Votre question a été posée par plusieurs rabbins.
D'aucuns répondront que la punition annoncée , de mourir le jour où il en mangera, est à comprendre à l'échelle de D…, or "yomo shel akadosh barou'h hou elef shana", le jour de D… correspond à 1000 années pour l'homme, c'est pourquoi Adam a vu sa longévité fixée à 1000 ans (je suppose que les midrashim et le Zohar qui parlent du don de 70 ans au roi David vous sont connus).
Si le concept 1 jour= 1000 ans est cité par Rashi (ad Tehilim §90,4 et §25,6) et se retrouve dans de très nombreux midrashim (Bereshit rabba §19,8 et §22,1) (Bamidbar rabba §V,4 et §14,12) (Midrash Tehilim Buber §25,8) (et encore plusieurs autres), l'utiliser comme réponse à notre question semble hasardeux.
Pourquoi D… parlerait à l'homme dans une langue qui ne lui correspond pas?
Si cette règle était applicable même lorsque D… s'adresse à l'homme, que dirions nous des mitsvot qui dépendent du jour dans la Thora comme Oto veet bno lo tish'hatou beyom é'had ? Serait-il interdit de pratiquer la sh'hita de l'animal durant 1000 ans?
C'est pourquoi je pense que l'on peut repousser cette réponse.
La réponse "classique" –comme répondent le Ramban (Beréshit II,17) et le Abravanel (p.93b), et je crois me souvenir que c'est aussi l'opinion du 'Hezkouni, et cette réponse se retrouve dans la Psikta Zoutrata (Leka'h Tov Bereshit II,15)- consiste à dire que la punition prévue n'était pas de mourir le jour même mais de devenir "ben mavet" (concerné par la mort) le jour même.
Mais ceci indiquerait donc que la tshouva d'Adam n'a pas été agréée.
Ce qui semble être une très vaste ma'hloket entre les midrashim.
Dans plusieurs midrashim il semble rait que Adam n'aurait pas fait tshouva ou que sa tshouva n'aurait pas été acceptée/agréée.
Voir Bereshit rabba (§84,18), Tan'houma (Noa'h §5 et Bereshit §9), Pirkei derabbi Eliezer (§21) qui pensent que le premier homme à faire tshouva serait Caïn, Noa'h ou Reouven, mais pas Adam.
Voir aussi Bereshit Rabba (§22,28).
Et de manière plus explicite dans Bamidbar rabba (§13,5) où Adam refuse de faire tshouva.
Cependant les sources contraires ne manquent pas et le midrash dans Pirkei derabbi Eliezer (§20) dit clairement que Adam a fait tshouva et que D… l'a acceptée.
Ainsi dans de nombreux sfarim on retrouve cette idée que Adam a fait tshouva et que sa tshouva a été agréée par D… (voir par exemple Shaar Aguilgoulim (23)).
Seulement si sa tshouva a été acceptée, pourquoi est-il finalement mort?
Le Ran dans ses Drashot Aran (§1) répond que le fait de manger du fruit entraine en l'homme "naturellement" la mort, mais pas que ce soit en tant que punition.
En d'autres mots , si il y a une Avéra de se couper la main, et que quelqu'un transgresse ce précepte puis fait tshouva, il sera dorénavant tsadik mais sa main ne repousse pas pour autant.
Voir R. El'hanan Wasserman qui cite cette réponse à la fin de son Kobets éarot (dougmaot lebiourei agadot fin de siman 3, p.68a. Cette partie du livre a été rééditée selon un autre ordre dans un recueil nommé Kobets Maamarim, mais ils n'ont malheureusement pas pensé établir une table de références comparatives pour s'y retrouver, donc ceux qui comme moi l'avaient lu avant d'avoir cette nouvelle édition ne s'y retrouve pas facilement et donnent encore leurs références en fonction de l'ancienne édition).
Le Gaon de Vilna aussi donnera cette réponsedans Aderet Eliahou. Voir Nefesh A'haim (I,6).
Sur le concept de la mort qui n'est pas une punition, voir encore Ram'hal Daat Tvounot (I,72) et Dere'h Ashem (I,§3,8-9) ainsi que le Shla akadosh (massé'het R"H 58a). Voir aussi 'Hazon Yoel (sur Shaar Agmoul, notes 209, 824 et 844).
J'ai pensé à une autre réponse; en disant simplement que la tshouva de Adam a été 100% agréée, et sa longévité lui a été rendue. Mais il ne s'agissait que de "longévité", et non de vie éternelle !
Car même AVANT la faute il n'était supposé vivre "que" 1000 ans.
C'est assez innovant, mais j'ai été devancé en cela par des rishonim, comme le Ibn Ezra (Bereshit III, avant le passouk 8) qui pense qu'il n'était pas programmé pour être éternel. (Cette opinion est aussi citée par le Ramban mais au nom des "scientifiques"…)
Pour preuve à cela je dirais que la gmara Sanhédrin (108b) parle d'un oiseau "Orshina" qui -selon Rashi (ad loc)- vivrait éternellement "eino met leolam" . Le Yad Rama (ad loc) dit la même chose en précisant qu'il n'est pas "vraiment" éternel, mais vit très longtemps.
Or dans Bereshit Rabba (§19) on nous parle de cet oiseau qui vivrait à jamais ('haï leolam) et tout de suite après il est enseigné "tana élef shanim hou 'haï" (=il vit 1000 ans).
Et le midrash d'expliquer que Eve aurait donné du fruit à tous les animaux du Gan qui auraient tous croqué un bout joyeusement excepté cet oiseau qui refusa de désobéir à l'ordre divin.
Il en résulte donc très clairement que si l'homme n'avait pas fauté, il aurait vécu "éternellement" ce qui veut dire 1000 ans ! (voir encore Otsar Midrashim Eisenstein p.345 un texte similaire).
J'ai pensé amener une autre preuve (même si celle-ci semble amplement suffisante) du Tan'houma (Pekoudei proche de la fin du §3) "lorsque D… voulu créer l'homme, il le dit à la Thora… et celle-ci lui rétorqua…. L'homme que Tu veux créer est "katsar yamim" (a la vie courte)…"
Nous constatons donc qu'avant même d'être créé (et d'avoir fauté) l'homme était "programmé" pour avoir une vie "courte".
Bien sûr le terme court est relatif, mais toujours est-il qu'il ne peut s'appliquer à une vie éternelle.
En espérant avoir répondu à votre question, bonne nuit.