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Sfarim Hitsonim

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Bonjour,

La Michna, dans le pereq 'heleq, rapporte l'avis de rabbi Akiva qui considère que celui qui lit des "sefarim 'hitsonim" n'a pas part au monde futur.

Le Bartenoura, dans son explication de la Michna, rapporte l'explication du Talmud, qui parle des "sifrei minim". Toutefois, il n'évoque pas, comme le Talmud le fait, les livres "extérieurs" au canon biblique juif comme "Ben Sira", mais des livres de "philosophie" comme celui d'Aristote. Il inclut également les "chroniques des rois des nations", ainsi que les "shirim shel 'agavim" et les "divrei 'hecheq" qui ne sont qu'une perte de temps.

Je m'interroge sur ce Bartenoura mais pour éviter de m'éparpiller (car je sais que c'est désagréable de répondre à beaucoup de questions d'un coup), je ne poserai que cette unique question : qu'est-ce que recouvre exactement cette définition des "sifrei minim" selon le Bartenoura ? est-ce que cela inclut également les livres d'Histoire (ex : histoire de France) ?

(J'ai fait deux questions mais on peut aussi le voir comme une sorte de question dans la question :))

Merci beaucoup.
Rav Binyamin Wattenberg
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Citation:
La Michna, dans le pereq 'heleq, rapporte l'avis de rabbi Akiva qui considère que celui qui lit des "sefarim 'hitsonim" n'a pas part au monde futur.
Le Bartenoura, dans son explication de la Michna, rapporte l'explication du Talmud, qui parle des "sifrei minim". Toutefois, il n'évoque pas, comme le Talmud le fait, les livres "extérieurs" au canon biblique juif comme "Ben Sira", mais des livres de "philosophie" comme celui d'Aristote. Il inclut également les "chroniques des rois des nations", ainsi que les "shirim shel 'agavim" et les "divrei 'hecheq" qui ne sont qu'une perte de temps.
Je m'interroge sur ce Bartenoura mais pour éviter de m'éparpiller (car je sais que c'est désagréable de répondre à beaucoup de questions d'un coup), je ne poserai que cette unique question : qu'est-ce que recouvre exactement cette définition des "sifrei minim" selon le Bartenoura ? est-ce que cela inclut également les livres d'Histoire (ex : histoire de France) ?
(J'ai fait deux questions mais on peut aussi le voir comme une sorte de question dans la question :))



Le Bartenora (Sanhédrin X,1) parle des « livres d’Aristote le grec et de ses acolytes » et y inclut aussi les chroniques des rois idolâtres exempts de sagesse et d’intérêt et ne représentant qu’une pure perte de temps.

Le Rambam dans Piroush Hamishnayot (ad loc) indique aussi de manière explicite la lecture de Ben Sira en expliquant qu’elle symbolise la pure perte de temps, comme le sont (selon le Rambam) les livres qui relatent l’histoire et la hanhaga des rois ou les livres de musique et tous ces écrits dénués d’intérêt et de sagesse et ne représentant qu’une simple perte de temps. (traduction libre).


Néanmoins, voyez le Tiféret Israel (ad loc, §8) qui s’étonne de ce que le Bartenora puisse inclure les livres d’histoire car cela reviendrait aussi à y inclure la lecture d’un journal, celui qui lit un journal perdrait donc aussi son Olam Haba ?
Pourtant la seule infraction serait les Dvarim Beteilim, c-à-d le Bitoul Zman [et l’on comprend de Souka (28a) et du Shoul’han Aroukh (o’’h §307,2) que seul l’excès en est condamnable].

C’est pourquoi il explique qu’il s’agit d’étudier ces livres « bekviout », par contre, on ne reprochera rien à celui qui y lit « occasionnellement » (Aray) des passages, surtout s’il le fait en étant aux WC (ce qui implique l’impossibilité d’étudier la Torah).

Son fils, Rav Baroukh Its’hak Lifshitz, apporte un soutien à l’idée de son père du fait que le Rambam (Avoda Zara II,2) soit catégorique sur cet interdit de lire les livres des Apikorsim, alors que dans son Moré Nevoukhim (III,§29) il reconnait les avoir tous lus.
[Cependant, il émet une autre possibilité de justification à cette lecture ; lorsqu’elle est réalisée dans un but de « Lehitlamed » (=Lehavin Oulehorot)].

Certains livres d’histoire comportant des détails sur l’idolâtrie sont considérés comme interdits au titre de Sifrei Avoda Zara, voyez Rambam (Avoda Zara II,2).
Néanmoins, voyez le Igrot Moshé (Y’’D II, §53) pour qui l’interdit de lire un livre qui parle d’un culte idolâtre ne concerne que les livres écrits par un adepte de ce culte, mais il serait permis de lire celui qui rapporte des notions historiques concernant une idolâtrie dont il se moque bien et à laquelle il n’adhère absolument pas.

Il existe tout de même des rabbins opposés aux livres d’histoire de manière générale (même s’ils ne traitent pas du tout d’Avoda Zara). Le plus connu et le plus catégorique me semble être le ‘Hazon Ish.
Voyez Péèr Hador (III, p.118, note 185*), il y est rapporté au nom du ‘Hazon Ish qu’il est impossible d’écrire un livre d’histoire (Kasher) sans faire usage de Roua’h Hakodesh, indispensable pour savoir relier les évènements et ce qui les implique.
(note : on pourrait se contenter de relater des faits constatables, sans insister sur l’interprétation de ce qui serait à leur origine…)

Et que lorsqu’on voit les divergences d’interprétation selon les journaux d’un même fait ayant eu lieu la veille, on comprend que lorsqu’il s’agit d’établir des faits datant de plusieurs siècles, on ne peut accorder aucune confiance aux livres d’histoire.
(note : il y a lieu de distinguer un livre d’histoire écrit par un historien qui s’est penché sur l’analyse des faits, d’un quotidien qui est publié en très peu de temps, dont le but est différent et qui se remettra facilement d’une erreur d’information.)

