Citation:
Tout le monde sait qu'il n'y a pas de traité de Michna se rapportant à 'Hanouka. Quelques références à 'Hanouka dans la Mishna et des Braïtot dans Massekhet Chabbat.
Vous êtes bien renseigné.
De mémoire, le
Maharats ‘Hayes (je ne me souviens plus où et ne prends pas le temps de le rechercher) écrit quant à lui qu’il n’y a qu’une seule mention de ‘hanouka dans la Mishna, mais vous avez raison, il y en a plusieurs, 7 ou 8:
Meguila (III, 4) (III, 6) (et dans la Tossefta Meguila III)
Taanit (II, 10)
Bikourim (I, 6)
Moed Katan (III, 9)
Rosh Hashana (I, 3)
Baba Kama (VI, 6)
Et les ‘Hashmonaïm sont aussi mentionnés
(sans mention du terme ‘Hanouka) dans
Midot (I, 6)
C’est très étrange d’oublier autant de textes.
Je pense que ce qu’il voulait dire c’est qu’il n’y a dans la Mishna qu’une seule mention du
NER ‘Hanouka (c’est dans
Baba Kama VI, 6)
Citation:
J'ai lu que Rabbi Yehouda Hanassi en voulait aux 'Hashmonaïm (ils étaient "cohen") pour avoir cumulé la prêtrise et la royauté, lui-même étant un descendant de la tribu de Yehouda donc de la tribu Royale.
Est-ce une raison valable pour ne pas avoir de traité de Michna dédié à 'Hanouka ? Y a t il d'autres raisons avancées pour expliquer l'absence d'un tel traité ?
Ce que vous avez lu se trouve dans le
Taamei Haminhaguim (§847) au nom du
‘Hatam Sofer, tout le monde lui tombe dessus en l’accusant d’avoir inventé un commentaire du ‘Hatam Sofer inexistant.
Mais il est innocent, c’est le petit-fils du ‘Hatam Sofer (
rabbi Shlomo Sofer) qui rapporte cela au nom de son grand-père dans le
‘Hout Hameshoulash (éd. Tel Aviv 1963, p.145).
Néanmoins, je ne crois pas que le
‘Hatam Sofer ait dit pareille chose au sujet de
Rabbi Yehouda Hanassi, ce n’est pas le style de la maison, ça fait un peu mesquin de se « venger » ainsi.
Un élève du ‘Hatam Sofer, le
Rav Yehoshoua Aharon Tsvi Weinberger (Shout Mahariats §78), s’insurge contre ce propos prêté au ‘Hatam Sofer qui, selon lui, confine au ‘Hiloul Hashem.
Il en propose donc une autre interprétation : le
‘Hatam Sofer aurait dit, au contraire, que
Rabbi, agissant Leshem Shamayim, n’aurait pas mentionné la victoire de ‘Hanouka dans la Mishna car les ‘Hashmonaïm n’en ont pas fait bon usage puisqu’ils ont usurpé la royauté suite à cela.
Ce n’est pas très clair, il semble qu’il veuille dire que le
‘Hatam Sofer ait dit que
Rabbi aurait choisi de ne pas mentionner le Ness ‘Hanouka pour ne pas rappeler la faute des ‘Hashmonaïm
(par souci du bien-être de leur Neshama).
D’autres comprennent qu’il veut dire que
Rabbi qui écrivait la Mishna BeRoua’h hakodesh, aurait été guidé par cette aide divine dans cet oubli.
Mais je ne vois pas ça dans les mots du
rav Weinberger.
Cette idée du Roua’h Hakodesh se trouve dans le
‘Hout Hameshoulash lui-même, mais pas chez
Rav Weinberger.
Par contre, le
Rav Weltz (Shout Divrei Israel II, §113) justifiera le
‘Hout Hameshoulash dont le Rav Weinberger se scandalise, en expliquant que ce dernier n’a pas dû voir les mots dudit
‘Hout Hameshoulash, en effet, une lecture plus consciencieuse de ce passage parlant du Roua’h hakodesh et de l’omission involontaire du Ness dans la mishna, permet de comprendre que l’idée n’est pas si scandaleuse ni sacrilège.
Il s’agirait de dire que
Rabbi aurait omis le Ness ‘Hanouka sans volonté de nuire aux ‘Hashmonaïm, mais par la dictée du Roua’h hakodesh refusant d’honorer des usurpateurs de royauté.
Je ne suis pas très satisfait de cette lecture non plus, on peut ne pas mentionner le Ness mais mentionner les lois, les Halakhot de ‘hanouka sont tout de même des Halakhot, alors pourquoi ne pas leur réserver un traité ?
La Mishna Meguila ne vient pas dans le but de glorifier Mordekhaï ou Esther, mais d’indiquer les lois, on pourrait attendre la même chose pour ‘Hanouka.
D’autant que l’aspect « issour » de la démarche des ‘Hashmonaïm n’est pas si évident ; halakhiquement on peut tolérer de « passer le sceptre » momentanément -si besoin- à un individu d’une autre tribu que celle de Yehouda
(cf.
