C'est complexe, il y a le paramètre Halakha, le paramètre Minhag et le paramètre politique.
Tout d'abord, il ne faut pas se demander ce que JE fais, mais ce qu'il FAUT faire.
Mais puisque vous en parlez
(je vois que je suis espionné...), en effet je porte le Gartel SOUS la veste , mais pas -comme vous semblez le croire- pour des raisons "politiques".
C'est le cas de
R. 'Haim Kanievsky, il porte son Gartel sous la veste pour une raison politique. En ce qui me concerne, c'est parce que j'ai TRES chaud, je souffre énormément de la chaleur, il est vrai qu'en région parisienne il ne fait pas toujours aussi chaud qu'à Bnei Brak, mais les synagogues parisiennes ont bizarrement ce point commun: il y fait toujours très chaud.
Depuis quelques années (moins de dix) certains ont commencé à comprendre qu'il fallait les doter -au moins- de ventilateur, mais nous sommes encore TRES loin d'une température idéale en ce qui me concerne.
Lorsque j'étais jeune, j'étudiais chez
rav Rottenberg Z"l.
Il avait installé un thermomètre sur la poutre qu'il y avait dans le Beth Hamidrash et en hiver, dès que le mercure montait au-delà de 17°C, il fallait ouvrir les fenêtres pour rafraîchir la salle!
Il disait qu'à partir de 18°C, le cerveau n'est plus assez éveillé, on commence à s'endormir.
Personnellement, j'ai l'impression que mon cerveau résiste encore à 18, voire 19°C.
Mais lorsqu'il fait 24°C (ou des fois 28°C) dans certaines synagogues, avec la veste et le Talit
(et même lorsque -excédé, je les enlève), je suffoque et je manque parfois de perdre connaissance (ça m'est arrivé deux fois, malaise vagal vraisemblablement...).
L'ennui c'est que je suis à l'aise lorsqu'il fait 17-18°C alors que les autres fidèles le sont plutôt à 25-28°C.
C'est très handicapant d'avoir très vite chaud comme ça.
La Gmara
Shabbat 86b dit qu'un juif -étant constamment soucieux de bien accomplir les mitsvot, a toujours chaud.
Voilà pour me consoler.
Bref, mon gartel sous la veste n'y est pas pour la même raison que celui de
rav Kanievsky.
Citation:
Priez-vous dans un sefer sfard ou ACHKENASE ?
Concernant le sidour que j'utilise, c'est Nossa'h Sfard.
Il m'arrive de prendre en main d'autres nos'haot, mais ce n'est que pour suivre globalement, j'adapte en fonction des différences.
(Bien entendu, dans nos synagogues sfarades, il est rare de pouvoir trouver un autre nossa'h, ni ashkenaze, ni Sfard. Au mieux, il peut y avoir ou un deux Tehilat Hashem grâce aux bonnes œuvres d'un Loubavitch. Donc lorsqu'on prie Sfard -ou Ashkenaze- en territoire Sfarade, il faut venir avec son propre sidour.)
Ces points étant éclaircis, passons à la véritable question:
Citation:
je prie depuis tout petit dans le nossah sfard , mais étant avreh à Bnei Brak et bientot papa j'aimerais passer à ACHKENASE
Vous noterez qu'il est assez étonnant que ce soit en habitant à Bnei Brak
-Ir Hatorah Veha'hassidout !- qu'on se sente mal à l'aise de prier nossa'h Sfard !
Vous m'auriez dit qu'habitant à Puteaux -ou Sarcelles- vous vouliez abandonner votre nossa'h, j'aurais pu comprendre, mais à Bnei Brak, il y a des mitpalelim nossa'h sfard par milliers !
Vous me répondrez qu'en effet, mais pas dans vos fréquentations et votre milieu.
Ok, je comprends.
