Contrairement à une idée souvent reçue, l’expression Chabbath ha-gadol ne signifie pas : « Grand Chabbath », mais : « Chabbath “du grand” ». Pour qu’on le traduise par « grand Chabbath » ou « le grand Chabbath », l’application des règles de la grammaire hébraïque aurait exigé que l’on dise, respectivement : Chabbath gadol ou ha-Chabbath ha-gadol. On dira par conséquent que la grandeur de ce Chabbath ne s’attache pas à ce jour-là lui-même, mais à quelque chose de « grand » qui lui est associé.
Beaucoup d’explications ont été avancées pour faire connaître la raison de cette appellation. Nous en citerons ici quelques-unes :
La première de ces explications, plus amusante que réfléchie, consiste à associer l’office du matin de ce Chabbath-là à la deracha, qui peut se prolonger au-delà de sa durée habituelle, prononcée par le rabbin de la communauté au cours de laquelle il expose et commente les dinim applicables à la fête de Pessa‘h.
On dira cependant, plus sérieusement, que ce Chabbath reste associé à un « grand » événement, passé ou futur.
Le grand événement futur est celui qu’annonce la haftara que l’on récite le dernier Chabbath avant Pessa‘h : Cette haftara a été empruntée au troisième et dernier chapitre du prophète Malachie qui parle de l’ultime délivrance, du verset 4 au verset 24.
Or, le verset 23 de ce chapitre est ainsi conçu : « Voici Je vous envoie Elie, le prophète, avant que vienne le jour de Hachem, le grand (ha-gadol) et le redoutable. » En ce jour-là, expliquent les commentateurs, aura lieu notre libération définitive, et l’on sait que, selon certaines opinions, c’est au mois de nissan, mois de Pessa‘h, que cette libération aura lieu.
Un autre élément de grandeur associé à ce Chabbath est lié aux événements qui ont précédé la sortie d’Egypte. Cette « grandeur » tient à des miracles dont ont bénéficié alors nos ancêtres.
Notamment, alors que, obéissant à l’ordre de Hachem, ils avaient entraîné dans leurs maisons ce Chabbath-là, 10 nissan, l’agneau qui allait, quelques jours plus tard, être offert en sacrifice pascal, les Egyptiens, qui tenaient pourtant cet animal pour l’un de leurs dieux, n’ont pas réagi à ce qui était pour eux un sacrilège.
On rappellera également un autre miracle survenu le même jour : une révolte des premiers-nés égyptiens. Pressentant le massacre dont ils allaient faire les frais quelques jours plus tard, ils se sont rebellés, nous apprend le Midrach, contre l’autorité royale, et la guerre civile qui a alors éclaté a fait de nombreuses victimes.
L’important est toutefois que ce n’est pas cette guerre civile qui a sauvé les enfants d’Israël, mais la main de Hachem Lui-même, bi-khevodo ouve-‘atsmo, comme si notre histoire se chargeait ici de nous rappeler que ce ne sont pas les événements humains qui font les « grands » miracles, mais l’intervention divine et elle seule.