Les chérubins, explique le rabbin Elie MUNK (Voix de la Torah, Chemoth p.311), étaient au nombre de deux, car ils représentaient le dualisme qui est inhérent à toute la création. L’unité absolue n’existe qu’en Hachem. En faisant résider Sa majesté dans les deux chérubins, Il témoigne en quelque sorte que le dualisme, source de tant d’erreurs et d’aberrations, a été créé par Lui (Guide des égarés III, 45). Loin d’être l’indice d’une pluralité de divinités, il est l’une des conditions fondamentales de la nature. Les doubles tables de la Loi, qu’abrite l’arche sainte et qui sont issues de Ses mains, évoquent la même vérité.
L'établissement des chérubins sur le propitiatoire semble s'opposer à la défense « tu ne feras pas à côté de Moi des dieux d'argent, des dieux d'or... ni une image taillée ni une, représentation de ce qui est en haut dans les cieux ou en bas sur la terre. ». A cette question fréquemment soulevée, Rachi répond au nom du Midrach Me‘khilta, après avoir fait état de certaines restrictions concernant les chérubins et résultant des défenses ci-dessus : « Tu ne dois pas dire : Je vais fabriquer des chérubins dans les maisons de prières et dans les maisons d’études, tout comme j’en fabriquerai dans le Temple éternel. Aussi est-il écrit : Vous ne ferez pas pour vous » (ad Chemoth 20, 20). Juda Halévy et Abarbanel développent cette thèse en soulignant que les images ou représentations de ce qui « est dans les cieux » sont défendues pour autant qu'elles sont un objet d'adoration ou qu'elles conduisent à l'idolâtrie, mais elles ne sont pas interdites par elles-mêmes. Aussi « ne trouva-t-on rien d'étrange aux images taillées ordonnées par Hachem lui-même, à savoir les chérubins » (Khouzari 1, 97). Ainsi s'expliquent les tolérances accordées sous certaines conditions à la reproduction « de ce qui est en haut dans le ciel, ou en bas sur la terre» (Yoré dé‘a 141, 4),
De même que l’homme, enseigne le Zohar, est un produit de la terre, et devient un être vivant par le souffle divin que Hachem lui communique, ainsi la matière inerte peut également naître de la vie, grâce au souffle divin, et cela apparaît bien plus vraisemblable lorsqu'il s'agit des chérubins d'or qui étaient en contact permanent avec la colonne de nuée de l'esprit divin. Mais les Sages du Talmud précisent davantage : Selon que les enfants d’Israël, disent-ils, accomplissaient ou non la volonté divine, les visages des chérubins étaient tournés l'un vers l'autre ou vers l'intérieur de la Maison (Baba Bathra 99 a). Ces visages étaient « ceux d'un petit enfant» (Rachi). Ils représentaient la pureté des êtres innocents, dont le Psalmiste s'écrie (8, 2) : « Tu as répandu, Seigneur, ta majesté sur les cieux. Mais c'est par la bouche des enfants et des nourrissons que tu fondes Ta puissance (sur terre) ».
Les deux chérubins, ajoute encore le Zohar, étaient l'un de sexe masculin, l'autre de sexe féminin. Et lorsque l'harmonie régnait entre Israël et son Dieu, leur visage se tournait l'un vers l'autre et leurs ailes se touchaient. Mais lorsque la désunion apparaissait, les chérubins se détournaient l'un de l'autre. La division en principe masculin et féminin fournit le schéma de la création tout entière. S'ils s'unissent harmonieusement, selon leur destinée naturelle, si l'amour règne entre le Créateur et la créature, cette union constitue la force fructifiante et la source de bénédiction de toutes les activités humaines. Les chérubins étaient en quelque sorte les instruments de mesure extrêmement sensibles de l'union harmonieuse qui s'établit entre Hachem et les hommes, entre le ciel et la terre entre ces deux facteurs, dont le premier représente le principe masculin, fécondant et productif, source de l'énergie, et le second le principe féminin, passif et réceptif, agent de la forme.
Pour peu que cette intimité se trouvât en voie de réalisation, les chérubins se tournaient l'un vers l'autre en un geste d'amour et leurs ailes battaient comme pour chanter la gloire de Hachem. Sinon, leur visage détourné annonçait au monde qu’Il se détourne de lui.