Citation:
Qui étaient les maîtres du Ran svp ?
Le
Koré Hadorot (daf 26a, ou dans la nouvelle édition Ahavat Shalom 2008 p.95) mentionne le
Shalshelet Hakabala qui indique que le
Ran fut élève de
Rabénou Yona et du
Ramban, mais il le repousse en pointant que plus d’un siècle s’est écoulé du Ramban au Ran qui n’a donc certainement pas été son élève.
Le
Ran est né vers 1315, alors que le
Ramban est né en 1194 et est décédé en 1270.
Le
Shalshelet Hakabala est un livre plein d’inexactitudes -et parfois même pire.
Le
Rav Yossef Shlomo Del Medico (Yashar MiCandia pour les intimes) le surnomme «
Shalshelet Hashkarim »
(« la chaîne des mensonges », ou « le bobard enchainé ») (Cf.
Igueret A’houz, Berlin 1840, p.23).
Ailleurs, il la qualifie de «
Shoté » qui a inondé ses écrits de mensonges au point que les parties véridiques y sont noyées. (Cf.
Matsref La’hokhma, Varsovie 1890, daf 21a).
Le
Rabbi de Komarno (Zohar ‘Haï, Bereshit daf 40d) le qualifie de champion du baratin (הכזבן והשקרן הגדול).
R. Shlomo Buber (Mavo du Midrash Leka’h Tov daf 7a) écrit que l’erreur et l’inexactitude sont la spécialité et la profession du
Shalshelet Hakabala.
Voyez encore dans mes annotations sur le
Safa Leneemanim (p.64-65) plusieurs autres auteurs qui critiquent -parfois avec férocité- le Shalshelet Hakabala.
Le
Koré Hadorot (op cit p.96) opte plutôt pour dire que le
Ran fut l’élève de
Rabbi Pérets Hacohen, qui était aussi le Rav du
Rivash.
Sa preuve
(le fait que le Ran (Shout §43) écrive à son sujet « Morénou ») n’est pas très convaincante.
D’autres Ah’aronim estiment que
Rabbi Pérets était un ‘Haver du
Ran et non son maître.
R. Perets n’avait que 10 ou 11 ans de plus que le
Ran (mais 22 ans de plus que le Rivash), ce qui fait que le
Ran aurait peut-être été son élève étant jeune, puis aurait rattrapé son maître ?
En tout cas, le
Rivash a aussi été élève du
Ran (en dépit d’un écart d’âge similaire à celui entre le
Ran et
R. Pérets).
Le seul qui semble avoir assurément été le maître du
Ran, c’est son propre père, lorsqu’il était jeune. Son père
Rabbi Reouven était un Talmid ‘Hakham et a enseigné la Torah au jeune Ran (=
Rabénou Nissim bar Reouven).
Pourtant, dans un des rares endroits où le
Ran mentionne son Rav
(de manière anonyme of course, sinon nous n’en serions pas là), dans son responsa
(Shout Haran fin de §39), il semble que son père n’ait pas vraiment l’importance de son Rav.
Il y dit que son père avait acheté un Sefer Torah particulier, qu’il (le Ran) le possède toujours, mais que son Rav (
Adoni Mori Za’’l) n’a pas autorisé l’utilisation de ce Sefer (qui présentait un doute Halakhique).
Son père y est appelé « Adoni Avi », sans « Mori ».
Ce n’est pas une preuve catégorique, mais quand même, ça laisse supposer qu’il lui a certainement enseigné la Torah, mais peut-être pas autant (en quantité/qualité) que son Rav.
Je sais que certains A’haronim
(Otsar Israel VII, p.82) indiquent que le
Ran (dans son
commentaire du Rif sur Massekhet Shvouot) mentionne une fois son père en écrivant « Mori » (mon maître), mais c’est une erreur de lecture, il y copie les mots du
Baal Hamaor, il ne s’agit donc pas du père du Ran.
Le
Otsar Hagdolim (VII, p.217) dénonce cette erreur.
Il récuse aussi la preuve du
Koré Hadorot (op cit) en montrant que dans le même responsum il cite ce
R. Pérets Hacohen sans ajouter « Mori ».
On pourrait aussi imaginer qu’il fut élève du
Ritva, car nous retrouvons souvent des vues du
Ritva dans ses écrits (surtout sur
Massekhet Souka).
Voir à ce sujet le
Biour Halakha (§645, 7, sv. Nisdak), Shout HaRadal (§3, 1), et Ner Yehouda (Sofer) (p.150) [ce que ce dernier indique au nom du Biour hagra O’’H §649 ne s’y trouve pas. C'est une erreur. Bizarre.].
