La notion de Tfila Betsibour n’est plus large que celle de Tfila Beminian qu’en raison de « berov Am Hadrat melekh », mais dès qu’il y a 10 personnes, cela a le statut d’un minian et les promesses rabbiniques (sur la puissance d’une telle prière) sont déjà engagées.
Vous avez donc raison que lorsque toute la communauté est réunie ça aura encore plus de valeur, mais dès qu’on est dix, ça passe déjà au stade de Tfila Betsibour/beminian.
N’oubliez pas qu’il y a eu dans le passé beaucoup de communautés juives ne comportant qu’une dizaine de juifs majeurs (ou à peine plus).
Le fait d’accéder au titre de Tfila Beminian permet aussi le kadish, la Kdousha, la 'hazara et la kriat Hatorah qui confèrent à cette prière un atout majeur par rapport à un groupe de 9 personnes.
Quant aux réfractaires à la tfila beminian, qu’ils soient de Brisk ou d’autres « obédiences » (comme certains cabalistes), c’est souvent pour des raisons de Kavana.
Mais chez Brisk, il semblerait qu’il y ait autre chose, ça serait un choix s’inspirant de leurs rabbanim
(Reb ‘Haim et le Brisker Rov) et d’autres
(Maharil Diskin, ‘Hazon Ish, R. ‘Haim Greineman,…) et chez les Rabbis ‘hassidiques (comme le
Yisma’h Moshé, le
Maguid de Mezritsh (Hist. des juifs de Graetz -Paris 1897, V, p.289), Rabbi Nathan de Nemirov durant la période des Sli'hot
(cf. "Im lo lemaala mizé" de Y.L. Peretz et Anthologie Juive, Fleg, Paris 1923, p.314) , le Bnei Yissoskhor de Dinov priait Min'ha Beya'hid
(Divrei Torah -Munkacz- III, §83), et il y a un grand de la ‘Hassidout (anonyme) cité par
Rav Zweifel dans
Saneigor (p.221) qui priait toute l’année sans minian excepté à Rosh Hashana et Yom Kipour
(je ne sais pas ce qu’il faisait à Parshat Zakhor…), et encore d’autres).
[Il est aussi très fréquent que le Rabbi ‘hassidique ne fasse pas la prière avec ses ‘hassidim mais dans une petite salle attenante et communicante par une petite fenêtre obstruée d’un rideau.
Dans ce cas, ils s’arrangeaient pour que ce soit encore considéré « beminian » (par l’ouverture du rideau aux moments clés), à la différence du
Yisma’h Moshé qui priait seul.]
Quelles étaient exactement les motivations de ces rabbanim pour prier seuls à la maison ? c’est fort discuté, il y a toutes sortes de théories.
La kavana revient souvent, ainsi que différents ‘hshashot (inquiétudes halakhiques), ou par modestie pour ne pas qu’on découvre leur Tsidkout ( …), ou encore l’atout de prier « là où l’on étudie (le plus) » (voyez
Brakhot daf 8 et
Shoul’han Aroukh O’’H §90, 18 dans le
Rama).
Voir aussi
Rabbi Avraham Aboulafia dans
Otsar Eden Ganouz qui écrit en 1286 (imprimé à
Jérusalem en 2000, voir page 171 en bas, ici:
http://hebrewbooks.org/pdfpager.aspx?req=49643&st=&pgnum=174
contre les « imbéciles » qui critiquent ceux qui prient dans leur salle d'étude (au lieu de prier Beminian à la synagogue).
Reb ‘Haim priait seul, mais aussi tard (-et pas à l’heure du minian du matin comme l’ont fait d’autres rabbanim), il paraît qu’il s’agit d’un calcul de gain de Limoud. C-à-d : voyant qu’il est pris dans une souguia et que l’heure avance, il a le choix entre arrêter son limoud pour s’assurer de pouvoir se lever tôt pour la Tfila, ou continuer son étude et se lever plus tard
(bien évidemment AVANT le Sof Zman du Shema).
S’il se couche tôt, il perd tout ce qu’il a fait dans la souguia, un investissement de plusieurs heures qu’il faudra reprendre le lendemain pour se remettre dans le bain, s’il se couche tard, il gagne une avancée considérable dans son limoud.
Autrement dit, ces heures-là ne se remplacent pas par le même nombre d’heures le lendemain.
Le
‘Hafets ‘Haim a aussi fait usage de ce raisonnement lors de la rédaction du
Mishna Broura pour se dispenser d’aller prier Min’ha et Maariv Betsibour lorsqu’il estimait que l’interruption allait perdre le fil d’un raisonnement (cf.
