Tosséfet Ktiva, p.5), le ‘Hasdei David (Sanhédrin §IV,5) et d’autres.

Toutefois, même d’après l’opinion retenue et majoritaire qui imagine le Sefer Torah de Moshé écrit en Ktav Ashouri comme les nôtres, il subsisterait un éventuel problème en raisons de divergences de ‘Hassérot et Yetérot, c’est que je disais plus haut.
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