Il est exact que, selon l’enseignement de Samuel (Berakhoth 24a), la voix d’une femme est considérée comme une ‘erwa (« impudeur »).
Cependant, même si l’on retient le commentaire de Rachi (ad Chemoth 15, 21) selon lequel Moïse a chanté pour les hommes, et Miryam pour les femmes, il convient de rappeler que celle-ci n’a pas été la seule femme à faire retentir sa voix dans le Tanakh :
« Devora chanta, en ce jour-là, avec Baraq, fils d’Avino‘am » (Choftim 5, 1).
« … Lors du retour de David après qu’il eut frappé le Philistin, les femmes sortirent de toutes les villes d’Israël à la rencontre du roi Saül, avec joie, en chantant et en dansant… » (I Samuel 18, 6).
« … Je me suis procuré des chanteurs et des chanteuses… » (Ecclésiaste 2, 8).
Lorsque Ezra a fait venir en Erets Yisrael les exilés de Babylonie, il y avait parmi eux « deux cents chanteurs et chanteuses » (Ezra 2, 65).
On considère le plus souvent aujourd’hui, dans les milieux de stricte observance, qu’une femme ne doit jamais chanter devant des hommes. Elle ne doit pas non plus, sous peine de transgresser gravement les règles de la tseniouth (« pudeur »), prendre la parole devant des auditoires autres qu’exclusivement féminins.
Cette conception restrictive ne fait cependant pas l’unanimité chez les rabbins. Rav Ye‘hiel Jacob Weinberg, qui a exercé son influence sur la Yechiva de Montreux (Suisse) dans les années qui ont suivi la seconde Guerre mondiale, écrit dans ses Techouvoth Seridei Eich (2, 8) qu’il était d’usage, en Allemagne, que les femmes participent, même en présence d’hommes dont elles n’étaient pas les proches parentes, au chant des Zemiroth de Chabbath.
Cette pratique, ajoute-t-il, avait été approuvée par rav Ezriel Hildesheimer, fondateur du Rabbiner-Seminar für das orthodoxe Judentum, ainsi que par rav S. R. Hirsch.
(Signalons au passage que cette institution a formé à Berlin, de 1873 à 1938, la plupart des rabbins allemands de stricte observance, ainsi que la plupart des rabbins alsaciens de la première moitié du vingtième siècle.)
Selon rav Weinberg, cette approbation s’appuyait sur le principe halakhique de terei qalei lo michtamei (« deux voix simultanées ne sont pas audibles »).
Rav Weinberg considère, il est vrai, que cette justification n’est pas entièrement satisfaisante (peut-être parce que la Guemara [Sota 48a] considère comme une inconvenance la participation d’hommes et de femmes à un même chœur), mais il prend néanmoins la défense de l’usage en question en se référant au Sedei ‘hémed de rav ‘Hizqiya Medini, qui affirme que l’interdiction d’entendre chanter une femme ne s’applique pas aux Zemiroth.
On a parfois cité, à l’appui de la permission donnée aux femmes de chanter les zemiroth, la Guemara Meguila 23a qui interdit de faire monter une femme à la Tora à cause du kavod ha-tsibbour (« honneur dû à la communauté »). Dans la mesure où cette Guemara ne donne pas comme motif de cette règle l’interdiction en question, il s’ensuivrait qu’elle ne s’applique pas à la cantillation des textes sacrés. On a également invoqué un texte de Berakhoth 57b (voir Rachi ad loc. s.v. kol) qui indique que « la douce voix d’une femme fait partie des trois choses qui peuvent apaiser l’esprit d’un homme ».