A
Maverick:
Citation:
Vous avez répété à plusieurs reprises que la Torah ne pouvait pas imposer quelque chose qui irait à l'encontre de la morale humaine / du bon sens. N'est-ce pas là un parfait contre-exemple ?
Explications.
Imaginons qu'il existe une population (d'êtres humains), que nous appellerons les Sijuf. Supposons que les Sijuf soient incapables d'exprimer la douleur qu'ils ressentent (que ce soit par des cris, par des expressions du visage ou par des mouvements) et que l'on sait (disons par de l'imagerie cérébrale) qu'ils ressentent bel et bien la douleur (de manière comparable aux êtres humains normaux). Supposons maintenant que les êtres humains normaux aient l'habitude depuis des millénaires d'asservir et au besoin de tuer les Sijuf (disons qu'ils en tirent un profit substantiel).
Que diriez-vous d'une religion qui (i) conviendrait qu'a priori il n'y a aucune raison d'asservir et de tuer les Sifuj, (ii) qui le ferait quand même (bien sûr sans les faire démesurément souffrir), (iii) qui justifierait ses actes par une phrase de leur livre sacré indiquant que D.ieu a créé les Sijuf pour être au service des êtres humains normaux ?
Votre raisonnement est très juste, c’est pourquoi j’écrivais dès le départ, je me cite :
«
La Torah considère que l'animal a été créé pour servir l'homme.
C'est une vue "religieuse" que la science n'impose pas; celui qui croit en la Torah et en D.ieu créateur du monde peut l'admettre, mais il est vrai que l'agnostique ne devrait logiquement pas consommer de viande ni de poisson. »
Donc je me dis que nous ne sommes pas à l’abri d’une critique de la Torah d’ici quelques siècles ou millénaires, si jamais la pression des Neguiot
(intérêts personnels qui font que les agnostiques et athées en tout genre s’autorisent la consommation de viande) s’apaise un peu, par exemple parce qu’il manque de bêtes sur terre et/ou que leur consommation n’est plus si agréable au palais (etc.), là les critiques se réveilleraient et reprocheraient à la Torah et aux juifs ce que l’humanité entière pratiquait durant des millénaires.
Ceci étant dit, ce qu’il faut comprendre concernant votre exemple de Sijuf ou autre martien, c’est que le baromètre varie en fonction du « Daat/libre arbitre » de « l’espèce ».
Pas de la (seule) capacité à ressentir la douleur.
Nous ne savons pas grand-chose de la nature du sentiment de douleur chez l’animal, on le devine puisqu’il essaie de lui échapper et qu’il réagit à une attaque/blessure, etc.
Ce qui distinguera clairement un homme d’un animal, c’est le libre arbitre.
Si votre « Sijuf » est doté de libre arbitre, même s’il n’est pas humain (scientifiquement parlant), aux yeux de la Halakha, il l’est.
Son statut sera comme celui d’un non-juif humain, il devra suivre les 7 lois Noa’hides, base de l’humanité (et ça nous suffit pour le considérer humain et ne pas le « manger »).
Si l’on crée des robots sachant réagir à la douleur et faisant ce qu’il faut pour s’en préserver (et hurlant et pleurant lorsqu’ils sont blessés…), cela n’indiquera pas encore qu’ils aient un statut d’être humain.
Ce qui nous importe, c’est le libre arbitre, la conscience.
[Note : je parle de l’espèce, pas de l’individu. Une espèce dotée de libre arbitre est considérée humaine, même si un humain malade peut se voir privé de ses capacités, il garde son statut.
Il en va de même pour un humain qui dort (on n’aura pas le droit de le manger ni de le considérer comme un animal durant son sommeil)…]
A mon tour à présent de vous faire raisonner :
Si cela dépendait de la capacité d’une espèce à réagir à la douleur
(et non de la « supériorité » d’une espèce définie par son libre arbitre), il faut savoir que de nombreuses études indiquent que le monde végétal réagit lui aussi la douleur et l’exprime à sa manière.
Si vous arrachez une feuille à une plante, elle le sait, elle en est consciente et elle fait ce qu’elle peut pour se protéger.
Il y a des opinions selon lesquelles elle « souffre » réellement, quoiqu’il reste subtil de parler de souffrance en l’absence de système nerveux défini.
On peut en tout cas affirmer que les plantes « réagissent » aux agressions.
Certains affirment - sismomètre à l’appui, que les carottes souffrent quand on les épluche…
L’absence de mouvement nous trompe et nous fait croire que la plante ne serait pas « au courant », qu’elle ne réagirait pas à l’agression (comme le pensait
Léonard de Vinci –dans ses carnets), mais c’est loin d’être le cas.
Et puis, il y a aussi quelques plantes plus dégourdies, comme la dionée…
Pour plus de lecture, voyez ici :
https://www.letemps.ch/sciences/plantes-sontelles-animaux-autres (et il y a encore des tas d’articles sur le sujet)
Bien entendu, la perception de souffrance chez l’animal est « supérieure » à celle de la plante, mais on ne peut pas se contenter de distinguer l’animal de la plante en parlant de perception.
S’il est clair que couper la tête à un animal ne l’enchante pas, il en va de même pour une carotte.
La logique qui pourrait nous pousser au végétarisme devrait donc aussi nous interdire de consommer les végétaux.
Celui qui adhère à la Torah considère le monde végétal et animal créés pour servir l’homme et l’aider, voilà pourquoi il les consomme et s’en sert.
Celui qui n’adhère pas à la Torah, ni a une autre croyance indiquant que le monde ait un but, un Créateur, et une hiérarchie des espèces (minéral-végétal-animal-humain), devrait en effet se mettre au régime sec et s’interdire le pain, le vin, voire même le Boursin ! (et le lait -puisque volé d’une vache), les légumes, les fruits, la viande, le poisson, les œufs, les céréales, la farine, etc. Qu’est-ce qu’il reste ?
L’humanité ne s’est jamais posé ces questions « modernes » sur la sensibilité de la carotte ou la souffrance de l’épi de blé, mais ceux qui interdisent la viande car ils n’admettent pas cette hiérarchisation des espèces, devraient pousser leur raisonnement jusqu'au bout, car nous savons déjà que les végétaux aussi ressentent -voire craignent- l’attaque humaine.