Rav Binyamin Wattenberg a écrit:
Bonjour madame,
votre message est un réel plaisir, il devient tellement rare pour un juif de se voir adresser la parole par une personne de confession musulmane sans être insulté ou agressé, je tenais avant tout à vous en remercier.
Bonjour Monsieur le Rabbin,
Merci pour votre réponse.
Citation:
Je passe à votre question:
Citation:
pourquoi est-ce obligatoire pour les hommes et pas pour les femmes ?
Le judaïsme attribue des rôles différents aux hommes et aux femmes.
Cette idée déplaît fortement à l'esprit européen de ce début de XXIème siècle qui voudrait gommer toute différence de genre dans la race humaine, et malheureusement, de nombreuses juives aussi font preuve d'une rigidité absolue et restent totalement hermétiques aux explications sur ce point.
Leur incapacité à dialoguer sagement et calmement sur ce sujet indique bien qu'il y a un malaise profond et une frustration qu'elles ne savent pas gérer, tant elles assimilent la notion de différence à un rapport de valeur (et d'infériorité), c'est bien dommage.
C'est ce qui pousse de plus en plus de femmes juives à vouloir pratiquer les préceptes imposés uniquement aux hommes, même si nombre d'entre elles ne se soucient pas de respecter parfaitement les préceptes communs ou typiquement féminins.
Elles veulent imiter les hommes au lieu d'assumer leur rôle de femme.
Effectivement, il est aujourd'hui mal vu de dire que l'homme et la femme sont différents (même en précisant: "égaux en dignité et différents"), et j'ai l'impression que finalement, ça se retourne même contre les femmes. Ce qui est étonnant, c'est que c'est une revendication faite au nom de l'égalité alors qu'au fond, elle se résume
à dire que les femmes doivent "s'élever" au rang des hommes, comme si ces femmes considéraient au fond d'elles qu'elles sont inférieures
aux hommes et qu'elles ne leur seront égales qu'en leur ressemblant, même au-delà de limites purement biologiques ! Et est-il
exigé la même chose des hommes ? Curieusement, non, il me semble, ou du moins dans des proportions bien moindres.
Je lis d'ailleurs la partie où vous en parlez dans le lien que vous m'avez donné, et c'est très intéressant: vous relevez à juste titre ce qu'on
penserait si l'homme ne demandait pas par exemple à se tremper dans le mikvé ou à se couvrir les cheveux ou à allumer les bougies lors du Shabbat, vos exemples m'ont fait rire, parce que c'est tout à fait ça, ils sont bien sentis :D Il me semble qu'on se rejoint dans ce que j'ai dit plus haut, certaines féministes veulent ressembler aux hommes mais rarement il est exigé que les femmes soient respectées en tant que femmes, ce qui
semble traduire un complexe d'infériorité de la part de ces mêmes féministes !
Bref, je comprends bien le fait de considérer que les hommes et les femmes sont égaux en dignité et différents, ce qui donne à chacun des droits et des rôles différents, qu'ils doivent assumer en toute liberté.
Citation:
Si vous êtes curieuse, voyez à ce sujet ce que j'ai écrit ici:
http://www.techouvot.com/lecture_de_la_thora_par_les_femmes-vt15762.html
Toujours est-il que la religion juive n'impose pas les mêmes obligations concernant la prière aux femmes et aux hommes. Ces derniers sont astreints à plus de prières, des prières plus longues, avec des horaires plus précis et des nécessités de regroupement.
Les femmes sont tenues de prier, mais de manière bien moins "précise" que les hommes. Il y a des différences entre les communautés (sfarades/ashkenazes), mais dans tous les cas, les femmes sont moins "concernées" par la prière.
La raison qu'en donnent nos commentateurs est que le rôle essentiel de la femme est de s'occuper de son foyer, d'éduquer ses enfants et de veiller à leur bien être physique moral et spirituel. Ainsi, les Sages n'ont pas souhaité leur imposer des horaires de prières à la synagogue de peur que cela leur rende la tâche trop difficile et qu'elles négligent leur foyer.
C'est pourquoi, une femme célibataire ou dont les enfants sont déjà adultes devra prier trois prières par jour (ou au moins deux) et n'en sera pas dispensée comme une mère de famille.
Il y a eu des femmes dans l'Histoire du peuple juif qui se sont astreintes à toutes les prières tout en ne négligeant pas leur rôle de maman, mais ce n'est pas obligatoire, c'est reservé à une élite.
(je dis "dans l'Histoire" même s'il y a aussi de nos jours des femmes assidues à la synagogue, mais je doute qu'elles remplissent parfaitement leur rôle de maman en parallèle. et je ne parle pas de celles qui ni ne prient ni n'assurent leur rôle de maman).
parce que c'est tout à fait ça !
