Il y a une grande discussion concernant les prières dans lesquelles on semble s’adresser aux anges (Makhnissei ra’hamim, Barkhouni leshalom,…), mais le Mabit (Beit Elokim shaar hatfila §12) indique que cela ne pose problème que lorsqu’on demande à un ange de prier pour nous car nous pourrions en arriver à nous égarer vers la Avoda Zara et considérer l’ange comme un dieu, mais il n’y aura pas de problème à demander à un homme (un tsadik) de prier pour nous.
Toutefois, je suppose que le Mabit ne parle que d’un homme VIVANT, mais pour un mort, nous nous rapprochons de la crainte qui concerne la prière à un ange.
A la lecture du Talmud, il semblerait que ce soit une discussion.
Dans Taanit (16a) « pourquoi va-t-on [prier] au cimetière ? » la réponse est que c’est discuté par R. Lévi bar ‘Hama et R. ‘Hanina.
L’un dit qu’en allant au cimetière on proclame implicitement « nous sommes comme des morts devant Toi » (c-à-d que l’on va acquérir une mesure de Knia/subjagation), l’autre dit que nous allons au cimetière pour que les morts qui y sont enterrés prient pour nous.
Il n’est pas dit clairement que cela passe par le fait que les vivants demandent aux morts de prier pour eux, mais ce n’est pas loin.
En tout cas, la halakha retient la première opinion mentionnée et il est interdit de demander aux morts de prier pour nous. Cf. Rambam (Taaniot §IV, 7) et Shoul’han Aroukh (o’’h §579, 3).
Puisque le but de la visite au cimetière est la Hakhnaa qui en découle, il semblerait que l’on puisse aller dans n’importe quel cimetière, comme au Père Lachaise sur des tombes de non-juifs, car cela suffira à nous rappeler notre fin sur terre.
Reste à définir l‘interdit de s’adresser aux morts, car nous trouvons (Sotah 34b) que Kalev est allé prier à ‘Hevron sur la tombe des Avot...
Certes le Ba’h (Y’’D fin de §217) dira qu’il ne s’est pas adressé du tout aux morts et n’a choisi cet endroit qu’en vertu de sa kdousha.
Il y aura aussi la réponse du Baer Hétèv (o’’h §581, sk.17) qui dit que si l’on ne peut pas invoquer le mérite du mort, on peut l’évoquer.
C-à-d que l’on peut prier au cimetière en s’adressant à D.ieu et en rappelant les mérites du mort.
C’est aussi l’idée qui se dégage de ce qu’écrit le ‘Hokhmat Adam (§89, 7).
On pourrait donc dire que c’est ce qu’aurait fait Kalev.
Hélas, comme le souligne le Maharam Shik (shout O’’H §293), il est explicite dans la gmara (Sotah 34b) que Kalev s’est adressé aux Avot en leur demandant « Bakshou alay ra’hamim ».
Ces réponses ne pourront donc pas être satisfaisantes.
Le Maharam Shik explique que ce qu’a fait Kalev est autorisé, car il n’a pas demandé aux morts de le sauver, mais qu’ils demandent eux-mêmes à D.ieu de le sauver.
Nous trouvons encore une autre gmara (étrangement oubliée par les a’haronim dans cette souguia) dans Taanit (23b) où Rabbi Mani fils de rabbi Yona est allé prier sur la tombe de son père en s’adressant directement à lui.
Dans cette source, il n’est pas clairement dit que sa prière se limitait à mandater le mort comme ambassadeur qui irait intercéder auprès de D.ieu pour son compte.
Sa prière dit « Père ! Père ! Ces gens-là m’importunent », il s'adresse donc directement au mort. Mais on peut toujours expliquer que l’intention était de lui demander d’intercéder en sa faveur, pas qu’il lui vienne en aide lui-même.
En suivant la logique du Mabit (crainte de Avoda Zara, de considérer l’homme comme un dieu), j’ai pensé expliquer qu’il y aurait une différence entre prier sur la tombe d’un tsadik et prier sur la tombe d’un tsadik qui fait partie de nos ancêtres.
Dans ce second cas, il paraît impensable de pouvoir se tromper et imaginer notre ancêtre comme un dieu puisque nous en descendons, il sera donc autorisé de s’adresser directement à son ancêtre (sans crainte d’en arriver à Avoda Zara).
Et nous constatons que ces deux gmarot parlent précisément de quelqu’un qui prie sur la tombe de son ascendant, que ce soit Rabbi Mani sur celle de son père Rabbi Yona, ou encore Kalev sur la tombe des patriarches.
Mais nous ne pourrions pas encore en déduire que cela serait autorisé lorsqu’il s’agît de la tombe d’un tsadik qui n’est pas l’ancêtre de celui qui prie.
Conclusion :
Il est autorisé de prier sur la tombe d’un tsadik en s’adressant à D.ieu et en mentionnant le mérite de tsadik, certains autorisent aussi de s’adresser directement au Tsadik en lui demandant d’intercéder en notre faveur auprès de D.ieu (mais la preuve ne semble concerner qu’un tsadik duquel on descend. De plus, cette preuve pourrait être élargie à la requête directe à l’ancêtre mort, mais ça n’est pas approuvé par les poskim).