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La signification de la ‘aqèda

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uzzan
Messages: 2
Au verset 5 du chapitre 22 de Berechith, Avraham dit à ses serviteurs: "pour vous, demeurez ici avec l'âne, et moi et le garçon irons jusque là, nous nous prosternerons et reviendrons vers vous"

Les 3 derniers verbes de ce verset sont à la 1ère personne du pluriel; il est surprenant qu'Abraham, obéissant à l'ordre de D. dis qu'il reviendra avec Itshak si cet ordre est un ordre de sacrifice ('Ola).

Rachi reprend Mo'ed Katan 8a, et dit, conscient de la difficulté, "il a prophétisé qu'ils reviendraient tous les deux".

Des hypothèses ont été formulées par certains commentateurs pour résoudre cette difficulté:
1/ Il s'agit d'un lapsus d'origine divine: Avraham a prophétisé par inadvertance sans avoir conscience de la portée de son propos.
ou bien,
2/ Avraham parla de la sorte afin d'induire en erreur ses serviteurs et de ne pas dévoiler son plan
ou encore
3/il pensait revenir avec la dépouille de son fils.

J'ai pour ma part du mal à imaginer qu'Avraham a accepté d'exécuter sans se poser la question "est-ce soit bien D., "gomel hassadim tovim", qui lui ordonne cet acte barbare, contraire aux promesses divines répétées de postérité, acte ressemblant tant aux sacrifices d'enfants que les idolâtres pratiquaient alors?

Aussi, je suis porté à imaginer qu'Avraham s'est dit:
"ce D. que je révère tant ne pouvant être le véritable auteur de cette demande impossible, ce serait quelqu'un d'autre qui m'a donné cet ordre; ou peut-être ai-je été victime d'une hallucination; ou peut-être aussi le vrai D. éprouve ainsi ma disposition à l'obéissance et arrêtera son bras avant l'acte fatal.
Dans le doute, la seule façon d'en avoir le coeur net est de commencer les préparatifs du sacrifice et d'aller jusqu'à lever le bras et d'attendre le contre-ordre, bien décidé à ne pas l'abaisser: l'absence de contre-ordre signifiant l'origine non divine de l'ordre de sacrifier ou son caractère hallucinatoire".
Cette présentation de l'état d'esprit d'Avraham est en harmonie avec la bonté et la promesse divines, avec le "nous reviendrons" du verset 5, avec la prophétie citée par Rachi, avec la capacité dAvraham à forcer D. à dévoiler ses plans, comme dans l'épisode de Sodome et Gomorrhe, et avec le "Ki 'ata iada'ti..." du verset 12

Les choses s'étant, heureusement, passées comme nous l'apprend la Torah, le mérite d'Avraham est-il diminué s'il n'a pu croire en un ordre divin de tuer son fils? non mais son mérite est d'avoir défié D. et de l'avoir contraint à ordonner la non-exécution, un peu comme Ya'akov vaincra l'ange.

Que pensez-vous de cette idée qui est peut-être un hiddouch?
Jacques Kohn ZAL
Messages: 2766
Il n’appartient pas à techouvot.com de se prononcer sur le bien-fondé des thèses émises par ceux qui l’interrogent.

La signification de la ‘aqèda a donné lieu à maints commentaires, et je citerai ici celui émis par le rabbin Elie Munk (La voix de la Torah, I, pages 218 et 219) :