Toldot imprimées dans le
3ème tome de Kol Kitvei He’hafets ‘Haim, p.48), voir à ce sujet le
Biour Halakha (§232 sv Ve-im).
On dit la même chose de plusieurs Rabbanim, dont le
Min’hat Its’hak.
Et
Rabbi Moshé 'Haguiz aussi priait seul, comme il l'écrit dans son
Elé Hamitsvot (§433, daf 21a).
Voyez aussi ce qu'écrit le
Yaabets dans
Meguilat Sefer (Bick, Jérusalem 1979, p.154) concernant
R. Moshé 'Haguiz. Et voir encore
Saneigor (p.221) .
Voir aussi
Meshartav Esh Lohet (II, p.71) au sujet de
Rav Mordekhai Banet, qui était « paroush min haolam », qu’on ne le voyait pas dehors, à part quelques fois où il allait à la synagogue le samedi matin avant la Kriat hatorah, ainsi qu’à Yom Kippour, ou encore les fois où il était Sandak et cas similaires.
Rav Yossef Zekharia Stern, étant toujours assez faible, allait rarement à la synagogue pourtant proche de chez lui. Il s'y rendait le Shabbat pour une prière rapide, et disait : אין לך דבר העומד בפני ביטול תורה
(cf. Dmouyot III, Harav Yossef Zekharia Stern, de R. Zeev Arié Rabiner , Jérusalem 1943, p.6-7).
Pour ce qui est des Rabbanim de Brisk, il y a un certain voile autour de l’explication de leur conduite, on retrouve dans quelques sources que le
Rav de Brisk priait seul « Mitaam Hakamous » (pour une raison secrète/cachée).
Je ne peux pas affirmer savoir quel est ce Taam Kamous, mais le fait qu’il soit dissimulé me renseigne à son sujet
(et m’empêche aussi -pour la même raison, de l’expliquer publiquement) -Vehamaskil Yavin.
Il y a aussi l’argument du Bitoul Torah mais certains
(Talmidei R. Yona dans Brakhot 4a midapei haRif) le réservent seulement à celui dont « torato oumanouto » (qui ne s’occupe que d’étudier la Torah).
Bien que d’autres considèrent que tout talmimd ‘hakham puisse prier seul pour éviter le Bitoul Torah
(Tour O’’H §90, Behag Hil. Brakh. p.56, Raavia Brakhot §11-et voir aussi Sefer ‘Hassidim §778), il faudra veiller à ne pas être ridicule
(=se dire qu’on veut éviter le Bitoul Torah tout en excellant en Bitoul Torah d’un autre côté) et aussi, cela ne concerne que celui qui prie seul pour prier « là où il étudie ».
Encore, il faudra veiller à ne pas trop se faire remarquer pour cela, car les Amei Haarets pourraient bêtement se dire «
si le ‘hakham prie seul, je peux en faire autant », alors que
la progression spirituelle de l’un passe par la Tfila Beya’hid tout autant que celle de l’autre passe par la Tfila Beminian.
Les rabbins ayant toujours une piètre opinion du peuple (des simples juifs), craignent donc le mauvais exemple que seuls les plus intelligents pourraient comprendre et éviter, mais la masse des juifs risquerait la mauvaise influence si le ‘hakham venait à fanfaronner au sujet de sa prière solitaire.
Et enfin, quant à ce que vous dites que certains rabbins de Brisk prient seuls et ne se déplacent que pour écouter la Kriat hatorah, cela vient du fait qu’il existe une Ma’hloket concernant l’obligation rabbinique de Kriat Hatorah, certains pensent que c’est une obligation qui incombe au Tsibour, de manière générale, un Tsibour, une communauté, doit organiser la lecture publique de la Torah, sans pour autant constituer une obligation à titre individuel (sur chaque individu).
D’autres au contraire, estiment que l’institution de Kriat hatorah est une obligation visant chaque individu séparément (bien qu’il faille un minian pour s’en acquitter), comme c’est le cas pour la Meguilat Esther à Pourim.
Lesdits rabbins Briskers se soucient donc de cette opinion obligeant chacun à entendre la lecture.
[Par contre, le Arizal priait souvent chez lui à la maison, beminian, mais sans Kriat Hatorah. Cf. Shaar Hakavanot 'daf 48d) et Shout Birkat Yehouda (III, O''H §4)]
PS: Par manque de temps et de force, je ne me relis pas, veuillez excuser les fautes et surtout le probable désordre.