La question a déjà été discutée par les poskim, mais c’est un sujet relativement récent.
Nous trouvons dans le Shout Torah Lishma (§27) (certains considèrent que l’auteur de ce responsa est le Ben Ish ‘Haï), concernant une personne qui n’avait pas de fils, qui avant de mourir avait demandé à ce que 18 personnes viennent étudier dans sa maison durant l’année de deuil et qu’après l’étude, sa fille (qui était savante en Tanakh) dise le kadish.
La question est donc posée pour savoir s’il fallait suivre cette prescription ou s’il y avait une contre-indication halakhique.
L’auteur (sous le nom/pseudonyme de Ye’hezkel Ka’hali) répond qu’il ne convient pas d’autoriser car on en viendrait à ne pas faire de distinction entre ce kadish et les kadishim obligatoires (dans la tfila) pour lesquels une femme ne peut pas acquitter un homme de son obligation.
On retrouve aussi une opposition dans le Maté Ephraïm (kadish yatom, shaar IV, séif 8) en raison du manque de tsniout.
[Il est vrai que le problème de Kol Beïsha semble diminué selon certains lorsqu’il s’agît de liturgie et de prières (cf. Ye’havé Daat (IV, §15) pour la lecture de la Torah), le Sridei Esh va dans ce sens concernant les zmirot de shabbat, mais les poskim qui se sont opposés à sa lecture sont nombreux, voir Tsits Eliezer (XIV, §7, 1)]
Nous trouvons des poskim qui autorisent la femme à dire Kadish lorsqu’elle n’a pas de frère, mais uniquement dans un minian privé, à la maison et pas à la synagogue.
Voir :
Shvout Yaakov (II, §93)
Knesset Ye’hezkel (fin de Y’’D)
Baer Heitev (O’’H §132, sk.5)
Shaarei Tshouva (O’’H §132, sk.3)
Kitsour Shoul’han Aroukh (§26, 20) (qui cite ceux qui autorisent à la maison et ceux qui l’interdisent, mais ne mentionne aucune permission de dire le kadish à la synagogue).
Le Rav Yossef Eliahou Henkin (Hapardes 1963, vol.6, p.5-6) tend à autoriser la femme à dire Kadish (même dans une synagogue ) si toutes les conditions suivantes sont remplies :
1) qu’elle se trouve dans la Ezrat Nashim, en présence de femmes (-et exclusivement de femmes)
2) qu’elle-même respecte shabbat, kashrout, tahara et tsniout.
3) qu’elle dise kadish au moment où l’on dit le kadish chez les hommes.
Là, il est possible d’accepter qu’une femme dise kadish, mais s’il manque une de ces conditions, non.
Le Min’hat Its’hak (IV, §30), répond au R. Halberstam qui lui demandait comment le Rav Henkin pouvait autoriser la récitation d’un kadish en l’absence de minian, qu’il est lui aussi étonné de ce psak et qu’il ne convient certainement pas d’autoriser cela.
Je crois qu’ils ont commis tous les deux (le Min’hat Its’hak et le R. Halberstam) une fâcheuse erreur de compréhension dans leur lecture du texte de rav Henkin.
Ce dernier ne parlait pas de dire le kadish dans la ezrat nashim au moment où l’on dit le kadish chez les hommes SANS qu’un homme ne le récite « chez les hommes », mais qu’elle récite son kadish en MÊME TEMPS que le kadish récité chez les hommes, c-à-d à un moment où un homme est aussi en train de dire kadish dans la même synagogue, dans la partie réservée aux hommes.
Et donc à un moment où il y a bien un minian d’hommes qui répondent au kadish.
[En dehors de cette erreur, le texte en comporte une autre dans la retranscription des dires de rav Henkin dans le Min’hat Its’hak, il manque un Alef crucial qui transforme « hommes » en « femmes » (Anashim).]
Ils ne sont pas les seuls à avoir mal compris l’intention du rav Henkin, d’autres aussi réfutent sa position en arguant qu’il est indispensable qu’il y ait dix hommes pour constituer un minian autorisant la récitation du kadish (ce qui prouvent qu’ils l’ont mal lu), voir par exemple le Shout Ya’hel Israel (§84).
