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J'ai appris que les étudiants en Yéchiva qui se marient par la suite et qui vont étudier au Kollel à temps plein, sans travailler, sans faire des études profanes, sans que leurs parents ne les aident, se débrouillent Min Hachamayim, que leur Parnassa leur vienne sans aucun problème, que D.ieu pourvoie à tous leurs besions sans qu'ils n'aient à se fatiguer (du moment qu'ils étudient à temps plein au Kollel).
Et si à l'époque de la Gmara, les gens ainsi que les 'Hakhamim (Tanaïm, Amoraïm) travaillaient, c'est parce qu'à leurs époques il fallait payer pour étudier la Torah, que les femmes ne travaillaient pas... alors qu'aujourd'hui les femmes travaillent et on est payé quand on étudie. Bref, à l'époque de la Gmara, les gens (= les hommes) n'avaient pas le choix que de travailler, alors qu'aujourd'hui, ils n'en ont plus besoin.
Honnêtement, je pense que ces deux affirmations se contredisent : si d'un côté on dit que les hommes de l'époque de la Gmara n'avaient pas le choix que de travailler, pourquoi affirmer au nom des Maîtres de la Torah que celui qui s'adonne entièrement à la Torah, D.ieu lui assurera tous ses besoins ?
Et donc, ma question est : est-ce que ces affirmations sont vraies ?
Comme vous l’avez remarqué, les deux idées se contredisent, car si l’on suppose que celui qui s’adonne à l’étude à plein temps sera miraculeusement pourvu d’une Parnassa suffisante, cela devrait être applicable même si les femmes ne travaillaient pas et que l’étude est payante.
Cela devrait suffire à vous prouver que votre source vous raconte des niaiseries auxquelles il a bien voulu prêter crédit par sa grande naïveté -parfois arrosée de mauvaises Midot.
D’abord, l’étude n’était plus payante à l’époque des Amoraïm et ces derniers travaillaient eux aussi, ensuite les femmes ont toujours travaillé, seulement elles ne gagnaient pas beaucoup car leurs professions étaient de celles qu’une mère de famille pouvait assurer, comme vendre des poteries ou des broderies de chez elle.
Mais s’il ne s’agit que de donner un support à la Brakha Min hashamayim, que la femme gagne beaucoup ou peu, ça ne change rien.
De plus, si l’on veut distinguer ces époques en pointant la capacité des femmes du XXIème siècle à gagner une excellente Parnassa (alors qu’à l’époque des Sages elles ne gagnaient que peu), cela restera hors sujet nous concernant, car les couples où les femmes ont une excellente Parnassa et gagnent très bien leurs vies ne sont pas notre sujet, dans ce cas, rien n’indique une Brakha céleste et miraculeuse.
Bref, on vous a arnaqué.
Car tout ceci revient à dire qu’il n’y a pas de différence à considérer entre les époques, et si le Kollelman est miraculeusement nourri par le Ciel en récompense de son dévouement pour l’étude, il devait en être de même à l’époque des Sages.
Et si c’est vrai, cela veut dire que nos Sages ne le savaient pas -ou pire, qu’ils n’étaient pas assez dévoués dans leur étude et ne méritaient pas ce que l’Avrekh moyen de nos jours mérite.
Entre nous, même lui, ça le ferait rire (l’Avrekh moyen).
Dire qu’un Avrekh n’a pas besoin de se soucier de la Parnassa constitue de la Kfira, car les Sages nous enseignent l’inverse.
Et quelle insulte envers tous ces Tsadikim qui ont essayé d’étudier autant que faire se peut en réservant le moins de temps possible à la Parnassa !
Je ne dis pas qu’il n’est pas possible que D.ieu envoie une Parnassa extraordinaire à un juif qui se consacre réellement au Limoud de manière Lishma, je dis seulement que ce n’est pas systématique ni garanti et que ceux qui prétendent le contraire sont des menteurs.
S’il fallait une preuve tragique de l’aspect mensonger de cette information, j’avancerais la mésaventure du Gaon
Rav Hersh Pessa’h Frank, qui étudiait toute la journée (=de 7h à 1h du matin non-stop, hormis les Tfilot et WC. Et pour manger, il ne s’arrêtait pas d’étudier en mangeant son sandwich -informations que m’a confiées son petit-fils) et dont la Parnassa était pitoyable.
Il a dû croire qu’il bénéficierait d’un miracle en insistant de toutes ses forces, et cela a malheureusement entraîné la mort (de malnutrition) d’un de ses enfants !
Depuis il a compris qu’il était sur une fausse route, et c’est la mort dans l’âme (et c’est le cas de le dire) qu’il a accepté de travailler en tant que Dayan de Jérusalem.
Nous voyons bien que ces idées sont fausses.
Ce qui est vrai, c’est qu’un Avrekh peut beaucoup plus facilement qu’avant s’adonner à plein temps à l’étude, puisque le kollel lui donne une bourse (ce qui n’était pas le cas avant) et à plus forte raison si sa femme occupe un bon poste.
