De toutes les religions monothéistes, le judaïsme est probablement celle qui affirme avec le plus de vigueur le libre-arbitre de l’homme.
On trouve, il est vrai, dans le Talmud et dans les Midrachim de nombreuses références qui semblent nier la liberté de l’être humain par rapport à son Créateur :
« Aucun homme ne peut dresser son doigt ici-bas si cela n’a pas été décrété pour là-haut » (‘Houlin 7b).
« Tout est dans les mains du Ciel sauf le froid et le chaud » (Ketouvoth 30a).
« Quarante jours avant la formation du fœtus un voix divine proclame : “La fille d’Untel est destinée à Untel !” » (Sota 2a).
Mais il est une autre référence talmudique qui nous apprend : « Au moment de la conception d’un homme, un ange demande à Hachem : “Que va-t-il advenir du futur nouveau-né ? Deviendra-t-il fort ou faible, sage ou stupide, riche ou pauvre ?” Mais il n’est jamais demandé s’il sera vertueux ou impie, car tout est dans les mains du Ciel sauf la crainte du Ciel » (Nidda 16b).
Toute notre littérature, notamment celle sur la récompense et la punition, s’articule autour de l’idée que l’homme est libre de faire le bien ou le mal, et que sa responsabilité résulte de cette liberté (voir Devarim 30, 15 à 19 ; Sifri Devarim 53-54).
Nos grands commentateurs classiques affirment tous, sans exception aucune, le libre-arbitre humain. C’est ainsi que Rambam (Maïmonide) étudie la question de la liberté dans ses rapports avec la Providence. Il affirme, dans son Michné Tora, que chacun peut choisir entre le bien et le mal. S’il n’en était pas ainsi, la Tora serait totalement dépourvue de sens, car l’impie ne pourrait pas être puni pour ses péchés, ni le juste récompensé pour ses bonnes actions. Pour combattre l’argument selon lequel Hachem sait à l’avance si une personne fera le bien ou le mal, Rambam explique que la connaissance qu’Il a de nos actes est tellement différente de la nôtre qu’elle ne peut pas être appréhendée par l’intellect humain. Et il ajoute que cela n’est pas prouvé seulement par la tradition religieuse, mais aussi par de clairs arguments de la raison (Hilkhoth techouva, chap. 5).
De même rabbi Lévi ben Guerchom (Ralbag ou Gersonide) accepte dans son Mil‘hamoth Hachem (3, 6) la notion de libre-arbitre tout en proposant une autre réponse, d’inspiration aristotélicienne, au problème posé par l’omniscience de Hachem :
Hachem ne connaît pas seulement Sa propre essence, mais aussi l’ordre de l’univers. Mais il n’est pas nécessaire que tous les événements qui ont lieu effectivement dans le monde correspondent à cet ordre cosmique. Le libre-arbitre de l’homme permet à celui-ci d’agir en contradiction avec ce qui lui a été prédestiné. C’est ainsi que l’omniscience de Hachem n’embrasse pas les événements qui se produisent effectivement, mais elle sait ce qui devrait arriver.