Il est écrit, parmi les bénédictions de la parachath Ki tavo, que « tu seras béni dans la ville, et béni dans le champ » (Devarim 28, 3), et plus loin que seront bénis « le fruit de ton ventre, le fruit de ton sol, le fruit de tes animaux, la portée de tes bœufs, les fécondités de ton menu bétail, ta corbeille et ta huche » (versets 4 et 5).
On peut se demander ce que vient ajouter la seconde partie de la bénédiction (« le fruit de ton ventre… ») à la première (« dans la ville et dans le champ ») : Celle-ci n’a-t-elle pas déjà une portée générale, puisqu’elle s’applique en tous lieux ?
Il faut distinguer, a expliqué rav Aaron Levine z’l, entre deux sortes de bénéficiaires des bienfaits particuliers de Hachem :
Il y a ceux qui sont gratifiés de ces bienfaits en un lieu spécifique, mais pas ailleurs.
Il existe aussi une autre catégorie, celle des gens qui sont comblés en tous lieux et dans tous les domaines de leurs activités.
Mais comme le dit en hébreu une expression devenue emblématique, mechané maqom mechané mazal (« Qui change d’endroit change de mazal »). Celui que les bienfaits divins n’atteignent qu’en un lieu particulier ne bénéficie pas d’une véritable bénédiction. Sa félicité ne tient qu’à son mazal, c’est-à-dire à des raisons mystérieuses qui lui ont valu d’être avantagé, mais sans que ce soit dû nécessairement à ses vertus. Tout déplacement d’un lieu à un autre entraînera – peut-être – un changement dans son destin, en mieux ou en pire.
La « bénédiction dans la ville » et la « bénédiction dans le champ » sont des effets du mazal, elles ne tiennent pas compte du mérite, et elles sont révocables à tout moment, dès l’instant où leur bénéficiaire modifie le lieu de ses activités.
Les véritables bénédictions, ce sont celles dont le bénéficiaire profite en tous lieux, et où qu’il se trouve. Elles ne dépendent pas d’un mazal, mais de l’octroi d’un bienfait par Hachem.
Nous le constatons à la lecture du verset qui définit le regard porté par Potifar sur Joseph : « Son maître (Potifar) vit que Hachem était avec lui (Joseph), et que tout ce qu’il faisait, Hachem le faisait prospérer en sa main » (Berèchith 39, 3). La redondance, apparemment inutile, contenue dans le verset, nous apprend que Potifar avait compris que la réussite de Joseph était due à une véritable bénédiction, et pas simplement à un mazal. Puisqu’il réussissait en « tout ce qu’il faisait », c’est que rien de contingent ne limitait ses aptitudes.
De la même manière, notre paracha annonce que les enfants d’Israël bénéficieront d’une véritable bénédiction, et pas d’un simple mazal. Cette bénédiction « tous azimuts » est mise en évidence par l’énumération de tous les domaines (« le fruit de ton ventre », etc.) dans lesquels elle se manifestera.