Pourim, ou « le double sort » par le Rav Dov Lumbroso-Roth
Pourquoi ce nom de Pourim ? Selon la Guemara, c’est parce qu’il est écrit (Esther 3, 7) : « On tira le pour, c’est-à-dire le “sort”, devant Haman », qui fixa ainsi la date d’extermination des Juifs. Pourim est donc issu de pour.
Mais pourquoi rappeler ce détail insignifiant en comparaison des miracles qui se sont alors produits ? Et pour faire référence à ce tirage au sort de Haman, la fête aurait dû s’appeler Pour, au singulier, et non Pourim !
Dans la Tora, d’autres circonstances imposaient un tirage au sort. Ainsi, le jour de Kippour, pour savoir lequel des deux boucs préalablement choisis serait envoyé à ‘Azazel puis jeté du haut d’une montagne afin d’expier les péchés des enfants d’Israël, et lequel serait offert en sacrifice (Wayiqra 16, 8-10).
Josué a également tiré au sort pour partager Erets Yisrael entre les tribus, se fiant pleinement à Hachem pour obtenir ainsi la meilleure répartition possible.
En tirant au sort, nous nous en remettons entièrement à Lui, convaincus qu’Il révélera la Vérité.
Mais Haman n’a évidemment pas employé ce procédé pour savoir ce que Hachem déciderait. Il a agi ainsi, persuadé que tout est dicté par le hasard. Il a laissé faire la Nature en espérant avoir de la « chance ». Telle fut son attitude tout au long de sa vie : Il considérait exclusivement le « sort », les effets naturels. En même temps, il se croyait tout-puissant, convaincu que la chance lui sourirait.
A l’instant où il allait réclamer la permission de pendre Mardochée à Assuérus, ce dernier, en proie à l’insomnie, a demandé qu’on lui lise « les annales », et a ainsi appris que ce même Mardochée, qui lui avait sauvé la vie, n’en avait pas été récompensé. Au lieu de pouvoir l’éliminer, Haman s’est ainsi retrouvé contraint de l’honorer en le promenant dans la ville tout en le magnifiant. Mais il ne s’est pas remis en question pour autant. Il a mis cela sur le compte de la « malchance », et n’a jamais pensé à une intervention divine.
Au fil de la Meguila, nous observons que les événements qui auraient dû causer notre perte ont constitué les clés de notre délivrance.
En effet, si les Juifs ont été menacés d’anéantissement, c’était pour avoir participé au festin d’Assuérus. Haman est ainsi devenu Premier ministre, ayant conseillé au roi d’éliminer sa femme Vachti après qu’elle lui eut désobéi. Immédiatement ensuite, Haman décida de tuer les Juifs.
Mais même à ce stade, Hachem nous a redonné l’espoir, et ce festin à l’origine de nos malheurs a aussi amorcé le processus de notre délivrance : Une fois Vachti supprimée, il fallut élire une nouvelle reine. Esther fut choisie, par laquelle est venu notre salut. Autrement dit, de la plus grave dégradation – de ce banquet – a germé la délivrance. Et précisément là où Haman était sûr de vaincre, il a été vaincu. Il a été pendu, et les Juifs ont été sauvés !
Pourim au pluriel, donc, car marqué par deux tirages au sort : celui que Haman a voulu nous imposer, et celui qui s’est réellement produit en notre faveur. Tout dépendait de notre conduite. Par notre techouva exemplaire, nous avons réussi à inverser le courant de l’histoire : wenahafokh hou, « ce fut le contraire » (Esther 9, 1).
Tout peut nous arriver – une chose ou son contraire… Tout dépend de nous, de la manière dont nous appréhendons chaque événement, et de nos actions. Quand nous comprendrons que même ce qui paraît dicté par la nature est issu d’une décision divine, nous pourrons être sauvés. Et tout ce qui nous arrive se transformera alors en une véritable rédemption.