Ah, je ne savais pas que la femme célibataire etc. devait quant à elle prier, ça montre bien dans le judaïsme, le fait que la prière de la femme
n'est pas obligatoire n'a absolument rien à voir avec une volonté de la dévaloriser. C'est simplement qu'il s'agit d'un commandement lié au temps et que le rôle de la femme juive est de consacrer son temps à son épanouissement spirituel et aussi à son rôle de mère et d'épouse, quii est central et n'a rien de dévalorisant.
Ca m'étonnait juste pour la prière parce que je ne connaissais pas cette conception de la prière comme particulièrement liée au temps. Pour vous expliquer, dans l'Islam, l'homme et la femme doivent prier 5 fois par jours,
il n y'a pas de différence à ce niveau-là. Je pense que c'est la conception de la prière dans le judaïsme qui diffère de ce que je connais.
Peut-être est-elle plus longue, etc., ce qui expliquerait en quoiil s'agit d'un commandement particulièrement lié au temps ? Pouvez-vous me donner des précisions ce sujet ?
Citation:
P.S. Je tiens aussi à vous présenter mon soutien suite ce qui s'est passé à Créteil, c'est très triste et inquiétant.
Citation:
Merci, soutien accepté.
À mon tour de vous faire part de quelque chose d'inquiétant à mon sens, mais qui n'est pas mis en exergue par les médias:
Je suis très triste et inquiet du fait que l'on n'entende que TRÈS TRÈS rarement des condamnations de tels actes de la part de personnalités religieuses officielles musulmanes.
Il y a plusieurs millions de musulmans en France, je ne doute pas que certains d'entre eux ne doivent pas se réjouir des actes terroristes, des crimes, du vandalisme, des assassinats - et j'en passe - perpétrés par vos coreligionnaires ici en France. Comment se fait-il que l'on n'entende que si peu de musulmans condamner ces actes ???
Alors oui, il y a un un imam à Belleville, il y a le sempiternel Chalghoumi (mais il lui faut des gardes du corps!!!) et encore certainement deux ou trois éparpillés, mais c'est TRÈS peu.
Je ne demande pas qu'il y ait 90% des musulmans français qui s'opposent aux crimes antisémites perpétrés par leur coreligionnaires, mais même si 50% serait un strict minimum déjà bien ridicule, nous n'avons même pas 10 malheureux pour cent de musulmans courageux qui osent s'exprimer contre. Pourquoi il n'y a pas de coalition des religieux qui excommunieraient publiquement ces barbares ? Pourquoi il y a tant de centres et de mosquées où l'on prêche le crime ? Pourquoi les musulmans ne réagissent pas ? Sont-ils vraiment dérangés que l'on tue du juif ?
Voilà, je sais que vous n'êtes pas responsable de tous les musulmans français, je ne sais donc pas ce qui est en votre pouvoir de faire, mais je sais aussi qu'il est en votre pouvoir de ne pas ignorer ce problème, de ne pas rester inactive concernant ce sujet et en parlant autour de vous, à force de convaincre une personne puis une autre, peut-être qu'un jour les choses changeront.
Je suis contente que vous me posiez ces questions en toute franchise.
Je vais vous donner des bonnes et des mauvaises nouvelles.
La bonne nouvelle, c'est qu'il y'a bien plus de 90% des musulmans qui sont contre le terrorisme, les actes antisémites, etc. Même si vous ne le croirez peut-être pas, ce que je peux comprendre.
La mauvaise nouvelle, c'est qu'il doit y en avoir 10% (voire moins) parmi ces 90% qui voudront et pourront organiser des actions médiatiques de masse pour dénoncer ce qu'on leur demande de dénoncer.
Comment expliquer cet aparent paradoxe ? Ca va être difficile, surtout par écrit, mais je vais essayer.
D'abord, il faut différencier les crimes commis au nom de l'islam (que les musulmans doivent condamner) des crimes commis par des individus dont les parents sont musulmans, car ce n'est pas du tout la même chose. Je ne pense pas qu'il y a régulièrement du vandalisme et des assassinats commis par des gens se réclamant de l'Islam, par contre il y en a commis par des gens "d'origine musulmane". Si quelqu'un revendique son crime/vandalisme du fait de sa religion islamique, il faudra une condamnation religieuse, même s'il ne le fait pas, on ne peut pas associer ce crime aux musulmans... Ce qui ne veut pas dire que les musulmans n'ont rien à faire pour lutter contre la criminalité des gens "d'origine musulmane", je vais en parler plus tard.
