Il n'y a aucun problème à offrir des chaussures déjà utilisées, au contraire, c'est une mitsva d'aider ceux qui en ont besoin.
Quant à ce que vous écrivez qu'il est "formellement interdit" de donner les chaussures ayant appartenu à une personne à présent décédée, c'est exagéré.
Ce n'est pas vraiment un "interdit" -et encore moins un interdit formel.
C'est seulement une coutume de ne pas chausser les chaussures d'un mort et l'origine de ce minhag est assez obscure.
A tel point que certains se demandent si cet "interdit" ne concerne pas seulement des chaussures consacrées au mort (en tant que ta'hri'h) ce qui expliquerait l'interdit au titre de "issour anaa".
Cf. le Col Bo Al Aveilout de rav Greenwald tome II, p.32.
Si cette explication est vraie, il n'y aurait aucun problème à récupérer du fond d'une armoire les vieux souliers du mort.
Il est donc ala'hiquement difficile de jeter des chaussures qui pourraient encore servir sans craindre l'interdit de gaspillage, mais comme nous vivons dans un pays riche b"h, on ne se pose pas trop la question car peu de gens seraient intéressés à récupérer des chaussures ayant appartenu à celui qui vient de mourir.
Je me souviens lorsque j'étais à la yeshiva en Israel, un de mes amis qui n'avait pas de quoi s'acheter des chaussures marchait avec des souliers usés jusqu'à la semelle; ce qui restait du talon était tombé (ou avait été retiré par souci d'équilibre). Il marchait donc pratiquement à même le sol en ayant les pieds dans une sorte de sac ; ce qui restait de ses chaussures.
Heureusement, en Israel il ne fait pas aussi froid qu'en Europe. Rav Its'hak El'hanan Spektor, lorsqu'il n'était encore qu'un jeune étudiant de yeshiva, s'est retrouvé dans une situation similaire, mais lors d'un hiver autrement rude que les hivers de Bnei Brak.
Une personne fortunée de la ville avait été informée de la précarité de cet élève et du besoin urgent d'une paire de chaussures (même d'occasion), mais cette requête est tombée dans l'oreille d'un sourd qui n'a pas eu l'intelligence de sauter sur l'occasion de pouvoir aider un jeune homme qui étudie la Thora.
Et pourtant, ce n'était pas par manque d'intérêt pour l'étude de la Thora, car cette même personne s'est présentée des années plus tard à Rav Spektor, à l'époque où ce dernier qui comptait déjà parmi les plus grands rabanim de la génération souhaitait faire imprimer ses écrits, pour lui proposer de prendre à sa charge la totalité des frais d'édition contre une part dans le mérite de cette étude.
Le Rav a refusé son offre en lui expliquant que si sa volonté était réellement d'avoir une part dans son limoud, il ne l'aurait pas laissé sans chaussures lorsqu'il était à la yeshiva dans un hiver si glacial, ce qui lui causa de tomber malade pour trois semaines durant lesquelles il n'a pas pu étudier.
Il ajouta que s'il avait eu la bonté de lui offrir des chaussures à l'époque, il aurait assurément été associé à son limoud, plus particulièrement pour ces trois semaines, mais pour la suite aussi.
Le fait qu'il ne se soit pas soucié de cet "enfant" à l'époque démontre que son but n'est pas de s'inscrire dans l'histoire de la transmission de la Thora comme associé dans la diffusion de l'étude, mais seulement d'avoir la fierté de pouvoir dire qu'il a sponsorisé le sefer du célèbre rav.
(Vous trouverez cette anecdote citée par rav Yaakov Kamenetsky dans Shimoush 'ha'hamim p.80)
Bref, il s'est vu refuser ce mérite pour ne pas avoir accepté d'offrir des chaussures.
D'autres ont eu cet honneur et pas seulement pour les sfarim du rav Spektor, mais aussi pour ceux de beaucoup d'autres rabanim.
Par exemple, rav Isser Zalman Meltser (beau-père de rav Aharon Kotler et) auteur du Even Aezel, écrit au début du tome III de son oeuvre qu'il partage le mérite de son sefer avec le mécène Yaakov Abramovicz qui s'est occupé des dépenses liées à l'édition...
Bref, je m'égare, j'en reviens aux souliers.
Il n'y a pas de problème, vous pouvez donner vos chaussures sans souci. Si problème il y a, il est lié au décès du propriétaire.
Comme vous me semblez bien vivant - ad méa veesrim - il n'y a pas de problème à faire un heureux bien chaussé.