Citation:
Dans le Talmud, on rencontre un certain nombre de fois une discussion qui se termine par TEKOU !
Est ce qu'on sait combien de fois il y en a dans tout le Talmud ?
La répartition par massekhet ?
On peut techniquement les compter, moi je n'ai jamais compté et j'imagine que ça ne tente personne car il y en a beaucoup (des centaines) et quel serait l'intérêt de les dénombrer?
C'est comme se demander combien de fois on trouve "Rav Na'hman bar Its'hak" dans le Shas, ou "Tanou Rabanan", dans la mesure où il ne s'agit pas d'une dizaine de fois seulement, personne ne va s'amuser à les compter tant qu'il n'y a pas un intérêt quelconque.
Pour ce qui est de la répartition par Massekhet, c'est aussi techniquement assez facile à trouver avec un ordinateur, mais ça prend du temps.
Je crois qu'il n'y a pas de Teikou dans massekhet Nedarim (ni de Tanou Rabanan d'ailleurs!), ni dans Massekhet Meguila (pas de Teikou).
Concernant l’absence de Teikou dans Nedarim, selon
Rabbi Mena’hem de Lonzano dans son
Sefer Hamaarikh (sv. Teikou), ce terme y est remplacé par l’expression מיבעי ליה.
Ces mots se retrouvent certainement dans Nedarim, mais je ne crois pas qu’ils aient le sens de notre Teikou.
C’est plutôt l’expression תיבעי qui peut remplacer le Teikou, comme elle le fait dans
Nazir (13b). Elle se retrouve dans
Nedarim (51b) ou encore -suivie du mot Lei- dans
Nedarim (7a) תיבעי ליה.
Ce doit être ce à quoi il pensait et le Mem serait une erreur de copiste, il faut mettre un tav (Tibaei et non Mibaei).
Dans le
Yeroushalmi aussi, on ne dit pas Teikou mais Tibaei.
Concernant l’absence de Tanou Rabanan dans Nedarim, il y a une histoire connue, au sujet de
Reb No’houm Partsovitz (Rosh Yeshivat Mir) qui, un jour, a repéré deux Ba’hourim qui discutaient assis à leur place pendant le Seder au lieu d’étudier, il se dirige vers eux, mais comme ils l’ont vu venir, ils se mettent immédiatement à « faire comme si » ils étudiaient en faisant semblant de lire la Gmara « Tanou Rabanan… »
Seulement voilà, la Messekhet à la yeshiva à ce moment était Nedarim, et
Reb No’houm leur a dit qu’il n’y a pas de Tanou Rabanan dans Massekhet Nedarim…
Reb ‘Haim Kanievsky a dit au sujet de cette histoire, qu’en effet, il n’y a aucun Tanou Rabanan, mais a indiqué qu’il y a tout de même un « Detanou Rabanan » dans
Nedarim daf 27a.
En lien avec les Teikou, il y a aussi une histoire connue du
‘Hafets ‘Haim qui est allé visiter/consulter
Reb ‘Haim Soloveitchik.
Il arrive chez le Rav, ce dernier est en train de prier, le
‘Hafets ‘Haim attend patiemment que le Rav finisse sa Tfila pour l’entretenir du sujet qui l’amène.
Dès que
Reb ‘Haim finit la Tfila, une personne arrive en trombe et pose sa question à Reb ‘Haim en grillant la politesse au ‘Hafets ‘Haim qui attendait déjà son tour, il demande : «
rav, pourquoi la majorité des Iba’yot (les questions/questionnements)
du Shas n'est pas tranchée ? (Ba’ya Dela Ifsheta) ».
Reb ‘Haim le regarde et lui répond : «
la majorité des Iba’yot du Shas est tranchée ».
Là-dessus, l’homme est satisfait et ressort.
Le
‘Hafets ‘Haim peut enfin parler avec
Reb ‘Haim.
Après leur discussion, le ‘Hafets ‘Haim se sépare de Reb ‘Haim et reprend la route avec son accompagnateur, mais étrangement, durant les 20 premières minutes le ‘Hafets 'Haim semble concentré et ne dit mot.
Après ce silence, il s’exclame :
« Reb ‘Haim est un Gaon ! c’est vrai ! dans leur majorité, les Iba’yot du Shas sont tranchées ! ».
Il y a dans cette histoire un peu de naïveté volontaire, mais aussi beaucoup de ‘Hizouk.
Citation:
Quels sont les cas les plus spécifiques ou étonnant ?
Pourquoi la discussion se termine de façon si abrupte ?
Ça se termine par Teikou lorsque la Gmara ne sait plus quoi dire.
Les cas étonnants ou intéressants sont ceux où le Talmud répond par Teikou, comme si la solution n’était pas accessible, et pourtant, le Talmud lui-même tranchera ce doute un peu plus loin ou ailleurs.
Voir
Tosfot Avoda Zara (53a sv. O dilma) et (68a sv. Teikou),
voir aussi
Klalei Hagmara Hanossafim du Beit Yossef (§389),
Klalei Hagmara du Radbaz (§118),
Klalei Hatalmoud de R. Betsalel Ashkenazi (§96),
et
Shevet A’him (des jumeaux Rabinovitz)
(I, Shaar III, §41) et
Tov Venaïm (ad loc) ainsi que
Klal Gadol (ad loc) qui s’étonne de l’étonnement du
Maharats ‘Hayes (Baba Metsia 34b) à ce sujet .
