Le texte de notre haftara s’inscrit dans un contexte historique bien précis: Le Pharaon Nekao traverse la Judée pour se porter à la rencontre de Nabuchodonosor. A Megiddo, il remporte la victoire sur Josias, le roi de Juda, qui essaie de l’arrêter ; puis il poursuit son avance vers le nord. Il affronte finalement Nabuchodonosor à Karkemish, sur l’Euphrate. Là, il est vaincu en l’an 605 avant l’ère commune et la suprématie sur le Moyen-Orient, qu’il a voulu arracher à Nabuchodonosor, reste dans les mains de celui-ci (Cf. II Rois 23, 29).
Mais Nabuchodonosor décide d’exploiter sa victoire et poursuit l’armée du Pharaon jusqu’en Egypte. Et c’est cet épisode de la lutte entre les « deux grands » de cette époque que le prophète Jérémie interprète dans notre texte. Ayant toujours dénoncé toute alliance avec l’Egypte il ne peut que trouver, dans la défaite de ce pays, un appui à sa clairvoyance politique.
Certes, à cette époque-là, le sort d’Israël et celui de l’Egypte paraissent liés ; mais en réalité il n’en est rien. Israël, précise Jérémie, doit poursuivre son chemin seul. Si l’Egypte, elle, subit le châtiment de Hachem, Israël, lui, sera épargné. Et nous retrouvons ainsi un point commun entre la haftara et la sidra où, également, les Hébreux se trouvent épargnés par les plaies qui s’abattent sur leurs oppresseurs (cf. Chemoth 10, 23 ; 11, 7 ; 12, 23).
Mais, bien entendu, c’est dans son ensemble que le texte de la haftara est à rapprocher de celui de la sidra de cette semaine. Dans cette dernière, l’Egypte est, à juste titre, la victime des plaies envoyées par Hachem en vue de la châtier pour son comportement à l’égard des Hébreux. Dans la haftara, l’Egypte subit encore la punition divine ; cette fois-ci c’est Nabuchodonosor qui en est l’exécuteur.
Ajoutons enfin, qu’on peut trouver un parallèle entre le désespoir des Egyptiens se rendant compte qu’ils sont perdus (Chemoth 10, 7) et la manifestation des Egyptiens contre le Pharaon après leur défaite telle que la rapporte la haftara : « Ils ont crié là : Pharaon, roi d’Egypte, n’est qu’un bruit ; il a laissé passer le temps ! » (46, 17).
L’histoire de l’Egypte et celle d’Israël se côtoient souvent ; mais ces deux nations n’en poursuivent pas moins des voies parallèles qui, par définition, ne doivent pas se rencontrer.
(D’après le rabbin Jean Schwartz, « Les haftarott »)