Cher Doudou,
Tout d’abord, voyez ce qu’en dit le Igrot Moshe (ora’h ‘haim IV, §66), selon lui, ce maamar ne saurait être applicable de nos jours.
Ensuite, sachez que j’ai déjà répondu à votre question, il suffisait d’aller voir le lien que j’indiquais plus haut, vous y aurez trouvé votre question posée et ma réponse (de laquelle j’avais extrait un petit morceau pour répondre concernant les prénoms) que voici en copié-collé :
Il est facile de prouver que nos ancêtres en Egypte ne se distinguaient pas par des habits différents « typiquement juifs », ne parlaient pas nécessairement l’hébreu entre eux et ne portaient pas des prénoms "bibliques".
Nous trouvons un Moshe Rabeinou qui fût prit pour égyptien à cause de ses habits,
les bnei Israel qui ont pris de l’argent et des costumes aux égyptiens… (Shemot XII, 35) .
Si ce n’était pas pour s’en vêtir, à quoi bon ?
Pour les revendre dans le désert ?
Pour la langue parlée, nous voyons que le Rashbam pensait qu’ils parlaient entre eux l’égyptien, c’est pourquoi la Manne se nomme manne, comme l’explique le verset (Shemot XVI, 15) , en la voyant la première fois ils se sont demandé mutuellement « Man Hou ? » (=qu’est-ce ?).
Or, comme le souligne le Rashbam , en hébreu on dit « Ma hou » et non Man !
Et le Rashbam d’expliquer qu’ils parlaient entre eux l’égyptien et que Man en égyptien correspond au Ma hébreu.
Quant aux prénoms bibliques, pas de doute car la Bible n’était pas encore écrite !
La seule possibilité de prénoms juifs imaginable serait des prénoms portés par les « juifs » qui les précédaient.
Or nous ne trouvons pas que les sortis d’Egypte aient systématiquement des noms portés par leurs ancêtres, bien au contraire, nous pourrions être étonné de n’y trouver aucun Avraham, aucun Its’hak, aucun Yaakov !
Même les prénoms des shvatim ne sont pas à l’honneur !
Où sont tous les Zabulon, Naphtali, Yehouda, Reuven, Asher etc… ?
De plus, vous devez le savoir, l’Histoire aussi nous prouve que ce n’est pas ainsi qu’il faut comprendre cet enseignement des ‘hazal.
(Précision : il est vrai que selon le Igrot Moshe (ora’h ‘haim IV, §66) on peut dire que cette nécessité de se distinguer en ces trois points n’incombait qu’aux juifs de cette époque qui n’avaient pas la Thora pour se distinguer, mais de nos jours ce n’est plus nécessaire.
Cependant, selon cette opinion aussi il ressortira qu’il n’est pas nécessaire de nos jours de nous « différencier par l’habillement » comme vous le disiez).
En effet, scrutez chaque génération depuis les temps reculés jusqu’à (juste avant) l’avènement de la ‘hassidout et vous constaterez que ces trois points n’étaient aucunement respectés (selon cette compréhension).
De tout temps les juifs les plus pieux se vêtirent avec des habits locaux que portaient aussi des goyim.
Nous n’avions pas de Kodak pour le prouver mais nous avons des textes qui l’indiquent.
Sans nous donner la peine de détailler quelques preuves à partir de textes bibliques et talmudiques, contentons-nous des portraits connus de rabanim comme le Maari Abouav , le ‘Ha’ham Tsvi , le Yad David , et d’autres qui nous montrent bien qu’ils portaient les habits d’époque.
Ainsi de tout temps les juifs utilisèrent la langue locale, les Amoraïm et les gueonim parlent araméen entre eux, Rashi, Rashbam, Rabeinou Tam le ‘Hezkouni et beaucoup d’autres parlaient français et l’ont même utilisé dans leurs commentaires et gloses.
Nous trouvons aussi des rishonim qui parlaient allemand et l’utilisaient dans leurs sfarim, d’autres encore parlaient espagnol etc…
Seulement, suite à la ghettoïsation et aux expulsions des juifs, un dialecte typiquement juif s’est développé.
En Europe de l’est c’est le Yiddish qui s’est créé à partir de l’allemand du XVème siècle en y greffant des mots en hébreu et en araméen et qui a évolué au fil des années différemment de l’allemand.
