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L'âne est-il bête?

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MrQuestion
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Cher Rav Wattenberg,

Est-ce qu'il y a une source explicite dans le Talmud qui dit clairement que l’âne est l'animal le plus bête ?
Ou bien c'est un usage français de dire d’une personne qu'il est bête comme un âne, mais qu'il n'y a pas dans la guémara des preuves pour cela de manière littérale ?

Merci par avance.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Citation:
Est-ce qu'il y a une source explicite dans le Talmud qui dit clairement que l’âne est l'animal le plus bête ?
Ou bien c'est un usage français de dire d’une personne qu'il est bête comme un âne, mais qu'il n'y a pas dans la guémara des preuves pour cela de manière littérale ?


Je ne crois pas que ce soit dit de manière explicite dans le Talmud, mais quelques passages laissent supposer que la mauvaise réputation de cet équidé existait déjà à cette époque.

Pour l’ancienneté de la réputation, il y a une expression en latin « Asinus Asinum fricat » qui signifie « l’âne frotte l’âne » et qui est utilisée pour parler des imbéciles.
L'idiome laisse supposer de l’ancienneté de l’expression et présumer de la renommée de l’âne depuis bien longtemps.

C’est ce qui fait que ça se retrouve aujourd’hui dans plusieurs langues, pas uniquement en français et en hébreu.

Pourtant, l’âne n’est pas particulièrement bête (je tiens ça d'une personne en possédant un), il l’est en tout cas moins que le cheval. Mais une mauvaise réputation qui vous colle à la peau, ne vous lâche pas facilement.

Pour les passages du Talmud qui feraient penser que l’âne était vu comme stupide, je citerais Baba Kama (92b) חברך קרייך חמרא où il est dit que si l’on te traite d’âne, rapproche la selle vers toi (manière de dire, abonde dans son sens, au lieu de te disputer).
On voit que l’exemple d’insulte était de traiter l’autre d’âne, pas de cheval ni de vache. (Cependant ce n'est pas forcément pour le traiter d'idiot. Il peut s'agir d'un autre trait de caractère.)

Un autre texte, dans Shabbat (112b), nous dit אם ראשונים בני אנשים אנו כחמורים , "si les anciens sont des hommes, nous sommes comparables à des ânes".
Là encore, le choix de l’animal suggère un aspect péjoratif, probablement au niveau de l’intellect.

Il y a aussi dans la Gmara Nedarim (81a), parmi les raisons justifiant la rareté des cas où les enfants des Talmidei ‘Hakhamim deviennent eux-mêmes des Talmidei ‘Hakhamim : משום דקרו לאינשי חמרי "parce qu’ils (les Talmidei ‘Hakhamim) appellent les gens "ânes" ".
C-à-d que le Talmid ‘Hakham traite les gens autour de lui d’ânes, et c’est pour cela que ses propres enfants ne mériteront pas de devenir eux-mêmes des Talmidei ‘Hakhamim.

[Parenthèse : vous allez me dire que vous connaissez des Talmidei ‘Hakhamim dont le fils est aussi devenu un Talmid ‘Hakham.
Je vous répondrais de deux manières :

a) Il y a bien des Talmidei ‘Hakhamim qui ne traitent pas tout le monde d’âne.

Et b) lorsque le fils devient rabbin avec une grande barbe et un grand chapeau, qu’il rabâche des idées entendues de son père sans réellement les comprendre, ça ne veut pas dire que c’est un Talmid ‘Hakham.

Et NON, je ne donnerai pas de noms.]


Nous voyons là encore que l’insulte était de traiter autrui d’âne.

Ça n’indique pas nécessairement que l’on faisait référence à la supposée bêtise de l’animal, mais c’est ainsi que le Maharsha (ad loc) comprend ce texte.
Cependant, le Kéren Ora (ad loc) l’explique autrement ; il dit que considérer autrui comme un âne signifie, dans ce passage, que le Talmid ‘Hakham critiqué est celui qui met sur le dos des autres tous ses besoins (comme on met sur le dos de l’âne tout ce que l’on veut transporter), c-à-d celui qui se comporte comme si tout le monde était à son service en faisant faire aux autres toutes sortes de tâches.

