Citation:
Dans pessahim 99b, Rashi commente les mots "Samoukh laminha" par la phrase "kodem laminha méat". J'en suis fortement étonné. Qu'est ce Rashi rajoute de plus par rapport à la michna si ce n'est que l'interdiction de manger commence AVANT (et pas après) Minha.
Il n'explique pas clairement le sens de "Samoukh" !!! (Et même si le Rashbam le fait, cela n'explique pas l'opinion de Rashi pour autant).
PS : Désolé si ma question n'est pas incroyable. Je débute dans l'étude du Talmud.
Votre question est une très bonne question, non seulement pour un débutant, mais aussi pour un talmudiste confirmé.
Vous avez même frôlé la réponse en écrivant, je cite :
Citation:
Qu'est ce Rashi rajoute de plus par rapport à la michna si ce n'est que l'interdiction de manger commence AVANT (et pas après) Minha
C’est bien ce que
Rashi vient préciser, qu’on ne comprenne pas que le Samoukh signifie « Samoukh après l’heure dite de Min’ha ».
C-à-d que des mots de la Mishna, on aurait pu comprendre que l’interdit de manger en veille de Pessa’h afin de consommer la Matsa avec appétit, ne débuterait qu’en fin de 10ème heure (c-à-d à 10h),
Rashi vient préciser qu’il débute dès le début de la 10ème heure, c-à-d à 9h (l’heure dite de Min’ha étant à la moitié de la 10ème heure, soit 9h30 en heures Zmaniot).
D’ailleurs vous trouverez chez d’autres Rishonim qu’ils furent soucieux d’apporter cette même précision, mais dans un langage qui ne souffre pas de doute ; voyez le
Maharam ‘Haliwa (ad loc) qui explique explicitement cette compréhension à éviter.
[Le
Maharam ‘Haliwa est appelé dans les Yeshivot (lituaniennes) Maharam ‘Halové, mais c’est simplement dû au fait qu’ils ne savaient pas comment lire ce patronyme qui sonnait étrange aux oreilles des juifs de Lituanie.
Depuis, l’habitude est gardée, bien que ces descendants de Lituaniens puissent connaitre des Sfaradim portant ce nom et le prononçant ‘Haliwa.
Quand j’étais à la yeshiva,
Rav Osher Deutsch se distinguait sur l’appellation de ce Rishon en prononçant le Maharam ‘Halvoé.
(Qui voudrait peut-être dire, selon cette lecture, « fabricant de ‘Halva » ? 😊 ) Tout est permis…]
Certains ont voulu voir une Ma’hloket Rishonim sur ce point (avant ou après Min’ha).
Le
Shiltei Haguiborim (daf 19a, §1) explique que le
Tour (§471) est en désaccord avec le
Rif en interprétant le Samoukh Lamin’ha de la Mishna comme voulant dire 30 minutes APRES, alors que le
Rif, le
Rambam et le
Smag comprennent qu’il s’agit de 30 minutes AVANT l’heure de Min’ha.
Nous voyons donc qu’il est parfaitement possible d’interpréter la Mishna de la sorte.
Néanmoins, je trouve sa lecture du
Tour fort étrange, ce dernier ne fait que dire que l’interdit de manger est à 10h, mais pourquoi comprendre qu’il parlait de la fin de la 10ème heure et non de son début (et ainsi éviter toute ma’hloket)?
D’autant que le
Tour s’écarte rarement des positions de son père (le
Rosh) sans le mentionner
(et a fortiori si cette opinion est très largement majoritaire chez les Rishonim et est représentée, entre autres, par le Rambam), or, le
Rosh explique clairement qu’il s’agit de 30 minutes AVANT…
Donc je ne crois pas que le
Tour ait voulu parler de la fin de la 10ème heure, il a probablement interprété la mishna comme
Rashi, Rif, Smag, Rambam et Rosh.
Le
Pri ‘Hadash (sk.1) va dans ce sens et refuse de voir une telle ma’hloket entre le
Tour et les autres Rishonim.
Il y a encore un autre élément sur lequel on pourrait s’étendre, mais je ne le ferai pas ici, c’est le terme de « Meat »
(=un peu, pas la viande) utilisé par
Rashi, qui pourrait être inférieur à 30 minutes.
C’est ainsi que l’ont compris certains (cf.
Pri Megadim §232, Mish. Zahav sk.1), mais je m’en étonne, car le dernier
Rashi de cette même page
(99b sv. Mitésha) prouve que le Meat de Rashi voulait bien dire 30 minutes.
Si ça n’était pas suffisant, on pourrait aussi se référer au
Rashi dans Massekhet
Shabbat (9b) d’où il est aisément déductible que l’expression Samoukh se traduise par 30 minutes.
Voir encore
Birkei Yossef (o’’h §232, sk.5).
En conclusion, je vous félicite pour votre question, et le fait que vous ne soyez que débutant en Talmud indique une grande aptitude et laisse espérer une grande réussite dans le Shas bez’’h en persévérant.
Bravo et Hatsla’ha !