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Mariage avec tables mixtes

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Si vales valeo
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Shalom Rav,

Quelle est l'origine des mariages complètement séparés ?
Sait-on si c'était déjà le cas à l'époque de la Guemara ?

Les danses sont séparées pour des raisons halakhiques, mais qu'en est-il du reste du mariage ? Est-ce un Gueder destiné à éviter les Hirhourim/ augmenter la Kedousha ? Ou plutôt un standard orthodoxe largement démocratisé ?

(Ketouvot 17a nous montre que des Talmidei Hakhamim allaient même danser devant la mariée ou avec elle (alors qu'elle est déjà une Eshet Ish), mais ça n'indique rien sur le mariage. Ces exemples ouvrent certes un tout autre débat sur Neguia, mais ils concernent tout de même les notions de Hirhourim et Meh'itsa)

Merci beaucoup,
Shavua Tov
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Citation:
Quelle est l'origine des mariages complètement séparés ?
Sait-on si c'était déjà le cas à l'époque de la Guemara ?
Les danses sont séparées pour des raisons halakhiques, mais qu'en est-il du reste du mariage ? Est-ce un Gueder destiné à éviter les Hirhourim/ augmenter la Kedousha ? Ou plutôt un standard orthodoxe largement démocratisé ?
(Ketouvot 17a nous montre que des Talmidei Hakhamim allaient même danser devant la mariée ou avec elle (alors qu'elle est déjà une Eshet Ish), mais ça n'indique rien sur le mariage. Ces exemples ouvrent certes un tout autre débat sur Neguia, mais ils concernent tout de même les notions de Hirhourim et Meh'itsa)



On ne sait pas avec beaucoup de précision de quoi avaient l’air les mariages au temps du Talmud, mais c’étaient essentiellement un repas, lorsqu’on y dansait, il n’y avait pas de danses de femmes, uniquement les hommes autour du ‘hatan et de la kala.

Pour le repas, il ne serait pas étonnant que les femmes fussent reléguées à une autre salle, qu’elles ne mangeassent pas avec les hommes, voire qu’elles s’affairassent en cuisine sans vraiment s’asseoir ensemble pour festoyer.
C’étaient dans les mœurs de l’époque (et du pays -ils étaient en Irak).

Pourtant, même à cette époque, il y avait des juifs moins soucieux de la halakha que d’autres, et on trouvait des rassemblements festifs où hommes et femmes chantaient ensemble.
Malgré tout, les femmes étaient naturellement séparées des hommes et chantaient « à part », mais avec les hommes (et ces derniers les écoutaient -d’où le péché).
Par exemple, certaines chansons se chantaient en canon, ou en alterné, et il y avait le groupe des hommes et celui des femmes, mais les hommes entendaient les femmes chanter, ce qui n’est pas clean au niveau de la halakha.
Les sages critiquent ces chants mixtes dans la Gmara Sotah (48a), mais les juifs respectueux de la halakha savaient se garder de tels chants.

Plus tard, en Europe, à l’époque des Rishonim, les femmes faisaient la fête elles aussi lors des mariages.
Au début du XIIIème siècle, le sefer ‘Hassidim (§393) écrit que si les femmes sont assises parmi les hommes, on ne dira pas « shéhassim’ha Bimeono », on comprend qu’il arrivât que des juifs peu scrupuleux organisassent une fête ou un mariage en mélangeant l’assise des hommes et des femmes.
Néanmoins cela ne veut pas dire que le Sefer ‘Hassidim préconisait deux salles distinctes (ou une même salle mais avec Me’hitsa pour en faire deux salles), seulement que les tables soient séparées, tables hommes et tables femmes.

En fin du XIVème siècle, il ressort du Maharil (Hil. Nissouin) que lors des mariages, hommes et femmes étaient assis dans la même salle (mais avec tables séparées). (Cf. Shout Bnei Vanim 1 , §35, p.112).

Ainsi, fin XVIème siècle, du Levoush (fin des Minhaguim en fin de Ora’h ‘Haim) qui écrit à propos du problème de la brakha « shéhassim’ha Bimeono », que l’on n’a plus l’habitude de s’en soucier car il est habituel que les femmes soient parmi nous (אין נזהרין עכשיו בזה ואפשר משום דעכשיו מורגלות הנשים הרבה בין אנשים ואין כאן הרהורי עבירה כ"כ דדמיין עלן כקאקי חיוורא מתוך רוב הרגלן בינינו וכיון שדשו דשו), nous pouvons déduire que les femmes n’étaient pas derrière une Me’hitsa à son époque.