Rambam hil. Melakhim I, 9 ainsi qu’au
début des Hilkhot ‘Hanouka où le Rambam nous raconte, sans s’en émouvoir, que les ‘Hashmonaïm ont placé un roi cohen.
C’est aussi ce qui ressort du
Maguid Meisharim du Beit Yossef -parshat Mikets, Mahad. Batra, daf 20d qui expique qu’en raison de la Touma des grecs, il fallait que la Malkhout passe aux Cohanim à cette période -contrairement à la position du
Ramban Bereshit IL, 10 pour qui c’était une faute de la part des 'Hashmonaïm -je ne sais pas pourquoi, seule la position du
Ramban est connue et répétée par tous, comme si c'était unanime).
Voir
Shout Hitorerout Tshouva (II, §133) qui explique que les ‘Hashmonaïm savaient que leur prise de pouvoir ne durerait pas et que le Temple serait bientôt détruit…
Et voir surtout le
Shout Tsits Eliezer (XIX, §26) qui établit, en se basant sur un autre enseignement du
‘Hatam Sofer (Drashot HS. Droush ‘hanouka 5596, p.138), que les ‘Hashmonaïm n’auraient en fait absolument pas fauté en s’emparant de la royauté.
Dès lors, il devient difficile d’attribuer notre explication (sur l’absence de massekhet ‘Hanouka) au
‘Hatam Sofer puisque -selon lui-même, ils n’ont pas péché.
Enfin, pour aggraver encore un peu plus les choses, nous trouvons dans les écrits du
‘Hatam Sofer une autre explication à l’absence de Massekhet ‘Hanouka, je m’apprête à la mentionner par la suite.
Certains expliquent le manque de traité sur ‘Hanouka en soulignant l’aspect chéri (‘Haviv) de ‘cette fête (cf.
Rambam hil. Meguila IV, 12), tous les juifs connaissaient donc ses Halakhot et il n’a pas été nécessaire d’en faire un traité.
Je trouve cela très peu convaincant.
On peut apprécier une fête et la chérir sans pour autant en connaitre parfaitement les halakhot
(il suffit de regarder autour de nous, qui aime ‘hanouka et qui en connait parfaitement les Halakhot ?).
D’autant que la rédaction de la Mishna visait à pallier à la crainte d’oubli, et qui pouvait garantir que les juifs allaient toujours autant apprécier cette fête au point d’en apprendre toutes les lois parfaitement ?
L’idée plus précise, inspirée du
Piroush Hamishnayot du Rambam (Mena’hot IV, 1) qui en parle au sujet des Tsitsit/Tfilines/Mezouza, serait de dire que la Mishna ne mentionne pas les Halakhot « basiques » des Mitsvot connues de tous, tout le monde allumait les Nerot ‘Hanouka et il n’était pas nécessaire de le leur recommander par le biais d’une Mishna.
Voir aussi le
Maharats ‘Hayes sur Souka (2a, la deuxième note).
Le
‘Hatam Sofer (Guitin 78a) va un peu dans ce sens
(pour expliquer l’absence de Massekhet ‘hanouka -ce qui n’était pas la démarche du Rambam ni du Maharats ‘Hayes cités), mais ça reste peu convaincant.
Nous n’attendions pas de cette Massekhet ‘Hanouka qu’elle nous enseigne ce que tous savent, mais qu’elle fasse ce que la Massekhet Souka (ou Psa’him) fait.
Dans Souka on ne nous dit pas qu’il faut manger dans la souka pendant soukot, on parle de la Kashrout d’une souka, sa hauteur, son espace minimal, etc. (Idem pour Psa’him où l’on ne se contente pas de nous annoncer qu’il est nécessaire de manger de la galette à Pâques).
Quant à la Mitsva des Tsitsit/Tfilines/Mezouza (dont le
Rambam parle), il est vrai qu’il n’y a pas de Mishna dessus, mais il y a au moins une Massekhet de Brayta sur ces sujets, ce qui n’est pas le cas de ‘Hanouka. (voir encore ce que je vais écrire plus bas)
D’aucuns prétendent qu’il y aurait eu, parmi les Mishnayot, une Massekhet ‘Hanouka mais qui se serait égarée.
Je pense que ça leur fait un point commun avec ladite Massekhet : ils s’égarent eux aussi.
Nous avons des traités de Gmara qui se sont égarés
(dans le Shas Yeroushalmi au moins -selon toute vraisemblance, car les Rishonim les citent), mais les traités de Mishna sont tous saufs et réputés complets, au nombre de 63.
Il y a bien un responsum étonnant dans le Responsa guéonique
"Tshouvat Hagueonim Shaarei Tshouva" (§143) où est mentionnée par le Gaon la rencontre d’un vieux sage de passage qui possédait un SEDER de Mishna supplémentaire !
Le Gaon a voulu le copier mais le vieux sage était pressé et devait partir…
ça laisse rêveur, mais à partir de la Gmara elle-même
(donc AVANT l’époque du Gaon en question), nous voyons qu’il n’y avait que SIX Sdarim et pas plus (cf.
