Vos remarques m'amène à détailler un peu plus ce que nous enseigne Rav El'hanane Wassermann, Zatsal.
Pour ceux qui voudraient l'étudier dans le texte, voici la référence : Sefer Kovets Maamarim, Maamar Al Emounah. C'est le premier chapitre du livre.
R. Wassermann s'étonne d'abord de l'expression du texte biblique que nous récitons deux fois par jour, lors de la lecture du Schema : "...Velo Tatourou A'haré Levavchem...". Nos Sages nous précisent qu'il s'agit ici de l'athéisme. "...et ne vous égariez pas à la suite de votre coeur....". Pourquoi demande R. W. est-il question du coeur et non du cerveau ?
Deuxième interrogation de R. W. :
Maïmonide précise dans son Livre des Mitsvoth : "La 1ère Mitsvah c'est de savoir et de croire en le Saint-Béni-soit-Il...". Comment, demande R. W., Maïmonide peut-il parler de Mitsvah, c'est-à-dire d'un ordre, quand il s'agit de la foi qui par définition ne peut être commandée ? Commander un acte est possible, mais commander d'avoir la foi, de croire, est impossible. Et si quelqu'un a la foi, il n'est pas nécessaire de l'ordonner !
Celui qui malheureusement n'a pas la foi n'y peut rien, semble-t-il ! Et pourtant la Torah est particulièrement sévère, par exemple, pour celui qui offre la vie de son fils à l'idole de Moloch ! Et si un individu en arrive à cette extrême, c'est qu'il y croit vraiment, sincèrement ! Qu'y peut-il ? Or celui qui croit en D-ieu et qui transgresse un ordre pratique est beaucoup moins sévèrement puni que l'idolâtre. Ce n'est pas logique!
Troisième interrogation de R. W; :
Un Bar Mitsvah, qui donc a atteint ses 13 ans, a l'obligation d'accomplir les 613 Mitsvoth de la Torah. Comment D-ieu peut-Il exiger d'un tout jeune homme de croire en D-ieu, alors que les plus grands philosophes se cassent la tête depuis des siècles et des millénaires pour sonder les difficultés de la foi ?
Quatrième interrogation :
Tout être humain a l'obligation de se plier aux sept lois noa'hides. L'une d'entre elles concerne la foi en D-ieu et l'interdiction de l'idolâtrie. En quoi un simple berger habitué à boire et n'ayant jamais reçu le moindre enseignement, peut-il être considéré par le tribunal céleste comme coupable pour n'avoir pas cru en D-ieu (il se peut d'ailleurs que le berger ait moins de difficultés à avoir la foi)?
Le 'Hovath Halevavoth, "Les Devoirs des Coeurs", classique de la pensée juive propose l'image qui suit . "Imaginez", écrit-il, "que devant une feuille calligraphiée, on affirme que ce résultat a été obtenu par le simple jet ou versement d'encre sur la feuille blanche. Qui pourrait y croire ? Il en est de même pour notre univers. Un univers organisé, aux agencements merveilleux, ne peut être le résultat du hasard."
Un athée, nous raconte le Midrasch, interroge Rabbi Akiba, et lui demande qui a créé l'univers. Lorsque Rabbi Akiba lui répond que c'est D-ieu, l'athée lui demande des preuves. Là-dessus Rabbi Akiba demande à l'athée qui a fabriqué son habit et l'athée répond que c'est un tailleur. Rabbi Akiba lui en demande des preuves. Et il conclut en lui disant que de la même manière que l'habit prouve l'existence du tailleur, l'univers prouve l'existence de son Créateur.
Mais si la nature et le monde prouve l'existence du Créateur et comme le les Psaumes : "Les racontent Sa gloire...", comment est-il possible qu'il y ait des athée et des non croyants?
La Torah nous en donne la réponse. "Lo Tika'h Scho'had... Ki Hascho'had Yeaver Eïneï 'Hachamim...". "Tu ne prendras pas d'épices (de pots de vin) ...car les épices aveuglent les yeus des sages...". Un juge n'a pas le droit de prendre quoi que ce soit en provenance d'un plaignant car même s'il a l'intention de juger de façon impartiale, il ne pourra plus le faire, aveuglé qu'il est devenu en recevant ce qui le rend prévaricateur.
La Torah nous dévoile là les profondeurs de la psychologie humaine.
Nous devons réaliser qu'il n'y a rien de plus fort, agissant sur notre jugement concernant l'existence de D-ieu, que les conséquences de ce choix. Si je crois en D-ieu, je ne peux plus me permettre tout ce que je me permettais lorsque je m'imaginais libre de toutes contraintes. N'est-il pas plus simple de rejeter cette foi contraignante ?
Voilà où se trouve le problème.
Mais écrit R. W., la vue de notre univers suffit pour croire en D-ieu. Le Bar Mitsvah y croit d'office, il n'a pas besoin de philosopher. L'ordre de croire en D-ieu signifie qu'il est interdit de perdre sa foi à cause de nos parti-pris. C'est du coeur qu'il est question dans l'interdiction de dévier de foi car la foi est innée et non raisonnée.
D'ailleurs, le 1er des 10 commandements ne dit pas : "Crois en D-ieu qui t'a fait sortir d'Egypte...", mais "Je suis l'Eternel ton D-ieu qui t'a fait sortir d'Egypte...". Ce n'est pas un ordre car la foi est innée, c'est une simple affirmation pour préciser que Celui qui vous a fait sortir d' Egypte, c'est bien D-ieu et rien d'autre.
Ce que la Torah demande à l'homme c'est de tout faire pour se débarasser de ses envies, de ses désirs, de ses passions, de cet ensemble d'"épices" qui aveuglent même les yeux des sages.
S'il vous semble qu'il y a une différence entre R. W. et le commun des mortels ou entre des enfants proche ou éloignés de la Torah, vous ne vous trompez pas.
En effet, soyez conscients de l'immense, de la colossale influence de l'environnement social, de l'enseignement contraire à la Torah, de l'effet des médias sur le petit enfant qui n'a pas d'armes pour lutter mais qui avale tout ce qui vient de l'adulte ou de la société adulte.
C'est de là que vient notre vision faussée. Terrible responsabilité des parents et des éducateurs. On fera vivre un enfant à l'abri de tous les dangers matériels, mais sous de faux prétextes de liberté, de liberté d'opinion etc. on le livrera comme une proie qui ne peut se défendre à de formidables agresseurs.