Un peu après, fin XVIème/début XVIIème siècle, le Ba’h (E’’H §62 sk.1) témoigne qu’à Cracovie, les Sheva Brakhot se faisaient généralement chez un particulier en petit comité et les hommes et les femmes étaient assis dans la même pièce, sans Me’hitsa.

Ultérieurement, selon les pays, certains se sont montrés plus rigoureux, le Rav Ganzfried (Kitsour Shoul’han Aroukh §149,1) s’oppose à ce que les hommes et les femmes mangent dans la même salle (des tables séparées ne suffisent pas).

Dans les communautés ‘Hassidiques et hongroises, même le Shabbat les femmes ne mangeaient pas dans la même pièce que leurs maris et enfants, idem pour les filles qui ne mangeaient pas avec leurs pères et frères (Sia’h Na’houm §112). A plus forte raison dans un mariage où il y des personnes étrangères à la cellule familiale.

[Une fois, un jeune couple a été invité un shabbat chez Rav Rottenberg. Il y avait un autre invité : Rav Issakhar Méir (de Yeshivat Haneguev) qui était de passage en France.
Pendant le repas et les discussions, au bout d’un moment, Rav Issakhar Méir demanda au ‘hatan s’il était marié.
Quand il lui répondit que oui et depuis peu, il lui demanda comment se faisait-il qu’il soit venu seul.
Il lui répondit qu’il n’était pas venu seul, et que son épouse se trouvait « là-bas » au bout de la table.
Là, il réprimanda Rav Rottenberg de les avoir assis séparément.
C’est que Rav Issakhar Méir (Meyer) était allemand (né à Hambourg) et ne concevait pas choses comme Rav Rottenberg qui dans un esprit ‘hassidique reléguait les femmes à distance.]


En fonction des pays et des époques, les femmes étaient plus ou moins présentes.
Au XXème siècle, après la guerre, aux Etats-Unis (je veux dire même chez les religieux), seules les danses étaient séparées, pas le repas.
Même Rav Moshé Feinstein et Rav Aharon Kotler se rendaient dans de tels mariages, ce n’était pas scandaleux.

Plus encore, les Gdolei Hador eux-mêmes (aux USA à cette époque), organisaient le mariage de leurs propres enfants avec des tables hommes et des tables femmes, mais SANS me’hitsa pour le repas. Voir Shout Bnei Vanim (I, note page 113) concernant son grand-père Rav Yossef Eliahou Henkin et autres Gdolei Hador.
Voir aussi Shout Sia’h Na’houm (§112, p.387) qui atteste de l’absence de Me’hitsot lors des mariages de la famille Feinstein et autres Gdolim.

Rav Moshé Feinstein (Igrot Moshé o’’h 1 §41) considère qu’il n’y a pas de besoin Halakhique de mettre une Me’hitsa pour le repas d’un mariage, il apporte des preuves à cela, notamment à partir du Korban Pessa’h qui devait être consommé par groupe dans une salle commune à tous les "inscrits" sur ce Korban.
Or, chaque Korban était partagé par plusieurs familles...

Plusieurs auteurs se sont opposés à ce Psak, dont le Maané Laïgrot (§20) évidemment, ainsi que le Lev Avraham (§135) -Kedarko, et d’autres comme le Mishné Halakhot (XIV, §80), Vayevarekh David (II, §1), Az Nidberou (XII, §47), Shout Birkat Reouven Shlomo (VII, §61).

Rav Gross (Om Ani ‘Homa II, §24) écrit qu’il ne peut pas croire que Rav Moshé Feinstein aurait autorisé une telle chose.
[C’est étrange, il suffit de le lire dans Igrot Moshé (o’’h 1 §41) et aussi (o’’h 5, §12) où il ajoute une Svara selon laquelle il n’est pas nécessaire de mettre une Me’hitsa puisque ce n’est pas ouvert au Rabim, c’est comme un domaine privé (Voir encore Igrot Moshé Y’’D IV, §24).
Plus encore, il y a des témoins et même des photos où l’on voit Rav Moshé Feinstein dans des mariages sans Me’hitsa. Et on sait qu'au mariage de sa fille (avec R. Tendler) il n'y avait pas de Me'hitsa pour le repas.]


Cette coutume est plus ancienne, déjà avant la guerre, en Hollande (et ailleurs) c’était l’habitude (Cf. La Tsniout dévoilée p.63). Voir encore Shout Beèr Moshé (IV, §147,31) qui atteste du Minhag des pays d’Europe (de l’ouest) avant la guerre où l’on se contentait de séparer les tables (hommes/femmes) mais il n’y avait pas de Me’hitsa.
Le Beèr Moshé souligne que ce Minhag était acceptable à leur époque, mais que dans le cas où les femmes ne sont pas vêtues Betsniout, il faut une Me’hitsa.

