Vraiment, Rav, je vais peut-être faire celui qui radote, mais un merci qui puisse secouer le ciel pour vous bénir.
Vous ne savez pas à quel point vous me soulagez.
Ici l'anonymat me permet de pouvoir parler sans faire de lachone hara. Vraiment de grandir dans un environnement avec une mère anti-judaïque, avec des fins de non-recevoir violents à mes questions, même m'humilier en société quand j'étais adolescent sur les chansons avec lesquelles je m'endormais -à mes neufs ans j'avais eu un radio-réveil et le soir uniquement je captais une fréquence avec des rythmes orientaux, une langue qui me réconfortait, parfois mélangée de sonorités allemandes, plus rarement de sonorités espagnoles comme parlait ma grand-mère, qu'ensuite j'appris être de l'hébreu- mais mère qui devant ma grand-mère faisait semblant de l'écouter. Et chez mes grands-parents, le non-recevoir était un silence pesant, mais lourd, avec comme seule solution pour moi de faire semblant de jouer dans une pièce à côté pour écouter. Comme cela que j'appris ce que la famille avait subit sous l'Inquisition, les méthodes de cette dernière, des moyens qu'il y avait pour faire semblant et d'autres choses qui ont été les bases de mes recherches.
Devant des personnes juives se dire juive, mais par derrière et devant d'autres, des mots assassins et encore, je suis gentil.
Pour vous donner une idée de jusqu'où ça va, depuis le décès de mon arrière-grand-mère il y a plus de quarante-cinq ans, sa tombe est sans nom. Dessus sont juste les patronymes de mes grands-parents, mais rien de plus. Mon arrière-grand-mère y est totalement invisible.
Pareil depuis le décès de mes grands-parents maternels, il y a vingt-et-un et quatorze ans, inhumés dans cette même tombe. A part les patronymes déjà écrits de leur vivant, aucun prénom, ni date, rien.
Il est impossible de savoir qui est inhumé là.
Les enfants de mes grands-parents ont été assimilés mais jusqu'à ce point, de préférer condamner à l'oubli plutôt que de dévoiler la judéité.
Il y a quand même une plaque nominative, au nom des trois, avec des inscriptions en hébreu pour ma grand-mère et mon arrière-grand-mère.
Mais déboulonnée de son socle ou ses pieds et chez ma mère avec le refus de sa part d'aller la poser sur la tombe. Sous des raisons, mais à se taper la tête contre les murs. Raisons tout aussi non valables pour expliquer pourquoi depuis plus de quatre décennies mon arrière-grand-mère a été oubliée.
Ils ont voulus enterrer la judéité, mais vraiment littéralement.
Alors, quand je me rappelle ce que racontait ma grand-mère à ma mère, pour la sensibiliser, ce qu'ont endurés nos ancêtres pour transmettre la judéité et la Torah, même si c'était en se cachant et se camouflant, mais c'est du mérite.
Même pour ma grand-mère, sans même s'arrêter sur ce qu'elle a fait dans la résistance, quand en 41 une cellule s'occupait de cacher des enfants, c'est elle qui les amenait un à un à bicyclette de nuit pour les protéger des rafles.
Mais c'est du mérite. Au début je ne comprenais pas ce que cela voulait dire et prenait ça comme une histoire racontée à table, mais si répétée, mais je n'avais pas conscience de ce que cela voulait dire.
Et quand est ouvert le livre des morts, qu'en est-il de leur mérite qui dépend de celui de leurs enfants ? Il s'effondre, il est salit.
Alors, Rav, de savoir que quel que soit le résultat de mes recherches pour prouver la judéité de ma grand-mère est finalement une façon de confirmer ça, même si ici c'est une démarche individuelle qui n'impliquera que moi, vous ne savez pas à quel point vous me soulagez de m'apprendre que cela ne brisera rien de la chaîne de transmission de mes ancêtres.
C'est un soulagement, mais je n'ai pas de mots pour le décrire.
Sam94700, merci également à vous.
Si j'avais ce soulagement pour la mémoire de mes ancêtres, je percevais ça un peu comme une honte, un peu comme devoir faire comme un juif de seconde zone si je puis dire.
Mais c'est vrai que là je comprends mieux. Il est clair que n'ayant pas de documents comme en plus en ayant baigné dans un tel environnement, je comprend qu'un retour puisse demander la "garantie" de toutes les compréhensions des choses et que cela ne soit pas fait comme une manière administrative.
Je vais quand même continuer de chercher des preuves, cela fait onze ans que je tente, avec nombre de barrières, mais pourquoi pas. Disons que si j'y arrive, cela reconnaîtra automatiquement toute la lignée et si je mets ma mère face au factuel et ses contradictions, peut-être pourrais-je réussir à lui faire faire Téchouva.
Avec ce qu'elle a fait et fait, je ne pense pas qu'elle le mérite, mais à chaque fois, je ne sais pas pourquoi, je me dis que peut-être pourrais-je y arriver.
Mais en tout cas, je sais que j'ai gagné, je vais faire au mieux et au pire me restera le Guiyour Le'houmra. Mais je veux vraiment tenter jusqu'à la dernière cartouche. Si je n'y arrive pas est qu'Hachem n'aura pas voulu.
Bien qu'ensuite pour un Guiyour Le'houmra, ça sera encore une autre paire de manches. Ça me demandera de sacrées économies. Je réside en Océanie, sans donner trop de détails, et nous n'avons pas de Rav. Donc, même pour la Mila que je n'ai pas -forcément avec une mère anti-judaïque- pas de Rav, donc pas de Mohel, donc fonds nécessaires pour devoir prendre l'avion. Pareil pour toute la procédure de Guiyour Le'houmra, je pense qui devrait se passer en métropole auprès du Consistoire. Plus à devoir compenser les pertes financières de durant mon absence.
Enfin bref. Ça sera possible, juste des économies à faire, plusieurs mois de salaires, rien d'incontournable, juste du temps à échanger, mais c'est possible.
En tout cas, j'ai vraiment le cœur léger maintenant. Toda raba à tous les deux !!!