Lorsqu’il a envoyé pour la deuxième fois ses fils en Egypte pour y acheter des vivres, Jacob leur dit : « Prenez dans vos bagages des produits du pays, et présentez-les à l’homme en offrande : un peu de baume et un peu de miel, des aromates et du lotus, des pistaches et des amandes » (Berèchith 43, 11).
Pourquoi une telle mesquinerie, caractérisée par ces… « un peu » ?
Pourquoi ne retrouvons-nous pas ici la générosité dont Jacob avait fait preuve dans les largesses dont il avait jadis comblé Esaü : deux cents chèvres, vingt boucs, deux cents brebis, vingt béliers, trente chamelles, quarante vaches, dix taureaux, vingt ânesses et dix ânes (Berèchith 32, 14 et suivants) ? Ne s’agissait-il pas, là-bas comme ici, de se gagner les bonnes grâces de quelqu’un qu’il fallait ménager à tout prix ?
Le commentaire de Sforno (ad loc.) nous permet de lever un coin du voile sous lequel est dissimulé ce verset :
« Si cet homme est vraiment comme vous l’avez décrit, déclara Jacob à ses fils, s’il vous a provoqués tout en étant dans la crainte de Dieu, prenez effectivement “dans vos bagages des produits du pays, et présentez-les à l’homme en offrande : un peu de baume…”.
Il est vrai qu’un cadeau que l’on offre à celui qui est impressionné par la richesse [comme Efron par la générosité d’Abraham (Berèchith 23, 1 et suivants), Laban par celle d’Eliézèr (Ibid. 24, 29), ou Esaü par celle de Jacob] doit obligatoirement être opulent et convenir à celui qui le reçoit. Mais lorsqu’on fait un don à quelqu’un qui possède déjà de grandes richesses et sur lequel l’argent a cessé de faire impression, [comme c’est le cas avec le vice-roi d’Egypte], il ne faut pas qu’il soit abondant en quantité. Il sied en revanche qu’il soit constitué par des objets de luxe dont on ne trouve que de petites quantités dans les palais royaux.
C’est ce que vous devrez faire avec ce haut dignitaire égyptien. Vous commencerez par “présenter à l’homme une offrande” (43, 11), avant même que d’être admis devant lui, afin que vous sachiez à l’avance s’il vous recevra avec faveur. Et c’est ensuite seulement que “vous retournerez vers l’homme” (43, 13).
Vous aurez ainsi, de toute façon, “apaisé sa face par l’offrande qui est allée de devant moi” (32, 21), ainsi qu’il est écrit : “le présent est une pierre précieuse aux yeux de celui qui le possède” (Proverbes 17, 8). »