La haftara que l’on récite les veilles de roch ‘hodèch (I Samuel 20, 18 à 42), communément appelée ma‘har ‘hodèch, est la seule qui ne s’applique pas au jour même où on la prononce, mais au lendemain dimanche.
Son unique lien avec l’imminence de cet événement résulte de son premier verset : « Jonathan dit [à David] : C’est demain la nouvelle lune (ma‘har ‘hodèch), et on s’apercevra que tu manques, car ton siège sera vide. »
La suite de ce chapitre n’a aucun rapport, et elle retrace le paroxysme de l’hostilité du roi Saül envers David.
Cette hostilité va prendre un tour plus dramatique encore lorsque Saül s’en prendra à son fils Jonathan, qu’il soupçonne – à juste titre d’ailleurs – d’avoir pris parti pour David :
« Saül se mit en colère contre Jonathan, et il lui dit : “Fils de [femme] perverse et rebelle (ben na‘avath hammardouth), ne sais-je pas que tu as choisi le fils de Jessé, à ta honte et à la honte de la nudité de ta mère ?” » (I Samuel 20, 30).
On peut comprendre cette colère du roi contre Jonathan, mais pourquoi s’en prend-il également, et dans des termes aussi grossiers, à la mère de celui-ci, qui n’est autre que sa propre femme ?
Il est vrai que Saül était atteint de neurasthénie et de dépression aiguës, et que ses accès de fureur s’inscrivaient plus dans une perte morbide de sang-froid que dans une conscience réfléchie.
Rachi nous propose cependant une autre explication : Un horrible épisode, appelé celui de « la concubine de Guiv’a », relaté tout à la fin du livre de Choftim, nous raconte comment les tribus d’Israël se sont liguées contre celle de Benjamin, et se sont livrées à de féroces massacres de sa population.
Une fois le calme revenu, les enfants d’Israël se sont trouvés devant un choix difficile : Il leur fallait d’une part préserver l’existence de la tribu de Benjamin au sein du peuple hébreu, et d’autre part respecter un engagement qu’ils avaient pris au début de la guerre : celui de ne jamais donner leurs filles comme épouses aux Benjaminites.
Divers moyens ont été mis en œuvre (Choftim 21, 14 et suivants) pour concilier ces deux impératifs. Mais il restait à la fin deux cents hommes célibataires à marier, alors que le « contingent » des femmes disponibles était épuisé.
Tous les ans avait lieu à Chilo, la ville où était installé le sanctuaire, une fête pendant laquelle les jeunes filles venaient danser dans les vignes. Les deux cents Benjaminites « en surnombre » furent invités à se dissimuler dans celles-ci et à y guetter les jeunes filles qui viendraient y danser. Puis chacun devait ravir sa femme parmi elles et retourner dans le territoire de sa tribu.
Parmi ces deux cents Benjaminites se trouvait Saül, le futur roi d’Israël. Mais il était atteint d’une timidité maladive, de sorte qu’il lui était impossible de prendre l’initiative d’un tel enlèvement d’une future épouse. C’est ainsi, explique Rachi, qu’une des jeunes filles s’est approchée de lui et lui a demandé sa main.
Il est cependant toujours resté à Saül un fond de rancune contre sa femme, en raison de l’initiative qu’elle avait prise, et c’est ce fond de rancune qui explique qu’il l’ait traitée, dans le texte de notre haftara, de « femme perverse et rebelle ».