De nombreuses opinions ont été exprimées sur le motif et sur le sens de l’épreuve du sacrifice d’Isaac infligé à Abraham, Disons dès l’abord que si ces opinions peuvent nous sembler contradictoires, elles ne s’excluent pourtant pas au niveau de l’esprit divin, universel par essence. La pensée infinie embrasse l’ensemble des éléments, dont la perception échappe à la réflexion humaine.
C’est tout d’abord Maïmonide qui souligne avec force que l’idée de l’épreuve n’est pas que Dieu veuille éprouver et expérimenter un homme, afin de savoir ce qu’il n’a pas su auparavant. Sache que toutes les fois que, dans le Pentateuque, il est question d’une épreuve, celle-ci n’a d’autre but et d’autre objet que de faire connaître aux hommes ce qu’ils doivent faire ou ce qu’ils doivent croire... L’histoire d’Abraham relative au sacrifice d’Isaac renferme ainsi deux grandes idées qui sont fondamentales dans la religion. La première, c’est de nous faire savoir jusqu’à quelle limite doivent s’étendre l’amour et la crainte de Dieu. Il lui fut ordonné de faire une chose à laquelle on ne saurait comparer ni sacrifice d’argent, ni même le sacrifice de la vie ; c’était bien la chose la plus extraordinaire qui puisse arriver dans le monde, une de ces choses que la nature humaine ne peut être crue capable d’accepter. Figurez-vous un homme stérile, animé d’un désir extrême d’avoir des enfants, possédant une grande fortune et de la considération, et désirant que sa race devienne une nation : s’il a un fils, après avoir désespéré d’en avoir, quel amour, quelle passion il aura pour ce fils ! Cependant, craignant Dieu et désirant obéir à son ordre, il fait peu de cas de ce fils chéri, renonce à tout ce qu’il avait espéré de lui et consent à l’immoler après quelques jours de voyage... Si notre père Abraham s’empressa de sacrifier Isaac, ce ne fut pas dans la crainte que Dieu ne le fît mourir, mais uniquement parce qu’il est du devoir des mortels d’aimer et de craindre Dieu, abstraction faite de tout espoir de récompense et de toute crainte de châtiment. Si donc, l’ange lui dit : car maintenant j’ai reconnu que tu crains Dieu, cela signifie : cet acte, par lequel tu mérites, dans le sens absolu, l’épithète de yerè Eloqim, craignant Dieu, fera connaître à tous les mortels jusqu’où doit aller la crainte de Dieu. Tu sauras que cette idée a été confirmée dans la Loi où l’on dit que l’ensemble de son contenu n’a pour but qu’une seule chose, qui est la crainte de Dieu (cf. Deut. XXVIII, 58). Telle est l’une des deux idées qu’on a eues en vue dans le récit de l’Akeda.
La seconde idée, c’est de nous faire savoir que les prophètes doivent prendre pour réel ce que la révélation leur apporte de la part de Dieu ; car il ne faut pas s’imaginer que cette révélation ayant lieu, comme nous l’avons exposé, dans un songe ou dans une vision, et au moyen de la faculté imaginative, il s’ensuive que ce que les prophètes entendent ou ce qui leur est présenté dans une parabole puisse ne pas être certain, ou du moins qu’il s’y mêle quelque chose de douteux. On a donc voulu nous faire savoir que tout ce que le prophète voit dans la vision prophétique est pour lui réel et certain, qu’il ne doute de rien de tout cela et qu’il le considère à l’instar de toutes les choses réelles, perçues par les sens ou par l’intelligence. La preuve en est qu’Abraham s’empressa de sacrifier son fils bien-aimé, ainsi qu’il lui avait été ordonné, bien que cet ordre lui fût parvenu dans un songe ou dans une vision. Mais si le songe prophétique avait été obscur pour les prophètes, s’il leur était resté quelques doutes ou incertitudes sur ce qu’ils percevaient dans la vision prophétique, ils ne se seraient pas empressés de faire ce qui répugne à la nature humaine, et Abraham n’aurait pas consenti à accomplir, dans le doute, un acte d’une si haute gravité (Guide III, 24).
Nahmanide, dont l’avis est partagé par Bahya et Juda Halévy (Kouzari V. 20), met l’accent sur le fait que la tentation a toujours lieu pour le plus grand bien de la personne. Les actes de l’homme ne dépendent que de sa libre volonté. Aussi l’Eternel éprouve-t-il l’homme pour qu’il matérialise par un acte ce qui n’existait que dans sa pensée et, pour qu’il reçoive ainsi la récompense de la bonne action et non seulement celle de la bonne volonté. On comprendra alors pourquoi « Dieu éprouve (seulement) le juste » (Ps. XI, 5); car il sait qu’il triomphera de l’épreuve et méritera d’être comblé plus encore (Gen. raba c. 34). L’épreuve fournit au juste l’occasion de s’élever à un nouveau degré de perfection.
D’après Midrach et Zohar, l’épreuve doit servir aux hommes d’exemple du dévoue¬ment absolu à la volonté divine. Le mot nissa, signifiant : il éprouva, s’apparente à ness, l’étendard, et il rappelle la sentence d’Isaïe : Harimou ness ‘al ha-‘amim (LXII, 10) : levez l’étendard pour les nations. Grâce à sa conduite surhumaine lors de son épreuve, Abra¬ham devint aux yeux des nations le porte-drapeau de l’amour de Dieu. Elle leur apporta on même temps la justification des miracles et des bienfaits exceptionnels dont l’Eternel l’avait comblé (Raba c. 55).
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