J'ai étudié six ans à Ponovez, en plein Bnei Brak -ou, devrais-je dire, en pleine Lituanie- tout en priant Nossa'h Sfard, j'ai pourtant survécu.
Mais parlons Halakha.
Rav Moshé Feinstein dans
Igrot Moshé (o"h II, §24) écrit à quelqu'un qui est habitué à prier Ashkenaze mais dont le père prie Sfard, qui lui demande s'il doit à présent changer et "revenir" au nossa'h Sfard puisque c'est celui de son père.
Il lui répond qu'il peut rester sur le nossa'h Ashkenaze étant donné que c'était le nossa'h d'origine de son arrière-grand-père ou quelques générations au-dessus...
En effet, ceux qui prient Sfard, priaient Ashkenaze il y a à peine deux siècles.
Sans se demander si ce changement était licite au niveau halakhique,
Rav Feinstein considère que prier Ashkenaze n'est qu'une "absence de changement" ou un retour au nossa'h normal (pour celui dont les ancêtres étaient ashkenazes).
Cette Svara ne saurait vous concerner QUE si vos ancêtres paternels sont ashkenazim.
J'ajoute cela car je sais qu'il y a parfois des sfaradim qui adoptent le nossa'h Sfard et les minhaguim 'hassidiques. Dans ce cas, on ne peut pas aussi aisément dire que le changement est "récent", car les sfaradim ont changé le nossa'h il y a bien plus de deux siècles.
Voir à ce sujet ce que j'ai écrit le 22 décembre 2014 ici:
http://www.techouvot.com/rite_askenaze_et_sfard-vt336.html?highlight=
(et il y a encore un lien que vous trouverez dans ce message vers une autre réponse complémentaire)
Ce changement opéré par les maîtres de la 'hassidout a été -dès 1784- contesté par les Mitnagdim, comme
R. Avraham Katznelnboygen de Brisk qui l'a reproché dans une lettre ouverte à
R. Lévi Its'hak de Berditshev.
Voir
Halakhot Vehalikhot Be'hassidout de R. Aharon Wertheim (Shaar III, p.94), qui indique que la réponse est donnée dans le livre du
Maguid de Mezritsh (Maguid Dvarav Leyaakov/Likoutei Amarim, daf 22a) (livre imprimé la même année, en 1784), citant le Arizal, il écrit que le Beth Hamikdash céleste a 13 portiques par lesquels les prières sont supposées passer, chaque Shevet a son portique et le 13ème est le "Shaar Hakolel" pour tous ceux qui ignorent de quelle tribu ils descendent (et pour les convertis?), ceux-là prieront selon le Nossa'h concocté par le Arizal qui a fait un "mix" de plusieurs versions.
Ainsi, conclut-il, de nos jours où nous ne savons généralement pas à quelle tribu nous rattacher, il convient de prier selon le nossa'h du Arizal.
Fin de citation.
Ce n'est pas qu'il y à dire sur ce sujet, il y a beaucoup, il y a énormément à dire et à redire sur cette idée.
Et les Cohanim et Leviim? ils connaissent leur Shevet pourtant?
Et depuis quand il y avait 12 versions différentes instituées par les Anshei Knesset Hagdola?!
Il n'y en a eu qu'une!
Voir encore ce que j'écris contre cette idée du
Arizal dans mon message du
24 juin 2011 à 17h50, ici:
http://www.techouvot.com/3-vt13397.html?postdays=0&postorder=asc&start=30
Pour plus de complications autour du sujet, voyez l'opposition du
'Hatam Sofer à cette idée du
Maguid de Mezritsh dans
Shout 'Hatam Sofer (O"H §XV) .
Ces attaques seront répondues par le
Divrei 'Haim (II, O"H §VIII), mais ce dernier subira à son tour les attaques du
Maharam Shik (O"H §43) venant défendre la position de son maître le
'Hatam Sofer.