Shabbat daf 31a).
Il devait donc s’agir d’une sorte de « mishna personnelle », ce qui reviendrait à un ouvrage rédigé tardivement par ledit sage, certes intéressant, mais pas à considérer comme une Mishna.
S’il fallait imaginer une Massekhet perdue, il faudrait plutôt la voir parmi les massekhtot de
Braytot, comme nous avons Massekhet Tfilin, Massekhet Tsitsit, Massekhet Sefer Torah, Massekhet Mezouza, Massekhet Avadim, Massekhet Guérim, Massekhet Koutim, Massekhet Kala, Massekhet Derekh Erets... il y aurait aussi eu Massekhet ‘hanouka et elle se serait égarée, ça c’est possible.
Ceci pourrait donc compléter la réponse précédente (
‘Hatam Sofer).
Une source à cette idée
(qu’il existait une massekhet de Brayta sur ‘Hanouka) serait à retrouver dans les écrits de
Rabbi Avraham Kremer au nom de son père, le
Gaon de Vilna, qui lui aurait dit qu’il y avait eu une Massekhet Ktana (de Braytot) sur ‘Hanouka. (Cf.
Hakdama de son Rav Pealim daf 8a. et
Yeshouroun IV, p.238)
Il y a aussi ceux
[R.R. Margulies dans Yessod Hamishna (§2, p.22), Rav Preil dans Iglei Tal (tome 1, Varsovie 1898 תרנ"ט §3) et Rav Waldenberg dans Tsits Eliezer (XIX, §26)] qui disent que Rabbi n’a pas osé réserver un traité sur ‘Hanouka par crainte des autorités romaines qui y verraient un relent de nationalisme et un encouragement à la révolte par ce rappel de la victoire militaire juive sur les grecs.
Ça ne tient pas vraiment la route, à ce compte il y aurait aussi à craindre pour Massekhet Meguila sur Pourim.
Il est vrai qu’à Pourim il ne s’agit pas d’une victoire « militaire », elle était ordonnée par les autorités (A’hashverosh), pas contre elles.
Voir à ce sujet
Tosfot Shabbat (45a sv. Mekamei) qui suppose qu’il y ait eu un décret interdisant le Ner ‘Hanouka spécifiquement, alors que celui du Shabbat aurait été autorisé, c’est probablement parce que le ner ‘Hanouka symbolise la révolte nationaliste.
Cette explication pourrait donc nous satisfaire plus ou moins.
Mais surtout, ce qui est embêtant dans cette réponse -et les précédentes, c’est que ce n’est pas
Rabbi ni à son époque que l’on a décidé des traités, les Massekhtot étaient déjà définies bien avant
Rabbi (j’en ai parlé dans un Shiour donné à l’occasion d’un Siyoum Hashas il y a un an dans le XIXème -Henri Murger, chez Rav Simhi).
Le traité ‘Hanouka aurait donc pu être défini bien avant
Rabbi et avant l’époque romaine en Israël.
Donc tout ceci ne marche pas.
D’autres soulignent que plusieurs lois de ‘Hanouka sont regroupées dans la
Meguilat Taanit (c’est une Massekhet de Brayta qui parle de quelques fêtes, pour la plupart abandonnées de nos jours). Il n’était donc pas nécessaire d’en faire un traité à part (cf.
‘Hida Dvarim A’hadim Droush 32, sv. Veani, p.596, au nom de
Rabbi Yossef Bensemoun et
Hapeless 1901, p.184).
Là aussi il y aurait à redire.
Surtout que c’est essentiellement les grands traits qui y sont mentionnés
(les faits, l’allumage des ‘Hashmonaïm, la fixation de la fête et qu’on y dit le Hallel), pas les subtilités halakhiques et qu’en tout, il ne s’agit que de quelques lignes.
Enfin, je vous propose cette réponse/explication que vous trouverez dans le Iyounim Bedivrei ‘Hazal de Rav Ehrentreu (p.117):
Comme dit plus haut, il y avait déjà des Mishnayot bien avant
Rabbi et les traités étaient donc déjà définis, l’essentiel date déjà des
Anshei Knesset Hagdola (tout début du second Temple), comme le prouve le
Dorot Harishonim, même s’il y a eu de larges ajouts et compléments par tous les Tanaïm que nous connaissons.
Pourim a eu droit à son traité
(plus d’un demi millénaire avant l’époque de Rabbi) mais ‘Hanouka est tout simplement arrivé trop tard.
On ne « créait » plus de nouveaux traités, mais il y a tout de même eu des discussions entre Tanaïm (et plus tard Amoraïm) au sujet des lois de cette fête, comme la fameuse et connue entre Beit Shamay et Beit Hillel sur la manière d’allumer (ordre croissant ou décroissant et dans quel sens).
Ces discussions sont consignées dans des Braytot et Meimrot, mais elles ne sont pas regroupées en un traité dédié à ‘Hanouka.
J'ai été long, je ne me relis pas, sorry pour les fautes.