Citation:
Il est mentionné dans Baba Batra 91A que la mère d’Avraham Avinou s’appelait Amtalay Bat Carnevo.
Le prénom Amtalay pour une fille qui doit naître bientôt b"H serait-il porteur d’un bon mazal ?
Je me pose la question car il est mentionné, juste après, que la mère d’Amman Haracha s’appelait également de ce prénom.
Tout d’abord, je ne suis pas sûr que la ponctuation de אמתלאי donne Amtalay comme le lisent les Sfaradim.
Dans le monde lituanien ce nom se lit « Amasloé » c-à-d en prononciation sfarade : Amatlaï ou Amatlaé.
[cf.
Wörterbuch de Dr Jacob Levy, «
Otsar Leshon Hatalmoudim Vehamidrashim »
(tome I, Leipzig 1876, p.104), et
(tome II, p.410) qui retranscrit Amathlai. Et
Aroukh Hashelem (I, p.131) qui ponctue Amatlaé.]
Il y a la même différence pour une אמתלא (justification, prétexte) que les Sfaradim prononcent Amtala et les lituaniens Amaslé, c-à-d Amatla.
La question est de savoir si le Pata’h se met sous le Mem ou le Tav.
Il est difficile de trancher, généralement les Sfaradim ont gardé une meilleure tradition de ponctuation des termes talmudiques, mais cela ne s’applique pas toujours aux noms propres où on leur trouve des erreurs.
Ici, ce n’est pas qu’un nom propre, puisque le même problème existe concernant la אמתלא, mais ponctuer le Mem d’un Sheva semble peu probable au vu du raccourci qu’en fait le
Yeroushalmi (Nida II,1) (Ktouvot II,5) (Yoma III,9) qui écrit מתלא
(qui semble plus logique si c’est Amatla qu’il faudra ici lire Matla que si c’est Amtala qui donnerait ici Mtala, la suppression du Alef qui est classique dans le Yeroushalmi, nécessite que la consonne suivante ne soit pas ponctuée d’un Sheva).
A propos de votre question, les rabanim (cf.
Veyikaré Shmo Beïsrael, éd.2017, III, p.148) déconseillent ce prénom car il n’est pas usuel.
L’idée que j’y vois c’est qu’il est parfois dur pour un enfant à l’école de porter un nom ancien et rare
(si vous avez une cousine Cunégonde, demandez-lui comment elle l’a vécu dans son enfance).
Mais concernant le fond de votre question, l’aspect halakhique lié à l’enjeu d’un prénom qui fait penser à la fois au Tsadik et au Rasha, a priori, si VOTRE intention est de nommer l’enfant du nom du Tsadik, le fait qu’un impie ait porté le même prénom n’importe pas.
Il y a bien eu des Reshaïm prénommés Moshé ou David…
Néanmoins, j’attire votre attention sur le fait que si la mère d’Haman se prénommait ainsi, rien n’indique qu’elle fut une mauvaise personne, c’est son fils qui était méchant, elle, on ne la connait pas.
Et a contrario, vous partez sur une base évidente que la mère d’Avraham c’est positif, mais le peu que l’on sait d’elle c’est qu’elle vivait dans l’idolâtrie la plus parfaite, son mari Tera’h était idolâtre et Avraham a dû se battre avec sa propre famille pour se détacher de l’idolâtrie.
Je ne pense pas qu’il vous viendrait à l’esprit de nommer votre fils Tera’h, non ?
Je mentionne quand même que le
‘Hida (Dvash Lefi, Hé, §17) rapporte une Segoula pour la Hatsla’ha dans une entreprise avec les autorités (non-juives) de dire 17 fois אמתלאי בת כרנבו avant de se présenter devant son interlocuteur.
C’est donc que certains y ont vu un aspect positif, je présume.
Toutefois nous trouvons aussi une Segoula pour vaincre ses ennemis, consistant à prononcer 7 fois le nom de la mère de Haman אמתלאי בת עורבתי… Le monde des Segoulot est impénétrable.
Il faut aussi savoir que bien que la Gmara
(Baba Batra 91a) nous dise que la mère d’Avraham s’appelait אמתלאי בת כרנבו, nous avons une autre opinion dans le commentaire de Tosfot
(Baalei Hatosfot Hashalem, parshat Lekh Lekha, 12,1,26) au nom des
Pirkei R. Eliezer et cité dans
Limkhassé Atik (éd. 2017, p.10 ad Vayera 20,12) selon laquelle elle s’appelait עתריי (Ataray ?).
[Je précise que dans le
Pirkei DRE (§26) il est écrit qu’elle s’appelait אמתלאי.
