Il est clair que le libre-arbitre est un reflet exclusif de l’action humaine, laquelle est totalement différente des mouvements physiques (la pierre tombe nécessairement vers le bas) et des actions animales (les animaux agissent d’après un jugement instinctif, qui n’est pas libre : l’instinct de la brebis la pousse nécessairement à suivre le loup). Seul l’homme agit d’après un jugement libre, qui n’est pas l’effet d’un instinct naturel s’appliquant à une action particulière, mais d’un rapprochement de données opéré par la raison. Choisir, c’est toujours se déterminer, par l’intelligence, entre deux ou plusieurs possibilités : c’est cela la liberté.
Ramban (Na‘hmanide) est cependant plus nuancé. Il considère (ad Berèchith 1, 29) que les créatures dotées de mobilité disposent d’un certain avantage en ce qui concerne leur âme, ce qui leur procure quelque ressemblance avec l’homme, seul à posséder une âme rationnelle. Ils possèdent en effet le pouvoir de choisir ce qui concerne leur bien-être et leur nourriture, de même qu’ils s’éloignent de ce qui menace leur vie. « Qui peut savoir si le souffle des humains monte en haut, tandis que le souffle des animaux descend en bas, vers la terre ? » (Ecclésiaste 3, 21).
Il en est de même de Radaq à propos du verset : « Même la cigogne dans le ciel connaît sa saison ; et la tourterelle, l’hirondelle, et la grue prennent garde au temps de leur migration, mais mon peuple ne connaît pas la justice de Hachem » (Jérémie 8, 7). Il explique que même les animaux, pourtant dépourvus de raison, savent s’éloigner de ce qui les menace et rechercher ce qui est bon pour eux.
Ce pouvoir de choisir dont disposent les animaux n’est en réalité qu’une manifestation de leur instinct, contrairement au libre-arbitre de l’homme. Ils naissent avec la faculté instinctive de fuir ce qui leur est dangereux, de reconnaître leurs ennemis et de savoir où trouver de la nourriture. Le Kethav we-haqabala (ad Wayiqra 1, 2) nous apprend que la « parole » chez l’animal est purement instinctive et qu’elle n’est pas le résultat du libre-arbitre. De même Rambam (Guide des égarés 3, 17) et le ‘Aqèdath Yits‘haq (ad Berèchith 2, 7) considèrent qu’il n’y a pas de libre-arbitre chez les animaux.
La désobéissance du soleil et de la lune, comme l’indique le Maharal dans son Nèr mitswa, constitue l’expression d’une déviation par rapport à l’idéal divin originel. Elle n’est en rien la manifestation d’un libre-arbitre tel que nous le connaissons, mais elle traduit l’imperfection fondamentale du monde tel qu’il a été créé par rapport à la perfection du Créateur. Cette imperfection n’est pas une « erreur » commise par Hachem, mais elle traduit une partie du plan divin qui a créé l’univers, non pas pour qu’il poursuive une existence statique, mais en vue d’un développement continu vers l’idéal voulu par Lui.