Que ce soit dans Chemoth 16, 4 ou dans Devarim 8, 2, le don de la manne est présenté comme une « épreuve » (nissayon) imposée par Hachem aux enfants d’Israël.
Les commentateurs se sont demandé la raison de cette dénomination, alors qu’une « épreuve » correspond généralement à une expérience déplaisante ou à un devoir pesant, et non à un don ou à un bienfait.
C’est ainsi que lorsque Hachem a imposé à Abraham de faire monter Isaac sur un autel au mont Moria, Il lui a présenté la chose comme une « épreuve » (Berèchith 22, 1 : Hachem nissa eth Avraham).
De même, la traversée du désert pendant quarante ans est considérée par la Tora comme une mise à l’épreuve (le-nassothekha) imposée par Hachem aux enfants d’Israël (Devarim 8, 2). Il en est ainsi également de l’envoi de faux prophètes : C’est une mise à l’épreuve (menassé) venant de Hachem (Devarim 13, 4).
Selon Rachi (ad Chemoth 16, 4), la mise à l’épreuve n’a pas consisté dans le don de la manne, mais dans les mitswoth qui s’y rattachaient : ne pas en laisser pour le lendemain, et ne pas sortir en glaner le Chabbath.
Pour Ramban, en revanche, la situation dans laquelle les enfants d’Israël ont été placés concernant la manne a représenté pour eux une grande épreuve puisqu’ils sont entrés dans le désert sans nourriture d’aucune sorte et sans possibilité de sortir de cette désolation. Ils dépendaient totalement de la portion quotidienne de manne qui tombait chaque matin et qui fondait sous la chaleur du soleil. Ils souffraient considérablement de la faim, mais ils ont supporté toute cette douleur par obéissance à Hachem, qui aurait pu pourtant les conduire par un itinéraire habité. Hachem a cependant choisi de leur imposer cette épreuve afin de vérifier s’ils Lui resteraient éternellement fidèles.
En d’autres termes, Ramban considère que la manne a constitué une épreuve pour les enfants d’Israël dans la mesure où elle était d’une nature inhabituelle. Ni eux ni leurs ancêtres ne l’avaient jamais connue. C’était un aliment étrange qui ne leur était pas donné dans l’abondance et qui ne pouvait pas être conservé.
Aussi est-ce avec appréhension que les enfants d’Israël en attendaient chaque matin la venue, hantés par le doute que leur nourriture pourrait ne pas venir ou ne pas suffire.
Rabbeinou Be‘hayé explique cette mise à l’épreuve à partir des termes employés par le verset : « … afin que je le mette à l’épreuve “s’il marchera dans ma Tora ou non” » (Chemoth 16, 4). L’épreuve a consisté dans le lien entre la manne et la Tora : Celui qui bénéficie d’une nourriture abondante est tenu d’intensifier son étude de la Tora.
Selon Ha-ketav we-ha-kabbala, de rav Ya‘aqov Tsewi Meklenburg (1785–1865), Hachem est omniscient, et Il n’a donc besoin d’aucune preuve. Lorsqu’Il met quelqu’un à l’épreuve, c’est pour prouver à celui-ci les limites de ses propres capacités. C’est pour lui faire prendre conscience qu’Il peut le mettre dans une situation où il prouvera l’ampleur de sa foi et sa confiance en Lui.