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Le Kisouï Rosh après divorce

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Avrad10
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Bonjour Rav Wattenberg,

Une femme de mon entourage familial a divorcé et est encore jeune (moins de 30 ans) et souhaite se remarier. J'ai entendu que malgré l'obligation du choulhan arouh' de se couvrir les cheveux même étant divorcée, il serait permis de ne pas les couvrir si c'est dans l'optique de retrouver un nouveau mari. Est-ce vrai ? Et si, oui quelles en sont les modalités (permission uniquement lors d'une rencontre effective avec un prétendant ou également en dehors de ce cadre étant donné qu'il est potentiellement possible et favorable de se faire remarquer comme étant "disponible" pour fonder un foyer) ?

Cordialement.
Merci pour votre temps.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Citation:
Une femme de mon entourage familial a divorcé et est encore jeune (moins de 30 ans) et souhaite se remarier. J'ai entendu que malgré l'obligation du choulhan arouh' de se couvrir les cheveux même étant divorcée, il serait permis de ne pas les couvrir si c'est dans l'optique de retrouver un nouveau mari. Est-ce vrai ? Et si, oui quelles en sont les modalités (permission uniquement lors d'une rencontre effective avec un prétendant ou également en dehors de ce cadre étant donné qu'il est potentiellement possible et favorable de se faire remarquer comme étant "disponible" pour fonder un foyer) ?


Il y a une réponse connue de Rav Moshé Feinstein qui est à l’origine de cette « koula ».
C’est dans Igrot Moshé (Even Haezer I, §57), il s’agit d’une veuve qui ne trouve pas de travail si ce n’est en se découvrant la tête.

Rav Feinstein est Meikel en expliquant d’emblée que le Din de se couvrir les cheveux pour une femme CELIBATAIRE (veuve ou divorcée) n’est que Miderabanan. Et en cas de perte (Hefsed), il est Meikel.

Il fait dépendre cela de deux Leshonot dans Rashi (Ktouvot daf 72), selon le premier l’obligation de se couvrir les cheveux pour une femme (mariée) serait un Guéder de Issour, selon le second, ça serait un Guéder de Mitsva.
Rashi retient la seconde lecture, ça serait donc un Guéder de Mitsva et non de Issour, c-à-d plutôt un commandement positif que négatif, dès lors, dans tout commandement positif (même faisant partie des 248), on n’est pas tenu de perdre au-delà de 20% de ses possessions, et le risque pour cette veuve qui ne peut pas nourrir ses enfants est à considérer comme plus de 20%.

[C’est délicat de comparer une Meniat Réva’h à un Hefsed, rassurez-vous les A’haronim se sont chargés de critiquer ce point dans le raisonnement de RMF, mais d’un autre côté, il faut reconnaitre qu’il y a une certaine logique dans ce qu’il dit ; comment autoriser en cas de perte de 20% et en parallèle interdire en cas de risque d’appauvrissement total, au point de ne plus avoir à manger ?]

RMF explique que ce Heiter ne concerne pas une femme mariée, car son obligation de se couvrir est Min Hatorah, et il convient de tenir compte du Safek (entre les deux lectures de Rashi) et donc il faut être Ma’hmir.
Mais pour une veuve où l’obligation n’est que Miderabanan, en cas de Safek, il est logique de dire Sfeika Derabanan Lekoula.
Il ajoute encore qu’il est possible de considérer l’aspect « Dat Yehoudit » (qui impose à la veuve de se couvrir les cheveux) comme étant un Guéder de Minhag, et en cas de Hefsed, on ne l’imposera pas.
[voir aussi Shout Its’hak Yeranen (Berdah) (X, §42,3 et §42,8) concernant l’aspect Minhag/Dat Yehoudit, ainsi que le Shout Yeshouot Yaakov (E’’H §21), néanmoins il écrit qu’une femme ayant déjà été habituée à couvrir ses cheveux, ces derniers prennent un statut de Mekomot Hamekhoussin…]


D’autres sont venus après RMF et ont comparé ce cas au problème des Shidoukhim -lorsque c’est applicable (dans les milieux religieux, au contraire, une divorcée qui ne se couvrirait pas les cheveux serait considérée comme une personne pas assez pratiquante et ça jouerait CONTRE elle dans les Shidoukhim).

C’était déjà délicat de passer de Hefsed (perte) à Meniat Réva’h (manque à gagner en Parnassa), mais là on passe à un manque à gagner dans le domaine matrimonial…

Toutefois, quelques années plus tard, dans une réponse à un rabbin qui avait fait cette comparaison, RMF (Igrot Moshé E’’H IV, §32,4) est d’accord et cautionne ce rapprochement, jugeant que la difficulté à trouver un Shidoukh était aussi à considérer comme « une grande perte » et cela autorisait la divorcée à ne pas porter sa perruque.

Mais il y précise que le Heiter n’est pas total, il ne concerne que les moments et situations où il y a lieu de craindre que cela lui porte préjudice pour son Shidoukh.