Le petit-fils du rav Henkin, dans son shout Bnei Banim (II, §7) autorise les femmes à dire Kadish dans les mêmes conditions que celles citées par son grand-père, puisque de nos jours, plusieurs personnes disent kadish en même temps.
Et si aucun homme n’a besoin de dire kadish, il convient qu’un homme dise tout de même kadish pour que la femme puisse elle aussi le faire de la Ezrat Nashim.
C’est –semble-t-il, aussi l’opinion du rav Moshé Feinstein (Igrot Moshé O’’H, V, §12, 2) qui atteste que depuis toujours il arrive qu’une femme qui doivent dire kaddish le fasse dans ces conditions.
Rav Aharon Soloveitshik (Od Israel Yossef Bni ‘Haï §32) autorise aussi le kadish féminin.
Idem pour le Rav Israéli (shout Bemaré Habezek, 1, §4) si la femme fait attention à le dire d’une voix « normale » et basse.
Le ‘Havot Yaïr (§222) s’oppose au Kadish féminin par crainte que cela déstabilise les minhaguim ancrés, que chacun n’en fasse qu’à sa tête et que nos coutumes se perdent.
Voir aussi Kiriat ‘Hana (§35) et Shout Ya’hel Israel (§84).
Le Elef Lamaté (sur le Maté Ephraïm -kadish yatom, shaar IV, séif 8) indique quelques avis qui autorisent à la maison, dans un minian privé, mais les désapprouve du moins « de nos jours » où la pritsout est plus fréquente et il est probable qu’un jour, une de ces femmes prenne soin de moduler sa voix et fasse un effort pour bien réciter son kadish d’un son agréable à l’oreille, ce qui constitue déjà une pritsout -selon la Gmara Sotah (48a).
C’est aussi la position du
Tsits Eliezer (XIV, §7)
Pit’hei Tshouva (Y’’D §358, sk.3)
Tshouva Meahava (II, §229)
Divrei Israel (III, §33)
Mishpetei Ouziel (III, O’’H, §23) (Tanina O’’H, §13) (Piskei Ouziel §3)
Mishmeret Shalom (lettre kouf, §51)
Kinian Torah Bahalakha (IV, §22)
D’autres s’y opposent fermement même sans aucune crainte, mais tout bonnement parce que la femme n’aurait –selon eux- aucune notion de kadish et que ça ne servirait donc absolument à rien, si ce n’est à tourner en dérision l’institution du kadish en la fourvoyant.
Voir le Le’hem Hapanim (§376) et le Beth Le’hem Yehouda (§377, sk.5) au nom du Sefer Ha’haim et le Sdei ‘Hemed (Aveilout §160).
Cependant, voir aussi Sdei ‘Hemed (Aveilout , péat hassadé §9) pour qui la coutume ashkenaze semble plus facilement permissive pour un kadish à la maison en minian privé, mais chez les sfaradim c’est totalement exclu.
[Je précise que cette idée de considérer le kadish comme purement réservé aux hommes n’est pas du tout unanime et même le ‘Havot Yaïr (§222) qui s’oppose au Kadish féminin écrit bien que dans la théorie, le kadish d’une femme participerait lui aussi à l’élévation de l’âme du défunt.]
Toutefois, il est indéniable que certaines fois, on a autorisé des femmes (ou plutôt des filles) à dire kadish lorsqu’il n’y avait pas de fils, voir le Guesher Ha’haim (§XXX, 8) et ‘Hazon Lamoed (§24, note 4) qui autorisent si la fille a moins de douze ans. (voir encore Hakadish p.171).
Le Tshouva Meahava (II, §229) indique qu’à Prague ça se fait avec des filles d’à peu près 6 ans qui disent Kadish dans la ezrat nashim suite à une étude (mais il s’y oppose).
Rav Feinstein dans Igrot Moshé (O’’H, V, §12, 2) écrit que depuis toujours il arrivait qu’une femme dise le kadish de la ezrat Nashim [-en même temps que les hommes.