Il y a aussi dans Sotah (13a), lorsqu’on nous parle de l’enterrement de Yaakov Avinou, il est dit que même les chevaux et les ânes l’ont pleuré, et nous trouvons des commentateurs (Ora’h Yesharim) qui expliquent qu’en parlant des ânes, le Talmud voulait désigner les imbéciles.

Mais on ne peut pas dire que le texte l’indique de manière claire, d’autres explications ne tiendront pas compte de cette idée.

Cependant, on trouve de manière explicite dans le Midrash Tan’houma (Balak §9) que l’âne est le plus bête des animaux.

Dans les Rishonim cette idée se retrouve aussi chez Rabénou Be’hayei (Bereshit II, 19).

Dans le Zohar (II, 43a) nous trouvons l’expression « חמור עם הארץ » ‘Hamor Am Haarets, de laquelle nous pouvons comprendre que le choix de l’âne indique la bêtise. (Voir aussi Zohar (III, 29a) ‘Hamor Batorah Oubemitsvot.)

Il y a aussi l’expression bien connue « חמור נושא ספרים », un âne qui porte des livres, c’est ce qu’on dit d’un grand Baki qui ne comprend rien à ce qu’il peut pourtant réciter.
On la retrouve déjà dans les
Tikounei Zohar ‘Hadash (éd. Varsovie 1870, daf 107d),
‘Hovot Halevavot (Avodat Haélokim §4),
Méiri ‘Hibour hatshouva (éd. M.H.Kook p.178),
Ramban (Hakdama des Hassagot sur Sefer Hamitsvot -vers la fin).


L’exemple de l’âne semble être doublement justifié ; pour sa capacité à transporter de lourdes charges, tout comme pour sa prétendue stupidité.

Il y a une expression, disant que « si tu vois un âne qui monte à l’échelle » (alors tu pourras trouver de la sagesse chez l’idiot, ou : alors la bru pourra habiter sous le même toit que sa belle-mère…).

Certains l’imaginent tardive (voyez la proposition d’explication de l’origine de l’expression apportée par Pr. Shamma Friedman dans le Mavo sur le Piroush Rabeinou Yehonathan Hacohen Mi-Lunel sur Baba Kama, p.56, note 12 qui désignerait l’inquisiteur (censeur) qui monte à l’échelle de la bibliothèque), mais nous la trouvons dans d’anciens Sfarim (avant Gutenberg et la censure et avant l’inquisition), comme le
‘Houpat Eliahou
dans le Otsar Midrashim (p.171),
Kolbo (§118),
Méiri ‘Houlin (61a -éd. Zikhron Yaakov fin de p.112),
Ran ‘Houlin (62a),
Ramban ‘Houlin (daf 62)


On la retrouve encore ensuite dans différents Sfarim comme le Shevet Moussar (§5. Jér. 1978, p.34) et beaucoup d’autres.

On raconte que le Rogatshover a reçu une lettre d’un Avrekh qui lui posait une question.
Contrairement à son habitude, il ne trouvait pas de réponse.
Il rencontra un collègue et lui parla de la question, ce dernier lui dit : ton bonhomme se moque de toi, c’est une Koushia connue et répertoriée de Rabbi Akiva Eiger à laquelle RAE lui-même n’avait pas trouvé de réponse. Il a voulu te coincer, mais la Koushia n’est pas de lui, elle est de RAE.

Furieux, le Rogatshover envoya une lettre réponse à l’avrekh, une lettre rédigée selon son habitude avec des tas de renvois, il y en avait 70, des renvois vers 70 pages du Talmud.
L’avrekh n’arrivant pas à comprendre le lien entre toutes ces pages alla questionner son Rav, ce dernier ne voyait pas de lien non plus entre toutes ces Souguiot.
Il lui demanda plus de détails sur la question, et l’Avrekh, voulant comprendre la réponse du Rogatshover, expliqua à son Rav le mauvais tour qu’il avait opéré en envoyant un Tsarikh Iyoun de RAE au Rogatshover (ce dernier ayant la réputation de ne pas lire trop de livres des A’haronim, il ne devait pas connaitre cette Koushia).
Riche de cette information, le Rav réussit à trouver le lien entre les 70 pages dans la réponse du Rogatshover : il s’agissait de 70 pages dans lesquelles figurait un mot en commun, un mot qui revient dans chacune de ces pages : ‘Hamor !
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