Les constructeurs de la Tour de Babel n’ont pas seulement entrepris de construire cette tour, ce qui s’est soldé par un échec, mais ils ont aussi bâti une ville (« Allons, bâtissons-nous une ville et une tour… [Berèchith 11, 4]), ce qui a été une réussite.
Ils n’ont cependant pas été les premiers à construire une ville, puisque c’est Caïn qui, pour la première fois, en fonda une, à laquelle il attacha la mémoire de son fils ‘Hanokh (Berèchith 4, 17 ; voir Rachi ad loc.).
Mais contrairement à Caïn, les constructeurs de la Tour de Babel n’ont pas créé une ville aux fins d’organiser une société urbaine, mais comme un moyen d’appuyer leur révolte contre Hachem, puisqu’elle devait être contiguë à la tour.
C’est dans ce dessein que, plutôt que d’aller extraire des pierres dans des carrières voisines, puisque Babel, située dans une vallée, en était dépourvue (Rachi ad Berèchith 11, 3), ils ont « industrialisé » la fabrication de briques, qui exige de la main-d’œuvre et des fours, donc une concentration d’hommes et d’efforts.
Un Midrach bien connu, extrait des Pirqei de-rabbi Eliézèr, rapporte que, lorsqu’une brique, s’échappant des mains de celui qui la transportait, tombait au sol, les constructeurs se lamentaient de sa perte, et que si, au contraire, un ouvrier tombait de la tour et mourait, personne n’y prêtait attention.
Cette urbanisation, cette industrialisation et cette déshumanisation de la société de la Tour de Babel ont porté en elles les germes de la dictature, c’est-à-dire d’un régime politique où l’individu n’est rien et où seule compte la société.
Comme l’indique en effet Sforno (ad Berèchith 11, 4), l’intention des constructeurs de la Tour était de faire de Nemrod, devenu le premier dictateur dans l’histoire de l’humanité, le roi de toute la terre.