C’est une question intéressante, bien qu’elle n’intéresserait pas une bonne partie des rabbanim français qui se contenteraient de la repousser en disant que ce n’est « pas lemaassé ».
Je ne me souviens pas qu’elle soit largement débattue par les poskim, je me permets donc de m’aventurer à des réflexions personnelles.
De prime abord, j’aurais tendance à dire que si l’on n'a rien à manger ni à boire, quand bien même parlerions nous d’une obligation de Kidoush en tant que Mitsva, il conviendrait de s’en acquitter par la Tfila (lorsqu’on mentionne Shabbat dans la prière), puisque certains A’haronim pensent que l’on peut s’en acquitter ainsi.
Preuve en est : à Yom Kippour, pas de Kidoush.
Cependant, nous trouvons dans le Midrash une idée assez étonnante.
Il est dit au sujet de Rabbi Elazar Ben Shamoua, à la fin du Midrash Assara Harouguei Malkhout (Otsar Midrashim p.448) qu’un vendredi, ce rabbin a été pris par les romains pour être tué.
Il a demandé à ce qu’on le laisse au moins faire la Mitsva du Shabbat (il semblerait par la suite qu’il parlait de la mitsva du Kidoush), comme l’heure le permettait, il commença à faire Kidoush -sans pour autant en avoir eu l'autorisation ni sans avoir l’assurance qu’on le laisse vivre jusqu’au bout (et encore moins d’avoir le temps de consommer un Kazaït).
Le Midrash raconte que le bourreau le tua au moment où il prononçait le mot Elokim (de « Asher Bara Elokim Laassot »).
Concrètement, il n’a donc récité que des psoukim et cela ne pose aucun problème halakhique, mais il semble du Midrash qu’il fut prêt à aller plus loin et à entamer la partie Brakha du kidoush.
Pourtant, il devait se douter que le bourreau qui avait reçu l’ordre de le tuer tout de suite, n’allait pas attendre qu’il mange tranquillement son repas.
Il semble donc qu’il y ait une situation similaire à celle dont vous parliez, où celui qui sait qu’il ne mangera rien du tout (contre son gré), devrait quand même faire Kidoush « pour la Mitsva » du Kidoush.
Toutefois, il est à noter qu’à la fin du Midrash Elé Ezkera il est dit que Rabbi Elazar Ben Shamoua a été tué par les romains à Yom Kippour (comme son maître R. Akiva des années plus tôt) !
Ce qui contredit le Midrash précédent.
(il y a encore d’autre Midrashim où son nom ne figure pas dans la liste des 10)
Dans les Kinot (§21), nous retrouvons la version du Midrash Assara Harouguei Malkhout où Rabbi Elazar Ben Shamoua a commencé son kidoush sans savoir quand il allait être frappé et le bourreau le tua au mot Elokim.
Je laisse ce sujet "ouvert" (puisque ce n'est pas "lemaassé"!), mais en dépit de la preuve à apporter du Midrash, je pencherais plutôt pour l’acquittement par la Tfila, à l'instar de Yom Kippour.