Citation:
Je reformule ma question: quelles sont les sources des informations rapportées par Hayoun?
Il ne les indique pas.
Mais c’est assez connu, c’est une rumeur tenace.
Ça se retrouve dans quelques Sfarim, mais bien entendu, plus l’auteur est moderne et de tendance ‘Harédite, plus c’est reformulé avec soin pour adapter l’image du
Rav Hirsch aux idées d’aujourd’hui.
Il faut comprendre que
Rav Hirsch s’est retrouvé avec un judaïsme plus que malade dans les bras et qu’il devait un peu se tracer une nouvelle voie pour épurer le judaïsme de cette époque de ses scories et superstitions et revenir à un judaïsme plus authentique et plus pur.
Il y avait beaucoup de superstitions
(chez les juifs comme les non-juifs) vers la fin du Moyen-Âge, les non-juifs s’en sont graduellement et partiellement débarrassés depuis les Lumières, mais les juifs isolés dans leurs ghettos les entretenaient encore « religieusement ».
Rav Hirsch voulait supprimer toutes les superstitions et revenir à un judaïsme plus proche de celui des Rishonim espagnols.
Les Kaparot, critiquées jusque dans le
Shoul’han Aroukh (§605), étaient évidemment dans le collimateur, mais pas qu’elles.
Toutes sortes d’autres croyances et habitudes infondées, qui ont pourtant perduré en Russie et en Pologne (et autres pays), ont été écartées du judaïsme allemand.
Le Tashlikh était aussi un symbole, l’idée de pouvoir aller à la rivière et se débarrasser ainsi de ses péchés, pourrait encourager à en commettre plus facilement.
Et comment croire que réciter un texte à côté d’un point d’eau nous laverait de nos péchés ?
La question du Kol Nidrei, durant tout le Moyen-Âge, causa de grands torts aux juifs, qui, parfois, s’y trompaient.
Il y avait à l’époque de
Rav Hirsch, des juifs malhonnêtes, qui se basaient sur le Kol Nidrei annuel pour se permettre de jurer au tribunal civil sans se soucier réellement de la vérité.
Un juif qui jurait sur le Sefer Torah au Beit Din était conscient de la gravité de l’acte, mais lorsque les non-juifs, l’accusant souvent à tort et à travers, le convoquaient au tribunal civil, où il devait jurer pour s’innocenter, ils se sentait parfois désengagé grâce au Kol Nidrei.
Conscient de ce problème et estimant que Kol Nidrei n’est qu’une habitude farfelue dont le judaïsme ferait bien de se débarrasser,
Rav Hirsch annula cette prière
(c’était dans ses dernières années à Oldenburg, je crois en 1839).
Lorsque son Rav (
‘Hakham Bernays) l’apprit, il le lui reprocha sévèrement
(il qualifia cela de Gassout Haroua’h ! cf. Its’hak Heinemann dans Tsion 1951, p.89), du coup, Rav Hirsch revint sur sa décision et réintégra le Kol Nidrei.
[Mais il faut savoir que le Kol Nidrei a aussi été repoussé il y a bien longtemps par
Rav Hay Gaon et Rav Netronay Gaon, voyez
Rosh (fin de perek 8 de Yoma)
et voyez aussi
:
Kol Bo (§68),
Or’hot ‘Haim (Lunel) (Hil. YK),
Rivash (§394),
Rabénou Yerou’ham (Tol. Adam Ve’hava, Netiv XIV, fin de §3),
Ran Nedarim (23b sv. Ouleïnian)
et le
Ritva (Nedarim 25b) qui explique que le
Ramban n’a pas mentionné ce Minhag dans ses Halakhot par crainte que les Amei Haarets qui le comprennent mal en viennent à ne pas respecter leurs Nedarim.
C’est une idée qu’on retrouve aussi chez les autres Rishonim cités ici.]
[Puisque j’ai mentionné
‘Hakham Its’hak Bernays (qui voulait qu’on l’appelle ‘Hakham comme les Sfaradim et non Rav, car ce titre avait perdu de son éclat à ses yeux depuis que les Réformés se l’attribuaient), je précise qu’une de ses petites-filles,
Martha, a épousé un certain
Shlomo Freud, alias
Sigmund Freud…]
Si vous voulez une source d’époque qui atteste de la suppression de Kol Nidrei par
Rav Hirsch, cela vient du carnet de
Gräetz (Monatsschrift für die Geschichte und Wissenschaft des Judenthums 1919, p.356 et aussi
MGWJ 1920, p.144) qui a connu
Rav Hirsch de très près, a été son élève, et il prétend même que c’est sous son impulsion que
Rav Hirsch aurait annulé le Kol Nidrei.
Voyez aussi ce qu’écrit l’arrière-petit-fils de Rav Hirsch,
R. Mordekhaï Breuer, dans
Harav Shimshon Refael Hirsch, Mishnato VeShitato (de R. Yona Emmanuel) (Jér. 1962 et 1989, p.18 en bas et 19 en haut).
C’est repris plus tard par
Rav Yoel Schwartz dans ses
Toldot de
rav Hirsch (Jér. 2000, p.33 et p.64).