Mais il faut bien faire la différence entre criminel "musulman" et criminel "d'origine musulmane". Vous aurez des condamnations d'imams dans le cas du criminel musulman, mais pas dans le cas du criminel d'origine musulmane, car être musulman ne se transmet pas par l'origine. Beaucoup de voyous d'origine musulmane vendent de la drogue, sortent en discothèque, et le font ouvertement... Tout ça n'a rien à voir avec le comportement d'un musulman convaincu.
Et demander une condamnation "islamique" si je puis dire quand un "jeune de banlieue" décide de casser la vitre de commerces casher entre deux deals de drogues, pour nous, c'est comme si on demandait une condamnation du curé quand français de famille catholique commet un crime.
Une fois cette distinction faite, on peut en venir au cas des criminels musulmans. Il y a en effet des crimes terroristes et/ou antisémites commis
par des musulmans (merah, nemmouche, etc.). Dans ces cas-là, je peux vous dire que les condamnations sont bien là, toutes les grandes instances musulmanes se prononcent et condamnent ces actes, il y a la grande mosquée de lyon, d'evry, de paris, l'uoif, il y'a aussi les prêches d'imams populaires chez les jeunes (par exemple, lors du crime de merah, le prêche de l'imam Rachid Abou Houdeyfa, qui est "pourtant" salafiste). Ce n'est pas juste que dans beaucoup de mosquées, on prêche la haine et le racisme, d'ailleurs souvent ce sont les imams eux-mêmes qui dénoncent les radicaux qui traînent dans le coin.
Bref, les condamnations sont là, pas seulement dans des déclarations ou des prêches d'ailleurs, mais aussi dans des articles, des livres, des cours (ah oui, juste pour la question de l'excommunication, dans l'Islam, on peut condamner un musulman, dire qu'il viole les règles de l'Islam, qu'il commet
des crimes indéfendables, etc., mais on ne peut pas le déclarer non-musulman à moins qu'il ne dise qu'il ne l'est pas. C'est simplement pour ça qu'il n'y a pas d'excommunication, mais il y a bien sûr les condamnations sous la forme de déclarations, de livres, de "réfutations").
Mais ce n'est pas un travail médiatisé, ou médiatisable.
Souvent, on demande aux musulmans de tous manifester... Le problème, c'est que les musulmans se disent:
"pourquoi serais-je présumé coupable ?" et "pourquoi ne demande-t-on pas à d'autres de manifester, les bouddhistes, qui commettent aussi des crimes, les chrétiens, qui ont aussi eu leur équivalent de boko haram" ?
Sans compter le fait que le racisme subi par les musulmans ou les gens d'origine musulmane n'est pas évoqué. Peu de choses sont faites là-dessus en France. On ne parle pas de quelques sorties racistes ici et là, mais de racisme au logement, de racisme policier, de racisme au travail... On en parle que lorsqu'il s'agit des USA et de Ferguson !
Bref, tout ça ne donne absolument pas envie aux musulmans de manifester, surtout qu'ils ont l'impression que ce serait cautionner le fait qu'ils doivent être présumés coupables et donc montrer patte blanche.
Sans compter les manipulations médiatiques ici et là. Par exemple, savez-vous pourquoi Chalghoumi n'est pas soutenu par les musulmans ? En réalité, ça n'a rien à voir avec le fait qu'il a dit que les juifs étaient ses amis, etc. Il n'est pas le premier à dire ça, il n'est pas le dernier, et ça ne pose pas de problème aux musulmans qu'on dise ça.
Ce qui pose problème avec Chalghoumi est que c'est un personnage douteux. Il s'est fait connaître en s'opposant à la burqa, alors qu'avant, il
y était favorable et défendait le fait de le porter (contrairement à la plupart des musulmans) ! On le fait passer pour un imam pionnier, un "imam des Lumières, alors qu'il a une maîtrise douteuse du français (sans vouloir être méchante, mais c'est un fait), qu'il n'a produit aucun travail de terrain ou
intellectuel pour lutter contre ce qu'il dit combattre (contrairement à beaucoup d'autres musulmans, diplômés et engagés, mais pas médiatisés) ...
Et la meilleure, c'est qu'il n'est même pas imam (il a juste été placé par le maire à la tête de l'association gérant la mosquée de drancy, mais ce n'est pas lui, l'imam). Il a aussi fait affrêter des bus pour forcer les fidèles à assister à un meeting de l'UMP, et même les RGl'avaient à l'oeil à un moment. C'est pour toutes ces raisons qu'il n'est pas soutenu. Pas autre chose.
