Citation:
Il est courant de dire que le hametz à Pessah est le symbole de l'orgueil, du yetser hara, etc.
Quelle est la source de cette association ? Le tanah ? Un midrach ? Etc.
C’est une comparaison classique et répandue à l’époque des Amoraïm, que ce soit en Bavel ou en Israël.
Le levain est comparé au Yetser Hara ou à l’apikorsout
(pour son caractère « contagieux » à l’instar du levain qui impacte toute la pâte) et (pour le ‘Hamets, à) la Avoda Zara
(La’hmei Toda daf 6d).
Voyez Talmud Bavli
Brakhot (17a) dans la prière de R. Alexandre où le Yetser Hara est appelé « Séor Shébaïssa » (le levain qui est dans la pâte) : « רבון העולמים גלוי וידוע לפניך שרצוננו לעשות רצונך ומי מעכב שאור שבעיסה ושעבוד מלכויות ».
Voyez aussi dans le
Yeroushalmi Brakhot (IV,2) dans la prière de R. Tan’houm bar Eskolastika (=le scolastique).
Néanmoins, je souligne que le même terme faisait parfois référence à des choses plus positives ; nous avons un texte dans le
Yeroushalmi ‘Haguiga (I,7) où il est dit que si les juifs abandonnaient D.ieu sans abandonner sa Torah, le « levain » qui est en elle les rapprocheraient de D.ieu.
אמר רבי חייה בר בא. אותי עזבו אוותרה. שמא את תורתי שמרו. שאילו אותי עזבו ותורתי שמרו השאור שבה היה מקרבן אצלי
Ce même terme, Seor, fait donc allusion à la Torah car le « levain et les épices » qu’elle contient sont en mesure de ramener les juifs égarés
(Pnei Moshé ad loc). Ou encore, Seor serait une allusion aux secrets profonds de la Torah (cf.
Yefé Maré et
Korban Haéda ad loc).
Voir aussi dans
Yefé Maré une explication qui interprète Seor comme Yetser Hara là aussi. Cela paraît étrange qu’un même terme puisse faire référence à de telles extrêmes, mais voyez aussi ce qu’écrit à ce propos
Rabbi ‘Haim Palacci dans
Le’haïm Biyeroushalayim (daf 31b, et dans la nouvelle édition, Jér.2000, p.122).
Il y a une autre version, soutenue par le
Korban Haéda qui propose de lire המאור au lieu de השאור, selon laquelle on ne parle donc plus de Seor (levain), mais de Maor, la lumière qui est en la Torah ramènera le juif égaré.
Cette version se trouve confortée par le
Midrash Eikha Raba (Pti’ha §2) :
הלואי אותי עזבו ותורתי שמרו, מתוך שהיו מתעסקין בה המאור שבה היה מחזירן למוטב
Bien qu’il existe aussi une version du Midrash portant « השאור », comme on le voit du
Yefé Anaf (ad loc) et du
Matnot Kehouna (ad loc).
Ce dernier indique néanmoins avoir vu une version manuscrite du
Yeroushalmi ‘Haguiga où il était écrit המאור. Cela confirme la supposition du
Korban Haéda.
Dans la marge de mon
Yeroushalmi, à côté du
Korban Haéda, j’avais néanmoins écrit que l’on pourrait aussi imaginer, pour expliquer l’origine de la guirsa étrange que nous avons dans le Yeroushalmi, qu’il y a seulement un Hé en trop, et au lieu de השאור שבה il faut lire שאור שבה, « car la lumière qui est en elle… ».
Ou bien, on peut encore imaginer qu’il y ait eu une permutation des deux premières lettres et ça donne שהאור שבה, ce qui revient au même, et il n’est plus du tout question de levain, mais bien de lumière.
Je maintiens ces propositions, en dépit du manuscrit trouvé par le
Matnot Kehouna.