Il semblerait donc que ce soit une erreur de copiste dans le
Tosfot, et pas forcément une autre opinion comme l’a compris
R. ‘Haim Kanievsky (cependant ce nom apparait apparait aussi dans le
Rokéa’h en début de Lekh Lekha
(p.126) comme étant le nom de la mère d’Avraham).
J’ai vu dans
Derekh Si’ha (2004, p.486) qu’on a demandé à
Rav Kanievsky si l’on peut dire
Elou Vaelou Divrei Elokim ‘Haïm lorsqu’il y a deux opinions sur un prénom que portait un personnage historique, comme dans אמתלאי ou עתריי.
Et
R. Kanievsky lui répond qu’il se peut que l’un fut son nom et l’autre un surnom…]
Ce nom Ataray, serait le nom d’un peuple mentionné dans
Tsefania (3,10) selon les
Metsoudot et le
Malbim et d’autres.
Une autre opinion se trouve dans le
Sefer Hayovlim (11,14) qui nous dit que la mère d’Avraham, femme de Tera’h, se nommait Edna bat Avram.
Avraham avinou aurait donc été nommé (Avram) d’après le nom de son grand-père maternel
(qui était aussi le beau-frère de Téra’h, donc l’oncle de Avraham Avinou, puisque Téra’h a épousé sa nièce, fille de sa sœur. C’est que la sœur de Téra’h a épousé Avram et ils eurent Edna qui épousa Téra’h son oncle, et ils eurent Avraham avinou).
J’indique au passage que
Rav Méir Mazouz (Assaf Hamazkir, p.4) mentionne le
Sefer Hayovlim pour souligner qu’Avraham aurait été nommé comme son grand-père Avram, ce qui indique qu’à cette époque déjà on donnait le prénom du grand-père
[le verset le justifie en écrivant que ce grand-père était décédé… ils suivaient donc le minhag Ashkenaz 😊, mais Na’hor son frère, semble avoir été nommé comme leur grand-père paternel de son vivant. Conclusion : Avraham était de père Sfarade et de mère Ashkenaze 😊], et
R. Mazouz écrit que cette information est contraire à la Gmara
Baba Batra (91a) selon qui le grand-père maternel d’Avraham ne s’appelait pas Avram mais Karnevo, puis il trouve une solution en supposant que Karnevo fut le prénom de la mère de la mère d’Avraham
(et non celui du père de la mère d’Avraham).
Mais
Rav Mazouz ne s’est pas rendu compte que l’on ne gagne rien avec sa proposition de réponse, puisque de toute manière le
Sefer Hayovlim est en désaccord avec la Gmara, étant donné que la contradiction ne concerne pas que le prénom du grand-père maternel, mais aussi le prénom de la mère d’Avraham !
Selon la Gmara c’est אמתלאי et selon le
Sefer Hayovlim c’est עדנה (Edna).
Il n’est pas à exclure que lorsque la Gmara nous dit que la mère d’Avraham s’appelait אמתלאי בת כרנבו, elle ne vienne pas nous dévoiler son état civil, cela aurait eu peu d’importance, pourquoi les ‘Hazal aurait tenu à mentionner ce prénom absent de la Bible ?
Il s’agirait plutôt d’un message pour indiquer un trait de caractère qui lui serait attribué. Comme l’expliquent souvent le
Maharal,
R. Tsadok Hacohen, et d’autres, lorsque nous nous retrouvons, suite à un enseignement talmudique, avec différents noms pour la même personne.
Ainsi son véritable prénom aurait pu être Edna, et la Gmara préfère la baptiser Amatlaé/Amtalay/etc. (אמתלאי בת כרנבו) pour indiquer une idée choisie.
Ceci étant dit, sauf erreur, je crois bien avoir entendu qu’il existe de nos jours une fille prénommée אמתלאי, cependant ce n’est pas parce qu’il y a un antécédant que c’est bien de l’imiter, ni que votre enfant ne se sentira pas bizarre et moquée par ses camarades d’école.
Ce doit être un des premiers soucis des parents, bien avant celui d’avoir une certaine originalité dans le choix des prénoms de leurs enfants, il faut se demander si l’enfant sera content de porter ce prénom
(dès fois on rate notre coup, car les parents sont d’une autre époque et n’ont pas les mêmes repères que les enfants, mais au moins tenter de trouver un prénom qui devrait logiquement plaire à l’enfant).
Toute prévarication (quand bien même au profit de l'originalité) reste condamnable, nos enfants ne sont pas "à nous" dans le sens où l'on aurait le droit de leur imposer des sévices physiques ou moraux.
Il est important de choisir un prénom agréable à porter, duquel l'enfant n'aura pas honte et ne sera pas moqué.