De nombreux auteurs se sont opposés à ce Psak du Igrot Moshé.
Le Rav Moshé Feinstein était un Gaon génialissime, d’une puissance talmudique remarquable et d’une très grande originalité, et il a défrayé la chronique plus d’une fois avec des Psakim jugés scandaleusement osés.

Bien que ses contempteurs fussent assez nombreux dans les années 50-60, qu’il fut violemment critiqué, que des livres entiers furent écrits pour dénoncer « l’hérésie » de sa vision de la Torah (comme le Maané Laïgrot, mais ce livre se concentre surtout sur Orah ‘Haim et Yoré Déa), de nos jours (et depuis sa vieillesse), tous reconnaissent sa suprématie et aucun de ceux qui l’ont critiqué ne peut faire le poids face à sa Guéonout.

Rav Shakh l’avait reconnu comme étant le « Possek Hador ».
Et quand on lit le Igrot Moshé, ça se comprend ; il est vraiment génial.

Néanmoins, ça ne veut pas dire qu’on le suive systématiquement, lorsque tous les autres Poskim s’opposent à son Psak, Kvodo Bimkomo Mouna’h mais on ne peut pas fermer les yeux sur l’opinion générale et quasi-unanime.

Ici, ce n’est pas exactement le cas, on ne peut pas dire que TOUS les Poskim se soient opposés à ce Psak, mais il y a quand même eu beaucoup de désaccords.
Le Shout Lev Avraham (§107), le Shout Ma’hazé Eliahou (Falk) (§118-120), le Shout Or Its’hak (I, E’’H §3), le Moadim Ouzmanim (VII, §178 dans la note), le Yabia Omer (IV, E’’H §3), le Shaarei Ezra (I, §102), etc.
Ils sont catégoriques et interdisent clairement, soulignent que l’interdit reste Min Hatorah, et s’opposent expressément à sa conclusion.
Nous avons droit à des « ‘Has Veshalom d’autoriser » (Rav Sternbuch) et autres formulations pointant l’indignation.

Rav Ovadia Yossef (Yabia Omer IV, E’’H §3) autorise néanmoins dans ce cas à porter une perruque (ce qui est, en temps normal, pour lui, un interdit absolu), mais une fois remariée, elle devra reprendre le foulard.

Il faut aussi souligner que l’autorisation de RMF portant sur le travail de la veuve, s’axe autour d’un danger de Hefsed (perte de parnassa), ce qui ne permet pas forcément de comparer avec une recherche de Shidoukh, comme dit plus haut (bien que RMF accepte la comparaison).

De plus, de nos jours où des perruques très bien faites (imitant très bien les cheveux) existent, l’enjeu n’est plus du tout le même.

Aussi, le Heiter ne devrait pas autoriser de se promener dans la rue les cheveux au vent, mais seulement d’enlever son foulard en arrivant au travail (et de le remettre en sortant).

[On pourrait imaginer la même chose pour les Shidoukhim, de retirer son foulard/sa perruque seulement durant les rencontres… c’est un peu ce que précise RMF dans Igrot Moshé (E’’H IV, §32,4).]

Rav S.Z. Auerbach (cité dans Halikhot Bat Israel §5 note 8) insiste sur l’obligation de se couvrir les cheveux même pour une divorcée, et Rav ‘Haim Pin’has Scheinberg (cité dans Halikhot Bat Israel §5 note 8) a écrit, à propos du Heiter de RMF, qu’il ne convient pas de s’appuyer dessus dans la mesure où l’on peut s’en sortir avec une perruque (il parle pour le travail, mais pour le Shidoukh, c’est peut-être insuffisant ?) et que de toute manière le Heiter ne concernerait que le moment où elle est au travail.

Bref, ce Heiter est très controversé, mais je ne peux pas « effacer » la position de RMF, d’autant qu’il n’est pas du tout le seul à être meikel, et même pour les shidoukhim, et même parmi les Poskim Sfarades.

Nous trouvons par exemple le Shout Its’hak Yeranen (Berdah) (X, §42,6) au nom du grand et fameux Rabbi Méir Waknin qui autorise aux divorcées et interdit aux veuves, en expliquant que généralement les divorcées veulent se remarier et c’est donc nécessaire pour les Shidoukhim, ce qui n'est pas le cas des veuves.
Tout en ajoutant que s’il y a une veuve qui est jeune et qui veut se remarier, on peut autoriser aussi.
(Je n’ai pas bien compris pourquoi il veut faire la distinction entre divorcée et veuve s’il est d’accord que c’est la volonté de se remarier qui importe. Il devrait faire dépendre cela uniquement de cette volonté… Mais ce qu’il veut dire c’est que pour une divorcée, c’est Moutar, et pour une veuve c’est assour sauf si elle veut se remarier et que ça nécessite de se découvrir.)

Sa conclusion est que pour une divorcée, c’est parfaitement Moutar, même dans la rue (en dehors des horaires de travail ou de Shidoukh).
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