Effectivement dans certaines régions, les services vétérinaires britanniques exigent qu'on tire une balle à tout bovin abattu, ceci même après la Shehita. Cette question a déjà fait couler beaucoup d’encre depuis les années 1960 et divisa de nombreuses communautés. Pour essayer de comprendre les différents avis, nous allons essayer de présenter le problème depuis le début.
La Guémara Houlin 113 A rapporte au nom de Shemouel:
"Si une personne, après avoir pratiqué la shéhita à une bête, lui casse la nuque, elle sera considérée comme un voleur, car le fait de lui avoir cassé la nuque empêche le sang de se vider normalement et alourdit la viande, le muscle étant alors chargé de sang."
Rachi explique qu’une fois la shehita pratiquée, la bête se vide de son sang à cause des râles qu'elle a, jusqu'à sa mort complète. Le fait de lui casser la nuque la fait tellement souffrir et la paralyse complètement si bien qu’elle ne peut plus se vider de son sang.
La Guemara demande: Si une personne agit ainsi pour sa propre consommation, on ne pourrait pas l'accuser de vol. Mais ceci étant, peut-on en déduire une permission ?
Du fait que la bête ne s'est pas complètement vidée de son sang, il serait interdit de la consommer, car la viande serait imprégnée de trop de sang; on considèrerait que cette personne consomme du sang (ce qui est interdit d’après la Tora).
La Guemara conclut en Tikou, ce qui veut dire que c'est une question non tranchée.
Dans les Richonim nous trouvons deux avis distincts concernant la consommation d'une telle viande:
- Le Rachba ainsi que le Roch, le Ramban et le Rif sont d'avis qu'il est effectivement interdit de consommer une telle viande crue. Mais grillée ou chachérisée avec du sel, elle sera alors autorisée.
- Le Baal Aitour interdit, quant à lui, de consommer cette viande même une fois cachérisée, car le sang intégré dans la chair ne peut plus en sortir, quelle que soit le moyen utilisé pour cela.
Le Shoulhan Arouh Yoré Déa Siman 67 Halaha 3 se range derrière la majorité des Richonim cités plus haut: Il autorise de consommer une telle viande à condition de la cachériser par le sel ou de la griller. Mais crue, il en interdit toute consommation.
Et le Rema rapporte la coutume qui stipule qu'à part la cachérisation ou le fait de griller la viande, il faut préalablement découper la viande en petits morceaux afin de faciliter l’évacuation du sang imprégné.
Le Rema conclut qu'il est préférable, malgré toutes les solutions proposées, de ne pas briser la nuque ni de perforer le cœur. Il y a deux façons de comprendre ce Rema:
1. Malgré ces solutions énoncées, il vaut mieux éviter ces pratiques, de peur qu'on en vienne à consommer cette viande sans la pré-découper et la saler (Levouch).
2. Etant donné que certains Richonim ne proposent pas de solution, à priori il vaut mieux éviter de consommer cette viande (Peri Hadach).
Il est important de remarquer que, pour l'instant, il n'a été avancé aucun argument concernant la Shéhita elle-même, ce qui veut dire qu'une fois que le Shohet a effectué la Shéhita, au niveau halahique la bête est considérée comme morte. Et c'est d’ailleurs un Rema explicite dans le Yoré Déa siman 23 halaha 5 :
"Si une fois que l'on a pratiqué la shéhita et que l'on a coupé seulement la majorités des simanim (trachée artère et œsophage), on veut arrêter les soubresauts de l'animal et il faut assommer la bête, mais ne pas couper les simanim restants avec un couteau." Ce qui veut dire que toute intervention sur l'animal après la shéhita ne présente pas de problème.
Le Shah siman 67 seif katan 9 et le Taz dans le même siman seif katan 2 demandent: Comment le Rema peut conseiller d'assommer une béte après la shéhita alors que nous savons que le Rema lui-même déconseille de casser la nuque de la bête après shéhita ?
Le Shah repond qu’il faut faire une différence entre "casser la nuque" ou "percer le cœur / assommer", et toutes les réticences des Richonim ne concernent que la nuque.
Le Taz répond différemment: D’après lui, toutes les précautions à prendre pour ne pas casser la nuque d'une bête, et ceci même après la Shéhita, ne sont valables que juste après la Shéhita car le sang ne s'est pas encore écoulé. Mais si l'on a patienté quelques instants pour que le sang s'écoule, il sera permis même de casser la nuque de la bête, et c'est pour cela que le Rema conseille d'assommer la bête [siman 23 halaha 5].
Le Yad Yehouda n'est pas d'accord avec le Taz. Pour lui le Rema dans le siman 23 n'a pas mentionné le problème de consommer une telle viande car ce n'était pas l'endroit approprié. Ce qui voudrait dire que, d’après Le Shah, on aurait le droit de tirer une balle après la shéhita car tant que l'on ne touche pas la nuque, il n'y aurait aucun interdit.
Et d'après le Taz, si l'on attendait le temps suffisant pour que le sang s'écoule, on pourrait alors même tirer une balle après la shéhita.
Et c'est pour cela que de nombreux Poskim permirent de pratiquer de telle shéhitot même a priori, tout en respectant ces conditions, et c'est ainsi l'avis du Minhat Ytzhak (qui fut le Av Beit Din de Manchester) ainsi que celui de Rav Moshé Feinstein aux Etats Unis - en exigeant un laps de temps de 30 à 45 secondes avant de tirer une balle.
Par contre, d'autres Poskim tels que Rav Steinbuch dans ses responsa [volume 1 responsa 414] sont d'avis que c'est permis seulement a fortiori. Et c'est ainsi l'avis de Rav Wozner z"l.
Après enquête, j'ai appris que certaines communautés britanniques organisent maintenant leur Shéhita en Irlande, et avec le temps ils ont pu obtenir des dérogations pour pratiquer la Shéhita sans recourir à tirer une balle après la Shéhita.
Je vous conseille de vous renseigner auprès de votre vendeur à propos la provenance exacte de la viande. Je vous conseille également d'étudier le responsa de Rav Moshé Feinstein [Yore Déa 1 responsa 22] ainsi que le Shout Ama Daber vol.1 responsa 3.
Beaatslaha et kol touv.