Vous savez, le monde musulman en général et la communauté musulmane en France est sujette à beaucoup de manipulations du fait de sa condition de communauté objectivement sous-développée, je comprends parfaitement qu'un observateur extérieur ne comprenne pas et interprète mal, c'est pourquoi il est bien d'en parler à des musulmans.
Tout ça, c'était pour répondre à vos questions, mais ce n'est pas suffisant j'ai tenté de vous expliquer pourquoi vous aviez l'impression que la majorité des musulmans soutenaient les actes terroristes ou antisémites, mais je n'ai rien proposé pour identifier et résoudre les problèmes :
- Est-ce que la plupart des musulmans soutiennent le terrorisme et l'antisémitisme ? Non, très clairement.
- Est-ce que la plupart des musulmans refusent de manifester publiquement pour condamner tout ça ? Oui, pour les raisons exposées plus haut.
- Est-ce qu'il y a des préjugés antisémites qui circulent chez les musulmans ? Oui, chez une certaine partie d'entre eux, pas la majorité,
mais je pense une part importante quand même. ça, ça peut se résoudre par le travail intellectuel.
- Est-ce qu'il y a de l'antisémitisme et un risque de radicalisation chez les désoeuvrés d'origine musulmane ? Oui, à l'évidence.
Pour ce qui concerne la condamnation publique, je ne suis pas là pour faire de l'angélisme, jamais les musulmans ne voudront tous manifester pour dénoncer ça, parce qu'ils sont contre le fait de le dénoncer, mais parce qu'ils contre le fait qu'on le leur demande. Ils font déjà beaucoup de choses pas médiatisées, mais je vois bien que ça n'est pas suffisant. Personnellement, j'ai essayé de sortir de la position défensive et de
comprendre, je me suis souvent dit qu'il faudrait peut-être la faire, cette grande manifestation, mais j'hésite. J'hésite entre ça et le fait que les mosquées doivent être plus investies socialement et, au lieu de se prêter au jeu de la médiatisation, condamner plutôt en agissant sur le terrain. Personnellement, je pencherais pour cette option. Car on ne peut
plus se contenter de livres aussi détaillés soient-ils, ou de condamnations, un musulman doit être investi socialement, et je pense que c'est ce que
la communauté musulmane doit faire, ce sont les musulmans qui sont les mieux indiqués pour savoir comment lutter contre la radicalisation et contre le désoeuvrement et la violence dans toutes ses formes dont la forme antisémite chez les jeunes d'origine musulmane des "quartiers sensibles".
Croyez-moi si vous le voulez, mais je ne dis pas ça uniquement parce que vous dites que je devrais faire quelque chose, je pense depuis longtemps que les musulmans doivent s'investir socialement. On s'investit dans l'humanitaire, le caricatif, la construction de mosquées d'écoles privées et le soutien scolaire surtout, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant, il y a une tendance à l'élitisme chez les musulmans qui s'en sortent bien, et au rejet des gens "d'origine musulmane" qui font de crimes, tellement on a envie de dire aux autres français, "nous ne sommes pas comme eux, nous ne sommes pas merah ou le gang des barbares", mais je suis contre cette approche. Non-seulement on voit bien que ce n'est pas efficace, mais en plus, l'Etat se désengage de plus en plus, et la seule solution, c'est l'investissement de gens qui connaissent les millieux "sensibles", donc des musulmans, même s'ils n'ont pas envie de se dire qu'ils sont "coupables," il ne faut pas se sentir coupables mais responsables, responsables du fait que des gens ayant la même histoire que nous (immigration, quartiers "sensibles", et éventuellement familles musulmanes) ne s'en sont pas sortis ou sont devenus des criminels commettant des atrocités. Outre
le combat sur le terrain, il faut aussi penser à une meilleure union des musulmans puisque la parole médiatique semble beaucoup compter, et aussi rassurer les communautés juives qui vivent auprès de musulmans ou du moins près de quartiers sensibles dont ils ont peur.
Je pense que la solution est là, personnellement j'espère pouvoir m'y atteler dès que je serai de retour en France, je m'en fais la promesse, c'est un devoir de musulman, et en tout cas en attendant j'en parle et j'en parlerai. Pour ce qui est de mon pouvoir personnel, je suis une simple musulmane de 22 ans, mais ça n'empêche rien, surtout que la plupart des musulmans tient à se dissocier du terrorisme et de l'antisémitisme, notre
problème est de ne pas se mettre assez à la place des autres, on devrait le faire même si on trouve que l'Etat ne le fait pas pour nous. Là encore,
c'est un devoir en tant que musulmans.
Je vois que j'ai été longue, j'espère en tout cas avoir répondu à vos questions, n'hésitez pas me faire part de vos critiques si vous en avez...