Citation:
Est-on sûr que le tombeau de Mordekhaï se trouve en Iran, comme le prétendent les Juifs Iraniens ?
Voudriez-vous tenter de saper la campagne de dons du Vaad Harabanim ? 😊
Si le tombeau de Mordekhaï n’est que le tombeau d’un iranien inconnu, voire une boite vide, plus personne ne sera intéressé à ce qu’on aille prier pour eux à cet endroit…
Très honnêtement, je n’en sais rien.
Mais je pense que personne ne le sait vraiment non plus.
Il est difficile d’avoir une certitude sur la localisation d’un tombeau d’une personne décédée il y a 25 siècles.
Déjà, il est assez étonnant de constater que la localisation corresponde à la ville de Hamadan (Hamedan) qui, à ce moment, était toute récente
(mais déjà mentionnée à l’époque, sous son nom d’origine : A’hmeta -en français Ecbatane- , voir Ezra VI, 2) et qui n’était pas une ville royale, alors qu’il y aurait aussi Esther à côté de Mordekhaï, elle était pourtant reine et même après le décès de son royal mari, son fils aurait régné, pourquoi aurait-elle été enterrée dans un endroit lointain
(je crois que c’est à 500km de Shoushan Habira), qui, comme par hasard a eu dans les derniers siècles une forte population juive ?
Ça pousse un peu à penser qu’il s’agirait d’une légende inventée par les juifs de Hamadan il y a moins de mille ans.
Justement, il y a bientôt mille ans (en 1037)
Ibn Sina (Avicenne) est décédé à Hamadan et y a été enterré, il y a une grande structure sur son tombeau et c’est un lieu visité.
Il n’est pas exclu d’imaginer que les juifs de Hamadan, ayant dans leur ville le mausolée d’un sage des Nations, se soient trouvé (/désigné) un endroit qui aurait été le tombeau de Mordekhaï et Esther, puisque ces derniers ont vécu en Iran.
Plus tard, au XIIème siècle (vers 1170),
Rabbi Binyamin de Tudèle dans ses notes sur ses voyages
(§XIX -Otsar Massaot, p.37), mentionne le tombeau de Mordekhaï et Esther à ‘Hamedan
(avec un ‘Het, mais c’est peut-être une erreur, le nom signifiant que c’est la ville des Mèdes, c’est Hamedan avec un Hé), devant la synagogue.
Il parle d’une ville avec une forte population juive
(30000 ou 50000 juifs selon les versions).
Bizarrement, le
Seder Hadorot (I, 3404 -daf 66d) le cite en disant que Mordekhaï et Esther seraient enterrés à Shomron ( ?).
Le
‘Hibat Yeroushalayim (Horovitz) (Maamar Ranenou Tsadikim, §13, éd. Jér. 1964, p. 171) souligne cette bizarrerie dans le Seder Hadorot sans savoir l’expliquer.
Mais il y a peut-être une erreur de l’imprimeur ou du copiste sur une ou deux lettres et il faudrait corriger le Shin de שמרן en ‘Het (ou Hé), et le Dalet qui devient Reish est un classique, ça fait ‘Hamedan חמדן.
Nous trouvons aussi des sources indiquant le tombeau de Mordekhaï et Esther à Baram ברעם en Israël, Esther aurait demandé à son fils, Koresh (le roi), de la faire enterrer en Israël, c’est ce qu’écrit
R. Mena’hem Ha’hevroni en 1215 dans sa lettre (imprimée dans
Hameamer III, p.41) (voir aussi en
page 85).
Voyez encore dans
Otsar Massaot (p.332), avec une version qui y ajoute aussi Mordekhaï.
Rabbi Yaakov le Shadar de la yeshiva de
Rabbi Ye’hiel de Paris (ce Shadar est mentionné dans Shlou’hei Erets Israel tome I, p.210), qui a voyagé au XIIIème siècle, nous dit lui aussi, déjà à cette époque, que le tombeau est à Baram, et ce n’est pas le seul.
Voyez
Itinéraires de la Terre Sainte (Bruxelles 1847, p.184, p.380).
[Cependant, dans l’édition des notes de
Rabbi Yaakov le Shadar par
Rav Eisenstein (Otsar Massaot, p.71), ils ne sont pas enterrés en Israël (mais à «
Paras OuMadaï »).]
Voir aussi
Iguéret Yi’hous Avot (imprimée dans Hameamer III, p.221 et traduit dans [b]Itinéraires de la Terre Sainte -Bruxelles 1847, p.455-6) et
Sefer Yi’hous Hatsadikim (dans Hameamer III, p.226) qui tous deux mentionnent le tombeau d’Esther à Baram.
On retrouve la même information dans le
Kadmoneinou (Jéru. 1993, pages 36, 198, 354), dans le
Seder Hadorot (I, 3404 -daf 66d), et dans
Hamekomot Hakdoshim (Jér. 2004, p.363), au nom des voyageurs
R. Shmouel Bar Shimshon et R. Mena’hem ben Perets Ha’hevroni.
D’autres font état du tombeau d’Esther à Tsfat, c’est le cas de
Yossef Da Montagna (fin XVème siècle), dans sa lettre
(Igrot Yossef Da Montagna, imprimée dans Igrot Erets Israel de Avraham Yaari, Tel Aviv 1943, p.91-92 et dans Hameamer III, p.90).
Nous constatons donc qu’il y a de multiples « traditions » sur la localisation du tombeau d’Esther, ainsi que celui de Mordekhaï, et je suis sûr qu’en cherchant un peu à l’aide d’un ordinateur et d’un programme informatique, on pourrait trouver plus d’occurrences et Shitot dans les Sfarim.
[Il en va de même pour les Kvarim des Tanaïm à Tsfat, nous n'avons pas d'assurance de l'identité de chaque Tsadik. Les Kvarim ont été nommés par des kabbalistes et des élèves du Arizal, sur base de visions et estimations, mais pas qu'il y ait eu une tradition ininterrompue depuis le décès de chacun jusqu'aujourd'hui, localisant avec précision et certitude chaque Tana. Voir à ce sujet la lettre de Shir imprimée dans Gal Ed, Prague 1856, p.23, §7]
Merci de ne pas dire au Vaad Harabanim que j’ai dévoilé le pot-aux-roses 😊 et merci aussi de comprendre que toutes ces prières sur les Kvarim et bénédictions de grands Rabbanim ne sont pas grand-chose face à la Mitsva de Tsedaka elle-même, c’est dans l’optique de faire la Mitsva et aider de bonnes causes qu’il faut envoyer de l’argent aux caisses de charité, mais pas « pour » obtenir des prières sur un tombeau supposé être celui de Mordekhaï et Esther.