Il ne le précise pas dans le texte, mais rien ne permet d’en déduire l’inverse, bien au contraire ; l’habitude dont il parle a toujours été assez discrète justement parce que les femmes en question récitaient leur kadish à voix basse en même temps que les hommes qui récitaient leur kadish].
Voir aussi le Nitei Gavriel (Aveilout, II, §49, 5, note 8, p.361) qui indique que le Rabbi de Liska (R. Tsvi Hirsh Friedman) qui n’a pas laissé de fils, demanda que sa fille dise kadish pour lui.
Il indique encore qu’il est écrit dans le Beit Avraham que le Likoutei Beit Ephraïm n’ayant pas encore eu de fils commenca à enseigner le Kadish à sa fille, mais finalement il eut un fils et n’eut pas recours aux services de sa fille.
Le Minhag répandu de nos jours est néanmoins d’interdire systématiquement le Kadish féminin, voir :
Halikhot Bat Israel (§XIII, 16)
Piskei tshouvot (§132, 33)
Nitei Gavriel (Aveilout, II, §49, 5)
Pnei Baroukh (§34, 20)
Pour ma part, je trouve cette position excessive et je ne pense pas que l’on puisse s’opposer SYSTÉMATIQUEMENT au kadish féminin.
Il faut bien entendu tenir compte de tous les paramètres propres à chaque situation, mais il me semble convenable d’autoriser en fonction des situations à une femme (–ou au moins à une petite fille !) de dire Kadish après une étude même depuis la Ezrat Nashim si un homme dit le kadish en même temps dans la synagogue (et qu’il y a donc un minian).
Bien entendu, même si toutes les conditions requises sont remplies, il faut aussi savoir composer avec sa communauté et ses sensibilités ; si le Tsibour s’oppose au kadish féminin, même si le rabbin sait qu’il peut l’autoriser dans certaines conditions, il convient de tenir compte de la sensibilité du public (si le rabbin n’est pas assez respecté pour que tout ce qu’il dise soit considéré comme assurément vrai).
Je ne sais ni où vous habitez, ni qui est le rabbin de votre synagogue, j’imagine qu’il s’est renseigné à bonne source avant de mettre en place ceci.
Le seul élément qui paraît un peu dérangeant, c’est que vous dites que cette dame fait le kadish à voix haute, ce qui semble indiquer qu’elle le récite seule (=sans qu’un homme ne le récite en même temps).
Dans l’idéal, il serait préférable qu’un homme dise le kadish en même temps (même s’il n’est pas dans l’année de deuil), comme l’indique le Shout Bnei Banim (II, §7).
Maintenant que cette femme à commencé à faire son kadish seule, si on lui explique que c’est pour mieux coller à la halakha qu’il est nécessaire qu’un homme fasse kadish en même temps, elle risque de mal le prendre.
Il n’est donc pas forcément intelligent de le lui présenter ainsi, elle peut constater qu’une autre personne dise kadish en même temps, sans se sentir visée.
Et si elle connait suffisamment la halakha pour comprendre que c’est pour/à cause d’elle, elle sera aussi certainement assez instruite pour comprendre que c’est justement dans l’intérêt du défunt pour lequel elle dit le kadish, car si son kadish s’avère être contraire à la halakha, non seulement il n’élève pas l’âme du défunt, mais bien pire encore, chaque kadish « interdit » produit l’effet inverse.
Je sais qu’avec ce type de raisonnement, on devrait interdire tout bonnement aux femmes de dire kadish, puisque de nombreux décisionnaires considèrent que de nos jours, il faut absolument éviter le kadish féminin, mais j'estime qu’il y a encore une très grande différence entre permettre le kadish « à voix haute » et permettre le kadish « en stéréo » (=à voix basse, lorsqu’un homme le récite aussi dans la synagogue).
Cette seconde option, quoique fortement décriée de nos jours, me semble acceptable dans certaines conditions et il ne fait pas de doute qu’entre les deux options, c’est la préférable.
Je ne prends pas le temps de me relire, veuillez excuser les fautes.