Il n’est pas possible de répondre à cette question, même succinctement, dans le cadre de ce site. Je me contenterai de rapporter ci-après un extrait du commentaire du rabbin Elie MUNK dans sa Voix de la Thora (Vol. 2, p. 305) :
« Rachi s'applique en premier lieu à écarter de cette phrase tout soupçon d'anthropomorphisme : Qu'ils fassent un sanctuaire à l'intention de mon nom (en l'honneur de mon nom). Mais certains penseurs, dont Nahmanide, estiment que l'Eternel donna ordre aux enfants d'Israël d'ériger un sanctuaire sur lequel planerait la Chekhina, c'est-à-dire le reflet de sa majesté dans la colonne de nuée. Cette présence divine au milieu des enfants d'Israël représente leur suprême consécration en tant que “nation sainte”. L'Eternel, qui s’était manifesté publiquement et d'une façon spectaculaire au mont Sinaï, demeure auprès du peuple élu, mais sa majesté s'entoure dorénavant d'un voile qui la dérobe aux yeux du commun des mortels.
Le Livre de l'Exode, ajoute Nahmanide, est consacré au premier exil d'Israël et à la libération qui suivit. Mais celle-ci ne peut s'achever que par le retour à la patrie et au patrimoine des ancêtres. Cependant, les enfants d'Israël accédèrent au niveau des Patriarches dès la Révélation au mont Sinaï et la construction du tabernacle. Ils devinrent alors, comme eux, les supports de la Chekhina sur terre. L’exil était dès lors terminé, au sens moral et spirituel, bien avant le retour en Terre Promise C'est pourquoi le Livre de l'Exode se termine sur l'acte de l'érection du tabernacle (Introduction au livre de Chemoth).
Cependant, cette raison d'être du tabernacle ne nous explique pas la signification des prescriptions relatives à son aménagement intérieur et aux objets sacrés qu’il contient. Plusieurs conceptions ont été formulées à ce sujet. Maïmonide, fidèle à son système rationaliste, affirme que le tabernacle était destiné à éloigner les israélites du culte idolâtre et à les orienter vers Dieu. Son sanctuaire et ses rites font partie du plan général qui a pour but de limiter le culte des sacrifices, vestige de la religion païenne, en ne l'autorisant qu'à un lieu unique, le tabernacle, et, plus tard, le Temple de Jérusalem. Les objets sacrés contenus dans le tabernacle de même que sa structure interne sont expliqués dans la même perspective. L'objectif final est la formation spirituelle du peuple élu pour les grands idéaux proclamés dans la Révélation (Guide II, 45).
Certains autres exégètes s'accordent pour reconnaître au sanctuaire une valeur symbolique ayant pour but d'élever les hommes à un idéal précis de sainteté et de spiritualité. Toutes les parties du tabernacle et tous les détails du culte sacrificiel représentent des idées ou des principes spécifiques qui doivent s'enraciner dans l’âme des croyants. Telle est la méthode de S. R. Hirsch (comme celle de Keli Yaqar et de nombreux autres auteurs), signalée ci-dessus, Comm. v. 3.
Pour les auteurs cabbalistes, le sanctuaire représente une esquisse de l’univers (microcosme) qui nous révèle les plus profondes vérités sur la vie et sur le monde éternel. Par un acte de repli sur lui-même (tsimtsoum), effectué par amour pour son peuple élu, Dieu vient fixer sa résidence parmi lui pour lui prodiguer sa protection et sa bénédiction. C'est pourquoi le tabernacle reproduit dans sa structure, à une échelle infiniment réduite, la source universelle d'où émanent la vie et la bénédiction dans toutes les sphères de la création. »