Les langues évoluent, le vieux français utilisé par Rashi nous le montre, les anciens textes en toute langue le prouvent aussi (sans recours aux rabbins).
Qui aujourd’hui dirait un goupil pour un renard ?
Aujourd’hui Goupil n’est plus qu’un nom propre, ce qu’était Renart à l’époque.
L’allemand a aussi évolué, le yiddish aussi mais de son côté.
Toutes ces langues continuent à évoluer (tant qu’elles sont vivantes et parlées), même le Yiddish évolue encore depuis la seconde guerre, en dehors des nouveaux mots liés au temps et à la technologie, certaines déclinaisons évoluent, on appuie plus sur certains mots.
Il n’y a pas si longtemps on disait pour « je suis allé… » : I’h bin gueganen (en avalant le troisième guimel pour alléger), ce qui se dit aujourd’hui I’h bin gueganguen (qui est grammaticalement plus juste).
Pour le Ladino des pays espagnols c’est pareil, il a évolué de son côté sans tenir compte de l’évolution de l’espagnol.
Et en ce qui concerne les prénoms juifs, nous voyons bien que les Tanaïm et les amoraïm portent souvent des noms qui n’ont rien de juif ni de biblique.
Avtalion, Na’hman, Houna, Neoray, ‘Hisda , etc…
Parfois même nous savons que ces prénoms étaient portés à la même époque par des non juifs.
(par exp. Nimus le frère de Rabbi Yeoshoua Agarsi dans Be’horot 10a portait le même prénom que Nimus agardi le non juif dans ‘Haguiga 15b ).
Plus tard à l’époque des rishonim aussi nous trouvons des prénoms comme Vidal, Bonfils, etc… comme le souligne Rav Moshe Feinstein (op cit) et chez les a’haronim aussi, il y a les prénoms yiddish comme Leib (pour Arié qui n’est pas tellement biblique en tant que prénom), Hersh (pour Tsvi et là aussi…), Ber (pour Dov et là encore…), Zalman (qui est cependant la traduction de Salomon, donc ça peut passer tout juste)… et surtout pour les prénoms féminins (Shaindl, Yentl, Ida, Shprintze, Ettel, Guenendel……)
Ainsi chez les sfaradim nous trouvons des Messod, Ma’hlouf, Fré’ha, Khamous, Khemayes…
Chez les français (les Yekkes) des prénoms français, chez les allemands des prénoms allemand etc… (J’entends : même parmi les rabanim. Comme le Grand Rav Ernest Weill auteur du fameux Kitsour , ou le Rav Ernest Gugenheim …)
Il faut donc comprendre ce maamar ‘hazal différemment.
L’intention des ‘ha’hamim en disant qu’ils n’ont pas changé leurs habits est de dire qu’ils n’ont pas adopté une tenue vestimentaire contraire à l’esprit de la Thora.
Ils étaient habillés correctement et de manière sobre.
Comme leurs ancêtres (qui, eux aussi, faisaient attention à ce point).
Mais ce « costume » n’était pas réservé exclusivement aux juifs.
Se différencier par l’habillement ne signifie pas « porter des habits que seuls les juifs portent » mais se différencier des « non juifs qui se vêtissent de manière vulgaire », et ce, en portant des habits respectables, comme de nombreux autres non juifs.
Pour la langue aussi, il s’agît de garder l’habitude qu’avaient leurs ancêtres de surveiller leur langage.
Parler proprement, poliment.
Cela les différenciait des non juifs qui parlaient de manière vulgaire et grossière, mais ils pouvaient parler en langage égyptien et certains égyptiens devaient probablement aussi parler proprement, comme les juifs.
Pareil pour les noms juifs.
On entend par « nom juif » (du moins à cette époque) un prénom « positif », s’il n’est pas particulièrement porteur d’une signification positive, au moins il n’est pas porteur de l’inverse.
Aucune connotation liée aux mauvaises midot dans les prénoms des juifs sortis d’Egypte.
Aucun de ces juifs ne se prénommait Nimrod ou A’hzari ou autre prénom qui fait appel à une mauvaise mida.
Ainsi nous trouvons des rabanim prénommés Ernest qui est une bonne Mida (Ernst = sérieux) même si personne dans la Bible ne se nomme Ernest.