Bien sûr, ce n’était le cas que chez les Litvaks (et Yekkes, etc.), rien de tel chez les ‘Hassidim de Satmar (où les femmes étaient très nettement séparées des hommes), comme mentionné plus haut au nom du Sia’h Na’houm.

Le Shout Divrei ‘Hakhamim (Ginzberg) (E’’H §49) rapporte au nom des Psokim que -Meïkar Hadin- il n’est pas nécessaire de mettre une Me’hitsa pour le repas d’un mariage (c-à-d pour le repas, pas pour les danses), mais nous avons pris l’habitude d’en mettre une quand même afin d’éviter les Hirhourim.
Il cite encore « un des Gdolim de notre génération » selon qui il faut être Makpid qu’il n’y ait PAS de Me’hitsa pour le repas d’un mariage car telle est notre tradition, ce sont les ‘Hassidim qui imposaient la Me’hitsa, pas nous (!).

Mais le Rav Ginzberg souligne que c’est son opinion et qu’elle est isolée, car de nos jours (le shout date de 1986), les Mitnagdim aussi ont pris cette habitude.

De nos jours (XXIème siècle) en Israël, chez les religieux (type ‘Harédi) le repas est toujours séparé (et les danses aussi, évidemment).
Chez les sionistes religieux, pas forcément. Les danses le sont toujours (avec -ou parfois sans- Me’hitsa).

La Halakha stricto-sensu n’impose pas de séparer les tables pour manger, sans quoi, ceux qui vont au restaurant, ou ceux qui seraient invités pour un repas de shabbat dans une famille, enfreindraient cette règle fréquemment (et effectivement, en cela les hongrois sont cohérents puisqu’une épouse ne mange pas avec son mari à shabbat, donc les invités ne seront pas en mixité).
C’est juste qu’étant donné l’esprit de fête (lors d’un mariage) et les apparats etc. , le Yetser Hara est en mode éveillé, donc on préfère mettre une barrière.
Mais on ne peut pas reprocher au contrevenant un irrespect de la halakha si les tables sont mixtes.

J’ai connu des Baalei Tshouva ayant fréquenté une yeshiva pour Baalei Tshouva, leurs parents n’étaient pas pratiquants, ils acceptaient que le repas soit Kasher et beaucoup d’autres choses, même qu’il y ait une Me’hitsa pour les danses, mais pas que les tables soient séparées.
Ceux qui m’ont questionné, voyant la situation, je leur disais qu’il n’était pas nécessaire (ni intelligent) de se disputer avec leurs parents pour ça et qu’il fallait accepter les tables mixtes (en réservant des tables séparées pour les religieux qui le souhaiteraient).
D’autres ne m’ayant pas demandé mon avis, mais celui d’un rav les encourageant à se montrer déterminés, intransigeants et forts pour ne pas tergiverser avec la halakha (=ce qu’ils pensent être la halakha), ont entrainé de bien inutiles et regrettables disputes avec leurs familles et beaucoup de souffrances.
[Pour une raison étrange, beaucoup de Rabanim ignorent toutes ces Shitot que j'ai mentionnées plus haut et assurent que c'est strictement et unanimement interdit.]

En conclusion :
Il y a bien longtemps, les femmes ne participaient quasiment pas, plus tard elles ont participé et sans Me’hitsa mais avec des tables séparées, et par la suite, certains (surtout dans les milieux ‘hassidiques) ont imposé une Me’hitsa pour le repas.
Il reste difficile de dire que ce soit une obligation halakhique, surtout lorsque tant de Gdolim encore au XXème siècle ne connaissaient pas cet interdit, mais il faut remettre les choses dans leur contexte : de nos jours la Tsniout vestimentaire n’est pas toujours au rendez-vous, il y a par conséquent plus de nécessité qu'avant de mettre une Me’hitsa.

Ainsi, dans leur grande majorité, les Frum ont pris l’habitude de séparer le repas avec une Me’hitsa et il ne convient pas de changer cette habitude.
Mais pour des Baalei Tshouva dont les parents s’opposent à la Me’hitsa, il ne faut pas en faire une guerre.
Par contre, dans les milieux religieux habitués à la Me’hitsa, son absence serait forcément un moteur de Hirhourim, ils sont donc plus tenus que les Baalei Tshouva d’être Makpidim sur la Me’hitsa.

Tout ceci ne concerne que le repas, mais si les femmes dansent, il devient impératif qu’il y ait une Me’hitsa (bien que certains pinaillent là-dessus, cette idée ne me semble pas adaptée à notre époque de Pritsout).

PS: la longueur du post me conseille une relecture, que je ne peux pas assurer maintenant. Veuillez excuser les fautes.
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