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Rav Haïm Yossef Falk » et demandez :
Citation:
Rav Haïm Yossef Falk
Pouvez-vous m'en dire plus à propos de cet auteur ? …
NB: Notamment j'ai lu élève du Hatam Sofer mais qu'il était proche de la Haskala. Son commentaire Mekor Haim sur Akedat Itshak n'est pas "censuré" : a été édité par Oz Veadar.
L’auteur du
Mekor ‘Haim ne s’appelait pas FALK mais POLLAK
פאללאק.
Il fut effectivement élève du
‘Hatam Sofer (pendant 8 ans, ~de 17 ans à 25 ans) et fut le fils unique de son père
Reb Shabtay Pollak, dayan à Trebitsch.
Le (début du) mois de Tevet est très présent dans les grandes étapes de sa vie ; il est né à Trebitsch le 8
Tevet 1798 תקנ"ט, a été l’élève du
Shemen Rokéa’h, puis du
‘Hatam Sofer, il s’est marié à Rosh ‘Hodesh
Tevet (‘Hanouka) 1824 תקפ"ה
(avec Fradel Ostreicher -son fils l’écrivait ainsi : אעסטעררייכער), il a été nommé rabbin de sa ville natale Trebitsch à Rosh ‘Hodesh
Tevet (‘Hanouka) 1828 תקפ"ט, où il créa une Yeshiva qu’il dirigea, et il décéda le (soir du) 2
Tevet 1879 תר"מ, après 51 ans de bons et loyaux service en tant que rabbin de sa communauté.
(Il est né et décédé un 16 décembre.)
Vous vous étonnez qu’en dépit de sa proximité à la Haskala, son livre n’ait pas été censuré.
Il faut souligner que son livre est paru avec l’imprimatur (la Haskama) du
Ktav Sofer (fils du ‘Hatam Sofer), de
R. Shimshon Refael Hirsch et de
R. Elazar Horowitz de Vienne.
De plus, il faut aussi savoir que la censure ne connait pas tous les auteurs, surtout lorsqu’ils ne sont que des commentateurs d’un auteur réputé et admis comme
R. Its’hak Arama (auteur du Akeidat Its’hak que le rav Pollak commente dans son Mekor ‘Haim) et que leurs écrits sont imprimés avec l’ouvrage reconnu.
L’exemple le plus frappant pourrait être le
Avnei Milouim, présent dans toutes les yeshivot, avec les annotations du gendre de l’auteur,
Rav Shlomo Yehouda Rapoport, alias
Shir (Rabbin de Tarnopol très décrié pour ses liens avec les Maskilim).
Les livres de Shir n’ont pas droit de cité dans les yeshivot (et similaires), mais ses annotations sur le Avnei Milouim sont étudiées avec grand sérieux…
C’est tout simplement parce que son nom ne figure pas sur la page de garde, ils ne savent pas qui en est l’auteur.
En réalité,
Rav Pollak fut Yeré Shamayim et Rosh Yeshiva.
Parmi ses élèves, il y a eu
Reb Eizik Hirsch Weiss qui parle de son maître avec très grand respect, notamment dans ses mémoires «
Zikhronotay »
(Varsovie 1895, p.19-27).
Ceci étant dit, je ne peux pas affirmer connaitre parfaitement la vie de ce
Rav Pollak, mais à ma connaissance il n’était pas dans le clan des Maskilim.
Certes, il avait de nombreuses connaissances « profanes », il comprenait bien le français (très significatif à cette époque), il s’intéressait aux sciences, il a même inséré une longue préface traitant d’astronomie dans son
Mekor ‘Haim (préface au Shaar 31, Akeida I, daf 243b) comme le souligne
R.E.H. Weiss dans
Zikhronotay (p.25), il y dit encore que
Rav Pollak était calé en astronomie, mais aussi en philosophie et autres sciences, il lisait le français, avait des connaissances en latin et en grec, et connaissait les écrits de Cicéro et de Sénèque comme il connaissait les hilkhot shabbat
(Quelle comparison!).
[Nous voyons aussi qu’il semblait considérer
Mendelssohn et
Wessely (cf.
Zikhronotay p.24), ce qui pouvait l’assimiler aux Maskilim.]
Cependant, il était et est resté Yeré Shamayim toute sa vie.
Pour le reste, voyez dans
Zikhronotay (p.22-23) le Seder Limoud dans la yeshiva qu’il dirigeait.
Au départ, son élève (
REH Weiss) le pensait radin et peureux
(p.26), mais avec l’âge il comprit que l’on ne peut pas qualifier de radin celui qui, de par sa parnassa insuffisante, devait faire attention à toutes ses dépenses.
Quant à l’aspect peureux, il s’agissait en fait de l’inquiétude constante de
rav Pollak de ce que pourraient dire à son propos les « anti-‘hokhma », ceux qui s’opposaient à toute connaissance profane et déconsidéraient tout Rav ayant quelques connaissances ‘Hol.
Là aussi, avec le temps,
REHW comprit que
Rav Pollak avait vraiment de quoi s’en soucier, car il vit à quel point ces ennemis de la science ont pu critiquer des rabbanim Tsadikim et pleins de Yirat Shamayim, au point de leur porter préjudice
(Zikhronotay p.26).
