Avichag la Sunamite, cette belle jeune fille que les courtisans du roi David ont choisie pour lui tenir compagnie dans ses derniers jours, occupe une place importante, bien que discrète, dans la tentative de révolution de palais qu’a fomentée Adonias, héritier présomptif de ce monarque.
Adonias se croyait destiné à monter sur le trône. Il était en effet le quatrième fils de David (II Samuel 3, 2), ses deux aînés, Amnon et Absalon étant morts, et Kilav, fils d’Avigaïl, ne pouvant être appelé à régner, selon Yossef Kaspi, de L'Argentière (1279-1340), en raison de l’union précédente de sa mère avec Naval, personnage totalement corrompu (I Samuel 25, 25).
Après son échec et le choix par David de Salomon comme son héritier, Adonias sollicita de Bath-Chéva’, mère de ce dernier, l’autorisation de prendre Avichag la Sunamite pour femme (I Rois 2, 13 et suivants).
Bath-Chéva’, qui ne voyait aucune raison de rejeter cette requête, la transmit à son fils avec un avis favorable. Salomon cependant la repoussa d’emblée, et ce en des termes d’une violence inattendue : « Pourquoi demandes-tu Avichag, la Sunamite, pour Adonias ? Demande aussi pour lui le royaume, car il est mon frère plus âgé que moi […] » Et le roi Salomon jura par Hachem, en disant : « Que Dieu me fasse ainsi, et ainsi y ajoute, si Adonias n’a pas prononcé cette parole contre sa propre vie […] et qu’aujourd’hui Adonias soit mis à mort ! » (2, 22 et suivants).
En fait, expliquent les commentateurs, la demande d’Adonias constituait un crime de lèse-majesté. La Michna (Sanhédrin 2, 5) dispose que « l’on ne doit pas monter sur le cheval du roi, ni s’asseoir sur son trône, ni se servir de son sceptre », et la Guemara précise à ce sujet (Sanhédrin 22a) qu’Avichag était permise en mariage à Salomon, mais qu’elle était interdite à Adonias.
C’est ainsi qu’Adonias, en demandant la main d’Avichag, se posait en prétendant au trône royal, ce qui constituait la suprême injure au roi légitime. Voilà pourquoi « le roi Salomon envoya Benaïahou, fils de Yehoïada, qui se jeta sur lui et il mourut » (2, 25). Et Radaq fait observer à ce sujet que, bien que Benaïahou fût kohen et donc tenu de se garder de toute impureté au contact d’un mort, l’obéissance à un ordre du roi est passé avant toutes autres prescriptions de la Tora.