On peut comprendre la signification des plaies d’Egypte en interprétant les signes distinctifs (simanim) que leur a donnés rabbi Yehouda : detsakh, ‘adach et bea‘hab.
Ces simanim représentent en fait bien plus que de simples signes mnémotechniques : Ils possèdent une signification propre, et ils nous apportent un enseignement sur la signification véritable des dix plaies et de l’ordre dans lequel celles-ci ont été infligées par Hachem.
On constate en effet, à la lecture du déroulement des plaies, qu’elles ont été infligées selon un ordre rigoureux : Trois groupes de trois plaies, suivis de la dernière : la mort des premiers-nés.
Les premières plaies de ces trois groupes, à savoir le sang, les bêtes féroces et la grêle, ont toutes été précédées d’un avertissement solennel adressé à Pharaon :
Avant le sang, Hachem prévient le souverain égyptien en lui faisant dire par Moïse : « … tu sauras que Je suis Hachem » (Chemoth 7, 17).
Préalablement aux bêtes féroces, Pharaon devra savoir « que Je suis Hachem au milieu du pays » (8, 18), et avant la grêle, que « nul n’est comme Moi sur toute la terre » (9, 14).
Les deuxièmes plaies de chaque groupe sont précédées elles aussi d’un avertissement, mais celui-ci n’est pas motivé :
– Grenouilles : 7, 27 à 29
– Peste : 9, 2 à 4
– Sauterelles : 10, 3 à 6
Quant aux troisièmes de ces plaies, elles interviennent sans aucune admonestation préalable.
– Vermine : 8, 12
– Ulcères : 9, 8 et s.
– Ténèbres : 10, 21 à 23
On notera également que le sang, les bêtes féroces et la grêle (premier groupe) n’ont frappé que les possessions des Egyptiens, tandis que les grenouilles, la peste et les sauterelles (deuxième groupe) ont détruit leur confort matériel, et la vermine, les ulcères et les ténèbres (troisième groupe) leur intégrité physique.
Une autre façon de considérer ce classement des plaies d’Egypte est celle que propose S. R. Hirsch. Celui-ci remarque que la première de chaque groupe (le sang, les bêtes féroces et la grêle), en déréglant l’environnement des Egyptiens, ont fait de ceux-ci des étrangers dans leur propre pays, montrant ainsi qu’ils n’avaient pas le droit de priver les enfants d’Israël de leurs droits élémentaires.
Pharaon clamait : « Mon fleuve, [le Nil], est à moi, et je me le suis fait ! » (Ezéchiel 29, 3). En envoyant le sang, Hachem lui a rétorqué que c’est à Lui qu’appartenait ce cours d’eau, et que, s’Il le voulait, Il pourrait en faire l’instrument de la sécheresse et de la pollution au lieu qu’il soit bénédiction et fertilité.
Il en a été de même des bêtes féroces. Celles-ci ne cèdent leur terrain de chasse aux êtres humains qu’aussi longtemps que Hachem les en bannit. S’Il en décide autrement, elles envahissent les villes et les villages.
Quant à la grêle, on sait qu’elle est extrêmement rare en Egypte, tout comme le sont les précipitations atmosphériques. En assistant pour la première fois à une chute de grêlons sur leur pays, les Egyptiens ont dû comprendre que c’est leur pays même, et ses particularités climatiques, qui étaient menacés.
La deuxième plaie de chaque groupe (les grenouilles, la peste et les sauterelles) s’en est prise à l’orgueil des Egyptiens : Leur prétention de vouloir dominer les Hébreux devenait sans fondement dès lors qu’ils se sont laissés eux-mêmes dominer par des événements extérieurs et qu’ils en sont devenus les esclaves.
C’est ainsi que la grenouille, un animal habituellement craintif et qui s’enfuit à la moindre présence humaine, a envahi les habitations et même le palais du Pharaon. Celui n’a pas pu ne pas comprendre qu’il ne parvenait même plus à intimider cet animal insignifiant.
La peste a détruit ce qui faisait la fierté des Egyptiens : leurs chevaux, leurs ânes et leurs chameaux, ainsi que l’essentiel de leur richesse : leurs troupeaux.
Puis sont arrivées les sauterelles, qui ont enlevé ce qui leur restait après la grêle.
La dernière de chaque groupe de plaies (la vermine, les ulcères et les ténèbres), enfin, a tourmenté les Egyptiens dans leurs corps mêmes.
La vermine et les ulcères ont frappé les Egyptiens de la même façon qu’ils tourmentaient avec leurs fouets les enfants d’Israël, et les ténèbres, en les paralysant plusieurs jours durant, les ont réduits à la faim et au froid.
L’origine surnaturelle des plaies résulte à l’évidence de ce qu’elles ont été précédées par des avertissements, de ce qu’elles ont cessé sur ordre divin, et de ce que les Egyptiens ont été pendant tout leur déroulement différenciés des enfants d’Israël, puisque ceux-ci ne s’en sont jamais été trouvés incommodés.