(A propos de ce danger face aux pseudo-Kanaïm auxquels il est difficile d’échapper, voir encore ici :
https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=54752#54752 )
Il indique encore
(Zikhronotay p.27) que les anciens amis de
Rav Pollak, qui avaient étudié à la yeshiva du
‘Hatam Sofer en même temps que lui, et qui, à l’époque, ne tarissaient pas d’éloge sur cet élève exceptionnel en Torah, ont su plus tard critiquer leur ami et dire du mal de lui en « supposant » que puisqu’il avait des connaissances profanes, c’était forcément au détriment de sa Yirat Shamayim qui avait dû le quitter.
Il précise avec déception, que même son maître le
‘Hatam Sofer qui n’appréciait pas que l’on lise des livres en allemand et que l’on se documente en sciences profanes, ne chantait pas les louanges de
Rav Pollak, mais celles d’autres de ses élèves qui pourtant ne pouvaient pas se mesurer en Torah au
Rav Pollak (Zikhronotay p.27).
[Il faut souligner que
‘Hatam Sofer ne s’opposait pas à l’apprentissage des sciences ‘Hol, mais seulement à leur apprentissage via des livres
en allemand. Si le livre était rédigé en hébreu, ça allait. Il a même encouragé ses élèves à étudier le
Sefer Habrit, comme c’est indiqué dans le
‘Hout Hameshoulash. Voir
Ha’hatam Sofer (Katz) (§VI, p.101-112).]
Rav Shmouel Pollak, fils et successeur de
Rav Yossef ‘Haim Pollak, atteste, lui aussi, (dans le journal
‘Havatselet du 9 janvier 1880) des connaissances profanes de son père.
Mais il y a eu de nombreux Rabbanim réputés Tsadikim et aucunement contestés par la majorité des autres Rabbanim, alors qu’ils avaient de grandes connaissances ‘Hol et linguistiques.
Le
Radal parlait le français lui aussi et était très cultivé en matières profanes, le
Yaabets a appris le français, et d’autres encore qui se sont penchés sur les langues et les sciences, comme
Rav Aharon Lewin qui parlait très bien plusieurs langues. Sans parler du
Gaon de Vilna qui était très versé dans les sciences.
Certains des rabbanim aux connaissances profanes développées ont cependant été critiqués, mais sont globalement restés « kshérim » aux yeux du Am Israel, comme
Rav Yonathan Eybeschütz, le Maharats ‘Hayes, le Tiféret Israel, Rav Baroukh Epstein, etc.
Hélas, de nos jours encore, en Israël
(et ailleurs dans les pays qui s’inspirent du judaïsme ‘Harédi israélien), on a souvent tendance à soupçonner et invalider des rabbanim en raison de leurs connaissances profanes, ça a été le cas vis-à-vis d’un des Gdolei Hador passé, mon maître
Rabbi Guedalia Nadel, qui était déconsidéré par la masse, alors que les Gdolim et grands rabbanim le tenaient en très haute estime.
C’est un fait, il y a des différences d’approche entre les Rabbanim.
Certains incluent les sciences profanes dans leurs connaissances, sans qu’elles ne soient le moteur ni le résultat d’un refroidissement de leur Yirat Shamayim.
Alors que pour d’autres, s’intéresser aux sciences séculières serait forcément une chute spirituelle.
Les deux positions doivent être respectables
(et respectées).
L’ennui c’est lorsque l’un juge l’autre à l’aune de ses propres aptitudes/perceptions.
Lorsqu’un Rav du 1er groupe cité va mépriser un Rav du second groupe sous prétexte qu’il ignore tout des sciences, c’est regrettable, mais lorsqu’un Rav du second groupe va mépriser et dédaigner un Rav du 1er groupe en le considérant Apikoros, c’est terrible, car il pourra porter préjudice à sa Torah et son enseignement.
C’est exactement ce que dénonçait le
Netsiv dans sa
Pti’ha au Sefer Bereshit, si le 2ème Beit Hamikdash a été détruit, c’est à cause de certains Tsadikim qui considéraient tous ceux qui ont une Avodat Hashem légèrement différente de la leur, comme des Minim et Apikorsim.
Ce qu’il faut analyser, c’est la Yirat Shamayim et les motivations du Rav, s’il a un Derekh différent, ça n’est pas une raison de l’invalider.
Il y a plusieurs voies qui mènent toutes à D.ieu, certains passeront par la ‘Hassidout, ou la Prishout, ou la Lamdanout
(-voire accompagnée de connaissances profanes), ou etc. il n’y a pas qu’une seule et unique voie Ksheira et il faut savoir comprendre qu’on a eu des Gdolei Israel de différents styles, ceux de Pologne, d’Allemagne, du Maghreb... Tant qu'on s'inscrit dans les voies de ses maîtres, c'est respectable.
Et il faut surtout comprendre que l'intolérance religieuse peut être source de Kilkoul Hadat et Bizion Hatorah tout comme la tolérance
(excessive/injustifiée) l'est aussi parfois.