[Note supplémentaire et conséquente: Ce que le Péèr Hador indique en citant le ‘Hazon Ish Ora’h ‘Haim (§140,2) est un hors sujet, il semble vouloir faire dire au ‘Hazon Ish qu’il n’est pas possible d’apprendre l’histoire à travers un livre, mais en réalité le sujet était l’impossibilité de définir à partir d’un livre le nombre d’années écoulées depuis la création du monde].

Si son beau-frère, le Steipler (Karyana Déiguerta I, §111), invalide et interdit tout livre d’histoire dont l’auteur est Apikoros (mais autorise celui dont l’auteur est « kasher »), le ‘Hazon Ish (cité dans Péèr Hador III, p.118, note 185*) estimait qu’un livre d’histoire n’est pas comme un livre de mathématiques, l’absence de Kfira ne suffit pas à en autoriser la lecture, il faut qu’il soit entièrement axé sur l’enseignement de la Yirat Shamayim et de la Emouna.
כשאמרו לפני מרן החזו"א על ספר היסטוריה מסוים שמותר ללמוד בו כיון שאין בו דברי כפירה, ענה שהיסטוריה אינה כמתימטיקה ולא די אם אין בה דברי כפירה, אלא כל מהותה צריכה ללמד יראת שמים ואמונה, ואסור ללמד ספרי היסטוריה שאינם בנויים על יסוד זה

C’est étrange comme idée, elle est contredite par le Steipler et par des milliers d’autres, il faudrait analyser cette « Ma’hloket ».
Il semblerait que le ‘Hazon Ish considérait que tout livre d’histoire serait par nature un livre de Hashkafa, puisque l’histoire participe à forger la Hashkafa.

Il en ressort que selon le ‘Hazon Ish, tous les livres d’histoire sont interdits comme des Sifrei Minim, même s’ils ont été écrits par un « juif Kasher », tant que l’intention du livre n’est pas d’inciter à la Yirat Shamayim.
Je me demande si le ‘Hazon Ish interdisait le Tsema’h David ?

Le Steipler est moins rigoureux et dès que l’auteur est « kasher », cela suffit pour considérer qu’a priori son livre ne comporte pas de Kfira et donc il devient moutar. (L’absence de Kfira suffit au Steipler mais pas au ‘Hazon Ish).

Beaucoup d’autres Rabanim sont plus indulgents dès que le livre ne vient pas enseigner une Haskafa mais simplement des faits historiques.

Si le livre comporte de la Kfira, il sera comparé aux livres de science comportant de la Kfira, par exemple ceux qui nient la création du monde et enseignent qu’il a toujours existé (Kadmout Haolam), cf. Shout Harivash (§45).

Idem pour les livres de philosophie qui comportent des idées contraires à celles des ‘Hazal, cf. Piskei Riaz (Sanhédrin XI,3), Shiltei Haguiborim (sur Rif Avoda Zara 5b) et le Bartenora (op cit).

Le Shoul’han Aroukh Harav Baal Hatanya (Talmoud Torah III, 7) va encore plus loin et interdit la lecture, même occasionnelle, de ces livres ou d’un simple passage, voire même d’une simple citation pourtant insérée dans un sefer respectable.
Cette idée semble contredite par le simple fait que le Rambam ainsi que d’autres Rishonim citent parfois dans leurs sfarim des idées empruntées à Aristote ou autre philosophe (il faudrait les sauter ? ou condamner tous les livres concernés ?).
C’est pourquoi il ajoute que les sages des générations précédentes ont trouvé nécessaire de lire ces livres de philosophie uniquement dans le but de pouvoir répondre aux attaques des non juifs contre la Torah, ces études étaient donc, selon le Baal Hatanya, nécessaires à leur époque mais elles ne le sont plus depuis.
On pourrait imaginer que, de nos jours, la situation serait légèrement différente qu’à son époque, mais il a aussi vécu à un moment où la Haskala se développait et il fallait pouvoir répondre aux attaques des Maskilim.

D’autres disciplines sont incriminées, le Steipler (Karyana Déiguerta I, §112) condamne « les livres de psychologie et de pédagogie » comme comportant majoritairement des paroles de Kfira, leur lecture est donc interdite (beYehareg Veal Yaavor !).

Il faut savoir que nous trouvons aussi des interdits de lire des journaux, voyez le ‘Hafets ‘Haim dans Torat Habayit (§4) et le Steipler (Karyana Déiguerta I, §117).

Bref, la définition de ce qui s’appelle Sifrei Minim n’est pas parfaitement unanime.
L’explication du Baal Hatanya pour justifier les citations d’Aristote que l’on trouve dans les Rishonim ne me semble pas particulièrement convaincante et, c’est un fait, nous constatons des divergences d’opinion parmi les A’haronim sur ce sujet depuis 5 siècles.

Il y a eu la réaction virulente de rabbi Yossef Karo au Meor Enayim qui cite énormément de sources non juives, et plus récemment l’opposition des rabanim syriens au commentaire sur le ‘Houmash Em Lamikra de Rav Eliahou Benamozegh.
[Rav Méir Mazouz (Igrot Malkhei Rabanan §142,12, p.309) considère que ces attaques étaient injustifiées (רבני חלב התקיפו אותו בזמנו על לא דבר).]

Tout ceci s’inscrit dans une Ma’hloket plus large concernant l’intérêt des études séculières, celle-ci date de plus d’un millénaire, depuis les Guéonim.
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