Citation:
Pourquoi fête-t-on Lag Baomer pour la hilloula de Rabbi Chimon Bar Yohaï, et il n'y a pas d'équivalents pour les autres Tanaïm, notamment son maître, Rabbi Akiva ?
Vous posez une bonne question.
Il y a plusieurs réponses, très différentes, je vous laisse choisir:
1) Certains vous diront que Rashbi n’a pas son équivalent parmi les autres Tanaïm, qu’il a dévoilé le Zohar et qu’aucun Tana ne peut se mesurer à lui.
Le
Maharshal a écrit
(Shout §98) que l’on n’a pas à influencer la Halakha sous prétexte que le Zohar indiquerait autre chose que le Psak habituel, et a expliqué que même si Rashbi en personne venait nous imposer son point de vue et dire que la Halakha doit être de telle ou telle manière, on ne l’écouterait pas si notre halakha suit l’opinion de Rabbi Yehouda ou de Rabbi Yossi, puisque la règle est que l’opinion de Rabbi Shimon n’est pas retenue dans la Halakha face à celle de ses collègues (cf.
Erouvin 46b).
Le
Rema de Fano (Shout §108) s’offusque des propos du
Maharshal, et le
Ben Ish ‘Haï (Pti’ha du Rav Pealim) aussi.
Ce dernier le « remet en place » en expliquant que le
Maharshal est comparable à celui qui voit le soleil dans le ciel et s’imagine qu’il fait la taille d’un pain de campagne.
[Je ne souscris pas à la critique, je l’indique seulement.]
2) On pourrait aussi vous répondre que l’on fête aussi la Hiloula de Rabbi Méir, quelques jours avant, le 14 Iyar.
Donc Rashbi n’est pas le seul.
3) Pour ce qui est de fêter la Hiloula de Rabbi Akiva comme vous le suggérez, nous aurions du mal car il est mort à Yom Kipour ! La date ne s’y prête pas trop.
Dans le
Tour (O’’H §580) il semble écrit que Rabbi Akiva serait mort 5 jours avant Yom Kipour, le 5 Tishri
(et la source du Tour est le Behag et celle de ce dernier est la Meguilat Taanit), mais ce n’est pas la seule lecture que l’on peut en avoir, il dit qu’à cette date Rabbi Akiva a été incarcéré en prison et qu’il (en) est mort. Mais il n’est pas mort le jour même.
De nombreux auteurs ont compris du
Yalkout Shimoni (Mishlei §944) que R. Akiva serait mort en veille de Yom Kipour (voir aussi
Otsar Midrashim p.447), mais j’ai écrit que c’est une mauvaise compréhension du texte et qu’il ne peut pas vouloir dire qu’il serait mort en veille de Yom Kipour puisque ce même Yalkout nous raconte tout de suite après qu’au soir de son décès, Rabbi Yehoshoua Hagarsi a transporté le corps de R. Akiva pour aller l’enterrer.
J’ai vu une autre version de ce Midrash, dans le
Midrash Agada (Buber) (Vayikra XXI, 1, p.52) où le mot «
Erev » n’apparait pas, le texte parle donc de Yom Kipour et non de sa veille. Voici qui arrange tout.
Et, effectivement, le
Ben Ish ‘Haï (Leshon ‘Hakhamim I, 23) retient la date de Yom Kipour pour le décès de Rabbi Akiva.
4) A Lag Baomer les réjouissances ne sont pas liées à la date de décès de Rashbi.
Certains pensent même que Rashbi ne serait pas mort à cette date (18 Iyar) ! Parmi eux, nous trouvons aussi des kabbalistes, comme le
Ben Ish ‘Haï dans
Rav Pealim (§11) ainsi que le
‘Hida (Marit Haayin p.130).
Ce n’est pas unanime, il y a discussion, basée sur deux versions d’un texte (
Pri Ets ‘Haïm daf 124d et
Shaar Hakavanot daf 87a) où la présence ou l'absence d'une seule lettre change la compréhension de la phrase.
[Quant à la date de la Hiloula de Rabbi Méir, il n’y a pas de discussion, tous reconnaissent que ce n’est PAS sa date de Yohrzeit
(enfin, qu’il n’y pas plus d’une chance sur 354 que ça le soit).
Cette date a été inventée et choisie à proximité de celle de Rashbi, par les bons soins de la Yeshiva de Tibériade, afin que les pèlerins qui allaient chaque année sur la tombe de Rashbi pour y brûler des habits et y dépenser de grandes sommes d’argent, passent d’abord à Tibériade au Kever de Rabbi Méir et y fassent des dons à la yeshiva locale.
La toute première fois que cette Hiloula a été célébrée, c’était (
seulement) en 1867 !
Avant cela, personne n’avait aucune idée de la date de décès de ce Tana.
Et en réalité, aujourd’hui aussi, personne n’en a la moindre idée.]
La véritable raison des réjouissances ne serait donc pas liée à la date de décès de Rashbi.
Et d’ailleurs, il faudrait s’expliquer pourquoi devrait-on se réjouir de son décès ? c’est quand même incongru, non ? Il est mort et on fait la fête ?!
Pourtant, la date de décès d’un Tsadik doit nous inspirer le deuil et la tristesse, comme c’est écrit dans le
Tour et le
Shoul’han Aroukh (O’’H §580), on nous indique même de jeûner le 7 Adar, date de Hiloula de Moshé Rabénou. Pourquoi faudrait-il se réjouir de la mort de Rashbi et s’attrister de celle de Moshé -et de tous les Tsadikim ?
[Cf.
Shoel Oumeshiv (Mahad. V, §39), Divrei Torah (Munkacz) (III, §83), Shout SHem Arié (Balchover) (I, §14), Shout Mayim ‘Haïm (Rapaport) (§22), Pri Tsadik (III, daf 88b-89a)].
Il y a d’autres raisons pour lesquelles il y a réjouissance en ce jour de Lag Baomer, sans rapport aucun avec le décès de Rashbi.
J’en avais énuméré une dizaine, il y a une dizaine d’années dans un cours.
PS: il est tard, je ne me relis pas, merci d'excuser les fautes.