Mais l’Avrekh doit savoir qu’il n’y a pas de « miracles » comme certains le racontent.
S’il y a des miracles, ce sont les miracles de la vie de tous les jours comme l’écrit le
Ramban en fin de Parshat Bo, c-à-d que, Min Hashamayim, de bonnes opportunités se présenteront à lui, ou que -s'il étudie Lishma et de toutes ses forces- Hashem mettra carrément en tête d’un autre juif de vouloir sponsoriser cet Avrekh, ce qui est un véritable miracle, mais n’est pas un Ness dans le sens de ce que les gens qui vous ont raconté tout ça le prétendent.
Je les connais, j’ai aussi eu droit à ce discours hypocrite il y a une trentaine d’années. Je me souviens d’Avrekhim qui m’expliquaient en détails à quel point c’était incroyablement miraculeux, qu’ils touchaient en tout et pour tout une somme x, et que l’addition de leur loyer, de leur cotisation mensuelle à la « koupat ‘Holim » (assurance santé) et des factures d’électricité/eau/gaz, donnaient déjà 2x, sans qu’ils n’aient encore acheté le moindre bout de pain !
Je leur demandais : « mais alors concrètement, comment ça marche ? »
Réponses invariables :
« Ness Min Hashomayim ! », « c’est incroyable, mais je le vis chaque mois ! », « c’est incompréhensible ! ‘Hasdei Hashem ! »…
Je ne m’en suis pas contenté, j’ai mené mon enquête et ai découvert que tel Avrekh scandant le miracle «
Ness Min Hashomayim ! » et incapable de trouver une explication à sa subsistance, avait des (beaux-)parents fortunés qui le soutenaient financièrement, tel autre avrekh avait une grand-mère riche qui possédait des immeubles et vendait de ses possessions à l’occasion du mariage de chacun de ses petits-enfants pour lui offrir un appartement (il avait donc au moins un appartement et n’avait pas de loyer à payer, peut-être encore d’autres facilités…).
Bref, ils mentaient tous (au moins par omission), car ils ne voulaient pas dévoiler leurs ressources et de plus, il leur semblait gratifiant d’être les bénéficiaires de l’aide divine directe.
En tout cas, concernant le sujet qui nous occupe, ils ont tous menti.
Ils savaient comment expliquer leurs fins de mois « miraculeuses », mais baratinaient autour d’eux en chantant la gloire du Seigneur qui exécute mensuellement et discrètement des virements Paypal directement sur les comptes bancaires des vaillants et crédules avrekhim.
Alma Deshikra…
c'est bien d'encourager au Limoud, mais pas par le mensonge. Il faut dire la vérité et se soucier de ne pas entrainer des dommages à autrui.
J'en ai connus qui ont eu la naïveté de croire sur parole ces baratineurs aux grands-mères riches, et se sont engagés dans une voie vouée à l'échec par manque de préparation matérielle et psychologique.
Nous pouvons parler de Lifnei Iver Lo Titen Mikhshol.
En réalité, ce sont de mauvaises Midot qui participent à cette fourberie, celui qui est honnête et bon, se soucie du bien être des autres (qui pourraient le croire et s’engager dans un chemin condamné d'avance) avant de se soucier de chanter les louanges du Créateur en Lui attribuant une intervention qui n’a jamais eu lieu.
Dans les faits, en fonction de la bourse du kollel, du prix de la vie là où l’on habite, des revenus de l’épouse, et de l’aide des parents ou beaux-parents, un Avrekh peut parfaitement tenir plusieurs années sans avoir à consacrer son temps à la Parnassa.
A l’opposé de ceux qui vous ont raconté ces balivernes, hélas, certains affirment qu’il est interdit d’être Avrekh, puisque les Sages mettent en garde contre une Torah qui ne serait pas accompagnée d’un travail.
Toutefois, l’obligation d’avoir un travail est en fait une obligation d’avoir un gagne-pain (et on trouve plusieurs Sages du Talmud qui ne travaillaient pas, justement parce qu’ils étaient de riches rentiers et n’en avaient pas besoin), donc de nos jours où le kollel alloue une bourse, il est autorisé d’être Avrekh.
Et à plus forte raison s’il y a d’autres ressources comme le travail de l’épouse etc.
Cependant, il demeure interdit de mentir en disant que l’Avrekh aura une Parnassa abondante et miraculeuse.
Il pourra avoir une Parnassa, mais elle empruntera des voies terrestres et habituelles et si sa femme ne travaille pas, que le kollel ne paie pas et que le loyer est élevé, il ne faut pas se leurrer, il va y avoir des problèmes au bout d’un moment.
Quand un élève de Ponovez apportait à
Rav David Powarsky le carton d'invitation pour son mariage, ce dernier lui demandait ce qu'il allait faire après s'être marié, et si la réponse était "étudier au kollel", il lui demandait comment il s'était organisé pour la Parnassa.
La sagesse consiste à comprendre que l’on n’a pas besoin de vivre dans l’opulence et qu’en se contentant de peu, on pourra, durant quelques années du moins, étudier plein de Torah au Kollel.