Mais nous ne connaissons pas avec certitude la date de décès du
Ritva, au plus tard c’est en 1330, ce qui laisserait une possibilité au
Ran d’avoir été son élève, mais la dernière trace datée du
Ritva ( cf. son
Shout §159) serait en 1314, c-à-d 1 an avant la naissance du
Ran.
Un autre élément laisse entendre qu’il était toujours vivant en 1328 car dans une réponse
(Shout §51) il mentionne «
le Rosh Za’’l », ce qui semble indiquer que le
Rosh n’était déjà plus de ce monde, or, nous savons qu’il est décédé en 1328.
Cependant, cette preuve n’est pas convaincante, car le mot « za’’l » a parfaitement pu être ajouté par le copiste des années après.
[Comme j’ai mentionné le prénom du
Ran, j’indique au passage une bizarrerie que j’avais relevée dans le
Shemot Hatsadikim (Breslev) (Jérusalem 1984, p.91) qui rebaptise le Ran «
Rabbi Nissan B. Reouven » !
C’est une erreur, il ne se prénommait pas
Nissan mais
Nissim.
D’ailleurs, le prénom Nissan ne se retrouve pas vraiment à l’époque des Rishonim, c’est chez les A’haronim qu’il y a des Nissan et essentiellement chez les Ashkenazim, pas en Espagne.
L’auteur du
Shemot Hatsadikim est mystérieux et anonyme, d’aucuns pensent que c'est
Rav Na’hman de Breslev, certains affirment que c’est son élève
Rav Nathan de Breslev, d’autres pensent que c’est un auteur inspiré de Rav Na’hman mais dont l’identité nous échappe.
D’aucuns s’indignent qu’il n’ait pas mentionné le
Gaon de Vilna parmi les Tsadikim, ils y voient la marque du ‘Hassidisme.
En réalité, c’est juste qu’il manque énormément de Tsadikim dans cette liste fort incomplète.
Si le
Gaon n’y figure pas, c’est comme pour le
Yaabets qui en est aussi absent.
Plus encore, parmi les « oubliés », il faut remarquer le
Baal Shem Tov en personne !
Et le
‘Hozé de Lublin…
Aussi : le
Baal Hatanya !
Dès lors, comment y voir une attaque contre le
Gaon ?
Je trouve par contre plus instructif de méditer sur l’absence de mention de
Rabbi Na’hman de Breslev lui-même ; si on considère qu’il en est l’auteur, c’est compréhensible, mais si c’est son élève
Rabbi Nathan, comment aurait-il omis son maître נחל נובע מקור חכמה ?
Idem si c’est un ‘Hassid Breslev, c’est assez étrange.
En fait, les derniers Tsadikim mentionnés dans ce livre sont postérieurs au
Baal Shem Tov, mais décédés fin XVIIIème siècle, ce qui laisse supposer que le livre ait été écrit du vivant de
Rav Na’hman, par
R. Nathan ou un autre de ses élèves.
Dans la biographie de Rabbi Nathan
« Par le feu et par l’eau » (1993, page 604) il est indiqué que le
Shemot Hatsadikim a été écrit par
R. Nathan. Je ne sais pas à quel point on peut faire confiance à cette biographie, bien qu’elle paraisse assez sérieuse.
Quoi qu’il en soit, je doute que l’auteur soit des plus illustres élèves de
R. Na’hman, car il comporte plusieurs erreurs.
A part ce prénom
Nissan, il appelle aussi Rashi
R. Shlomo Yar’hi bar Its’hak.
C’est une erreur assez classique, mais
R. Shlomo Yar’hi est un autre rabbin, Yar’hi signifiant « de Lunel ».
Aussi, il opte pour une troisième fille de
Rashi (il y a discussion si Rashi avait 2 ou 3 filles) et nous donne le nom du 3ème gendre :
Rabbi Ephraïm.
Dans la partie Tanaïm VeAmoraïm aussi il y a des bizarreries ; par exemple il cite parmi les Tsadikim :
Avlet ! Alors que c’était un Goy cité dans le Talmud.
Il y a encore plusieurs noms problématiques.
Il faudrait produire une édition critique et annotée de ce Sefer étrange, que le
‘Hida n’a d’ailleurs pas mentionné dans son
Shem Hagdolim…
Dans
« Par le feu et par l’eau » (op cit) il est dit que
R. Nathan aurait reconnu que la partie couvrant les Rishonim et A’haronim était incomplète, plusieurs noms ayant été oubliés, surtout parmi les A’haronim, et que celui qui peut en compléter la liste le fasse.]
Je ne me relis pas, j'espère que ce post comporte moins de fautes que le Shemot Hatsadikim.