J’ai parlé plus en détail de cette notion (du Teikou qui se trouve tranché ailleurs), ici :
https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=54868#54868
Ce qui signifie qu’en fait, ce n’est pas uniquement lorsque la gmara ne SAIT plus quoi dire qu’elle dit « teikou », c’est aussi lorsqu’elle ne VEUT pas se casser la tête à trouver la réponse maintenant, ou alors, que c’est un Teikou prononcé dans un des Batei Midrash, car ils n’ont pas trouvé la solution, alors que d’autres l’ont trouvée (c’est ce qui ressort du
Tosfot dans
Avoda Zara 68a sv. Teikou).
Un autre cas étonnant, c’est le Teikou sur un questionnement sans aucune incidence, comme dans
Sanhedrin (95b) au sujet du nombre de soldats de San’hériv (cf.
Shout ‘Havot Yaïr §124).
Ou encore le Safek dans
Makot (7a) sur l’interprétation de « 1 tous les 70 ans » qui reste en Teikou (Cf.
Mar Kashisha p.222).
Voir encore
Yad Malakhi (§92) et Ayin Zokher (Beit §4).
Concernant la traduction du mot Teikou, selon
R. Yaakov Chicheportiche d’Oran (cité par le
Moussaf Héaroukh, sv. Tak תק ), ça se lit Tikou et signifie Tikoum, c-à-d que cette Ba’ya restera debout, non tranchée pour l’instant.
C’est aussi l’explication prônée par
R. Shmouel Hanaguid cité par le
Aroukh Hashalem (VIII, p.263), ainsi que l’avis retenu par le
‘Havot Yaïr (Mar Kashisha p.222).
Le
Aroukh (sv. Tak תק) explique que c’est comme une chose qui se trouve dans un sac (Milashon Tik ou Teik), on ne sait pas ce que c’est, ça reste dissimulé. כמו דבר שעומד בתוך התיק .
C’est aussi l’explication retenue par le
Tishbi (sv.Teik), après avoir expliqué que ce mot (Teikou) intervient dans la Gmara après qu’on ait posé une question à laquelle on ne trouve pas de réponse. כששאלו איזה קושיא בגמרא ולא מצאו לה תירוץ
[Le
Rav Yeshaya Pik Berlin dans ses annotations sur le Tishbi
(imprimées dans l’édition du Makhon Harav Matslia’h) s’étonne car on ne trouve jamais de Teikou suite à une
Koushia sans réponse, mais uniquement suite à une
Iba’ya sans réponse.
J’imagine que le
Tishbi le savait bien, mais qu’il voulait dire Iba’ya en disant Koushia, comme on pourrait dire en français une « question » pour dire une Iba'ya.]
Ces deux interprétations (debout/sac) sont mentionnées par le
Rav Shlomo Tsvi Schik dans son
Torah Shleima (1, daf 7b), après quoi il mentionne aussi le Notrikon bien connu «
Tishbi Yetarets Koushiot Vehavayot ».
Le
Moussaf Héaroukh (sv. Tak תק) quant à lui l’explique comme אשתיקו (idem pour
R. Yerou’ham cité par le
Aroukh Hashalem VIII, p.263) c-à-d qu’on reste silencieux à ce sujet, on ne sait que dire.
Il précise ensuite que ceux qui expliquent que תיקו est l’acronyme de תשבי יתרץ קושיות והווית (la version la plus répandue est תשבי יתרץ קושיות ואבעיות), se trompent, car ce n’est pas l’explication, le sens du mot, mais seulement une allusion par les initiales. סימן הוא ואינו פירוש .
Le
Tishbi (op cit) aussi s’insurge contre cette explication en disant qu’elle est futile והוא פירוש של הבל .
Le
Yaabets (Le’hem Shamayim fin de Edouyot) aussi refuse cette explication basée sur le Notrikon, en pointant le fait que le mot Teikou ne prend pas de Youd (תקו).
Cependant, dans nos Gmarot, le Youd est bien présent, et le
‘Hida (Ayin Zokher Tav §36) le fait remarquer.
Il conclut par un souhait que D.ieu pardonne au
Yaabets ainsi qu’au
Tishbi qui se sont moqués de ce Notrikon, car ce dernier est mentionné dans le
Sefer Hakané et dans la
Hakdama du Rambam à la Mishna.
Rav Méir Mazouz (remarques sur le Tishbi p.277) indique une source dans le
Sefer Haplia.
Ce Notrikon est aussi écrit dans le
Tosfot Yom Tov (Edouyot VIII, 7).
J’ai aussi vu dans le
Imrei Shamay (I, p.39) qu’il cite le
Sefer [Ha]Guilgoulim (en indiquant le début du Perek 52, mais cette référence ne donne rien) au nom du
Arizal qui mentionnerait aussi ce Notrikon.
Pour la défense du
Yaabets, du
Tishbi et du
Moussaf Héaroukh, je dirais que le fait que le Notrikon soit mentionné dans ces Sfarim ne signifie pas qu’ils le tenaient pour la traduction/explication du mot Teikou.
Ce dont ils se moquent, c’est de ceux qui pensent que c’est le
sens du mot, alors que ce n’est qu’un Notrikon qui renvoie à une idée.