Cela n'empêchera pas le
rav Roth dans
Shout Beit Hayotser (O"H §V -daf 8b) de venir répondre au
Maharam Shik en prenant la défense du
Divrei 'Haim... Et on pourrait continuer comme ça...
Toujours est-il que cette réponse de
rav Feinstein elle-même, ne fait pas l'unanimité.
Je ne parle pas de ce qu'à écrit
Rav Its'hak Yossef (actuel grand rabbin sfarade d'Israël) selon qui le seul changement possible serait pour prier Sfarade (Edot Hamizra'h), j'analyse ses preuves et arguments et j'explique pourquoi ils sont -selon moi- erronés, dans mon message du
24 juin à 18h39 ici:
http://www.techouvot.com/3-vt13397.html?postdays=0&postorder=asc&start=30
Voyez la brève allusion du
rav Shlomo Amar dans son
Shema Shlomo (II, o"h §7 -p.20) après avoir cité la réponse de rav Feinstein, il ajoute entre parenthèses qu'il y a beaucoup à redire sur cette réponse...
Avant cela, un peu plus haut dans
Shema Shlomo (II, o"h §7 -p.19), il cite une question similaire à la vôtre, un avrekh étudiant à Ponovez et priant Sfard qui souhaitait changer de nossa'h pour passer au nossa'h Ashkenaz, a demandé au
Steipler s'il le pouvait, mai il lui répondit de garder son nossa'h et ne pas changer.
(cependant, ayant raconté cela à
Rav Steinman, ce dernier s'étonna de la réponse du
Steipler, pour lui c'était évident comme
rav Feinstein que ce sont les 'hassidim qui ont changé et prier Ashkenaz n'est donc pas à considérer comme un "changement").
Je n'ai pas pu vérifier, mais je suppose que le
Maané Laïgrot (certainement §56) n'est pas tendre avec le
Rav Feinstein sur ce sujet non plus.
[Ce sefer était disponible sur Hebrewbooks, mais il en a -hélas- été retiré.
Quel dommage tous ces sfarim qui sont retirés du site -probablement sous prétexte religieux (ou selon moi par bigoterie)- alors qu'ils sont déjà scannés et que ça ne coûte rien des les y laisser...]
Cependant, son psak est relativement bien accepté et d'autres poskim en ont rendu un plus ou moins similaire, voir:
rav Zilber dans son
Shout Az Nidberou (VI, §46),
le 'Hazon ish (DinimVehanhagot §IV, 40),
Yom Tov Shéni Kehilkhato (Nispa'h 11, p.183 note 27 et p.182 note 20),
et aussi
Rav Elyashiv cité dans
Tfila Kehilkhata (§IV, 2, note 4) et
Ashrei Haïsh (o"h I, §XI, 9) .
Bref, passer de Sfard à Ashkenaz est assez bien admis (dans la mesure où vos ancêtres priaient nossa'h Ashkenaz).
Et même en considérant ceux qui s'y opposent, il faut parfois aussi tenir compte de la réalité politique de votre situation.
Si en habitant Bnei Brak et fréquentant un cercle où il est mal vu de prier Sfard, vous risquez d'avoir du mal à vous intégrer convenablement, vous ou vos enfants, il y a lieu d'en tenir compte.
Paradoxalement, justement à Bnei Brak, ce type de changement est de nature à (éventuellement) vous porter préjudice dans le sens où vous pourriez paraître aux yeux des initiés locaux
(qui seraient au courant de votre changement de Nossa'h) comme un "baal tshouva" instable dans sa religion.
D'autre part, il vous faut aussi vous soucier du sentiment que cela pourrait engendrer chez votre père lorsqu'il apprendra que vous ne suivez pas son minhag...
En conclusion, je dirais que ce changement n'est pas halakhiquement impossible, mais que dans votre cas la halakha pure ne doit pas être le seul souci, il faut aussi tenir compte du contexte socio-politique d'une part ainsi que du Kiboud Av d'autre part.