Voyez aussi le
Mavo du
Al Hatfila (de Rav David Tsvi Hoffman) (Jér. 2017, p.16),
Shemesh Marpé (p.359),
Minhaguei Maharits Halévy (Rav Diner) (Bnei Brak 2016, p.305, note3).
Voyez encore dans
Historia Judaica (vol X, p.126) où
Heinemann (dont le père était de cette ville -Oldenburg) mentionne l’annulation du Kol Nidrei.
Voyez aussi dans son livre
Taamei Hamitsvot Be-safrout Israel (Jér. 1956, tome 2, p.168) où il écrit que
Rav Hirsch, bien qu’ayant été très conservateur sur la Halakha à la fin de sa vie, n’a pourtant accordé que peu d’égards aux Minhaguim dans sa jeunesse, comme par exemple pour Kol Nidrei.
[Bizarrement, dans l’adaptation française de
Charles Touati, La loi dans la pensée juive (Paris 1962, p.199) (Je remercie ici mon ami le Rav M. A. qui m’a prêté ce livre il y a quelques années.), la mention de Kol Nidrei dans cette phrase a été supprimée !].
Il y a aussi tout un Maamar de
R. Mordekhaï Breuer sur l’annulation de Kol Nidrei par Rav Hirsch, dans
Hamaayan (Tevet 5724, p.7). Vous y verrez toutes sortes d’explications et de justifications alambiquées, qui visent à dire que
Rav Hirsch n’aurait pas réellement annulé Kol Nidrei.
Soit que ce soit une rumeur partie d’un soir de Yom Kipour où
Rav Hirsch a quitté la synagogue suite à une prise à partie d’un fidèle de la synagogue contre le Rav qui avait décidé de faire sa Drasha après Kol Nidrei et non avant, comme l’habitude locale le voulait.
Exaspéré,
Rav Hirsch est parti et est rentré chez lui
(et a prié à la maison le soir de Yom Kipour)!
(Le perturbateur a été puni par le conseil d’une amende de 100 pièces d’or assortie d’une interdiction de mettre les pieds dans cette synagogue durant 1 an.)
(Episode rapporté par
Armin Schnitzler dans
Jüdische Kulturbilder, Wien 1904, p.73).
Selon
Ph. Fischer (In Seinen Spuren, Sátoraljaújhely 1922, p.97-98), c’est à partir de cet incident que la rumeur serait née.
Il faut préciser que cet incident a eu lieu à Nikolsburg lorsque
Rav Hirsch y était rabbin, et non à Oldenburg.
Ou encore,
Rav Lehmann qui écrit
(Die Abschaffung des Kol Nidre und Herr Dr. Aub in Mainz, Mainz 1863, p.13) que le fait que Kol Nidrei n’ait pas été récité une année à Oldenburg ne prouve pas que ce soit par la volonté du
Rav Hirsch (on lui aurait un peu forcé la main ?).
La même idée se retrouve dans
The secession from the Frankfurt Jewish community under Samson Raphael Hirsch (dans Historia Judaica vol X, p.105) [allez, je vous mets un lien : https://web.stevens.edu/golem/llevine/rsrh/secession/japhet_secession.pdf ], où nous lisons : «
Only once did he yield to outside pressure, when -in Oldenburg- he allowed Kol Nidre to be abolished ».
R. M. Breuer (Hamaayan, Tevet 5724, p.9) cite un journal d’époque
(Allgemeine Zeitung des Judenthums, vol. VI -1842- p.170), où l’on lit qu’il y a 3 ans
(Yom Kipour 1839), le
Rav Hirsch a supprimé le Kol Nidrei à la synagogue (à Oldenburg), et une autre année
(dès le YK suivant en 1840), il l’a rétabli en expliquant que bien que l’annulation fût motivée par la Halakha, il a compris qu’un tel changement dans le culte ne devait pas être le fait d’un seul rabbin isolé.
C’est pourquoi il demande que l’on fasse dorénavant Kol Nidrei, mais qu’une seule lecture du Kol Nidrei suffira (et non trois).
Il est donc assez clair que
Rav Hirsch n’avait pas été forcé à annuler Kol Nidrei, il l’a choisi mais s’est ravisé plus tard.
Vous vouliez une source écrite, vous en avez plusieurs.
Citation:
Où peut-on trouver la gravure du jeune rav Hirsch?
Vous parlez de ce que j’ai écrit plus haut, je me cite :
«
Voyez encore 19 épîtres (Hayoun, p.40) qui indique qu’étant jeune rabbin à Oldenburg, il ne portait ni kipa ni barbe (comme le montre la gravure d’époque), et se promenait dans la rue "tenant sa jeune épouse par la main, ce qui ne manqua pas de susciter l’ire des orthodoxes".
(Pour ce qui est de la barbe, c’est faux, la gravure le représentant à l’époque d’Oldenburg le montre avec barbe -mais, certes, apparemment sans Kipa). »
Fin de citation.
Elle se trouve sur internet facilement.
Tenez, la voilà :
https://yi.wikipedia.org/wiki/%D7%A9%D7%9E%D7%A9%D7%95%D7%9F_%D7%A8%D7%A4%D7%90%D7%9C_%D7%94%D7%99%D7%A8%D7%A9#/media/%D7%98%D7%A2%D7%A7%D7%A2:Samson_Raphael_Hirsch_(ZR002).jpg
(il faut copier coller le lien.)