A
Betsa24:
Citation:
Je me permets de relancer ce vieux débat sous un angle un peu différent. Je constate que vous-même et probablement la majorité de votre lectorat êtes partisans de la lecture allégorique des Midrachim bizarroïdes/invraisemblables. C'est en effet plein de bon sens et, comme cela a été souligné dans plusieurs de vos réponses, cette vision est soutenue par l'ensemble des Guéonim et Richonim.
Je constate pourtant qu'une approche littéraliste existe bel et bien dans la tradition juive. J'ai en tête, pour citer une autorité unanimement reconnue, le Maharcha (Bava Batra 74). Comment comprenez vous l'existence et le fonctionnement d'une telle chita ? Comment a-t-elle émergée malgré ce qui était un consensus si solide sur la question ? Comment s'est-elle imposée aussi largement dans ce qui est aujourd'hui le discours harédi mainstream, au point de faire de tous les tenants de l'autre thèse des hérétiques?
J'ai conscience que la question mélange l'aspect historique, l'aspect sociologique et l'aspect hashkafatique, mais les trois me semblent importants à élucider...
(Je précise ce que j'appelle le discours harédi mainstream peut en fait se décliner sous plusieurs variations :
-Rav Dessler nous enseigne qu'en matière de Aggada il n'y a pas de mahloket donc même lorsque les Baalei Aggada se contredisent, toutes les positions sont vraies et ont eu lieu dans la réalité(.....)
-Ce n'est pas parce que les Midrachim portent un message et véhiculent une idée qu'ils n'ont pas eu lieu sur le plan du réel; nous Harédim nous pensons les deux: tout s'est produit dans les faits et tout est porteur d'un message
-les Midrachim en général peuvent se discuter mais tous ceux que Rachi sur la Torah ramène sont canoniques et ont eu lieu réellement (¿)
Je n'arrive pas à m'expliquer la vision de ces Rabbanim. Ils connaissent pourtant la hakdama du Rambam comme nous, ont lu les pachtanim du Mikraot Guedolot et leurs innombrables rejets des Midrachim qu'ils estiment ne pas coller avec le texte comme nous, ils savent qu'en matière de Midrach il existe des mahloktot importantes, et je reste convaincu que même pour eux, certaines Aggadot resteront impossibles à comprendre littéralement : Hachem passe-t-il réellement un quart de sa journée à jouer avec le Léviathan? Og était il réellement l'enfant d'une mortelle et d'un ange déchu?
D'où mon étonnement : que signifie ce Maharcha, et comment cette vision du Midrach s'est-ellle imposée de façon aussi monolithique dans le paysage contemporain?)
Vous répondre dans le détail prendrait des heures. Je vais être un peu plus bref.
Je vous cite :
Citation:
-Rav Dessler nous enseigne qu'en matière de Aggada il n'y a pas de mahloket donc même lorsque les Baalei Aggada se contredisent, toutes les positions sont vraies et ont eu lieu dans la réalité(.....)
Le concept de Elou Vaélou Divrei Elokim ‘Haïm existe indépendamment de
Rav Dessler, s’il a souligné que cela revient à dire que les deux positions «
sont vraies et ont eu lieu dans la réalité », c’est certainement en fonction du contexte, pour les Agadot où les deux sont plausibles, comme dans Pileguesh Beguiva (
Guitin daf 6 où l’on dira Elou Vaélou) où les deux auraient eu lieu (Zvouv ET Nima).
Mais pour ce qui est des Agadot étranges comme celles de Raba Bar Bar ‘Hana, pas de doute,
Rav Dessler était d’accord qu’il fallait y voir une allégorie.
Citation:
-Ce n'est pas parce que les Midrachim portent un message et véhiculent une idée qu'ils n'ont pas eu lieu sur le plan du réel; nous Harédim nous pensons les deux: tout s'est produit dans les faits et tout est porteur d'un message
Je ne sais pas qui vous a dit ça, mais il a dû s’embrouiller avec ce que dit le
Zohar et que l’on retrouve chez les commentateurs qui soulignent que même si l‘on peut voir des Remazim dans les histoires des Avot dans la Torah, cela n’empêche qu’elles ont effectivement et historiquement eu lieu.
Ça n’a pas été dit sur (toutes) les Agadot des ‘Hazal !
Citation:
-les Midrachim en général peuvent se discuter mais tous ceux que Rachi sur la Torah ramène sont canoniques et ont eu lieu réellement (¿)
Là encore, votre informateur s’est probablement quelque peu embrouillé. L’idée que certains soutiennent est que le choix des Midrashim opéré par
Rashi indique qu’il retenait ces Midrashim comme étant fiables, mais ça n’exclut pas un aspect parfois exclusivement allégorique.
Plus globalement, l’opinion majoritaire de nos jours se base essentiellement sur l’ignorance.
En effet, l’étude des Agadot est absente des Yeshivot, et même plus tard, au kollel, rares (pour ne pas dire quasiment inexistants) sont ceux qui approfondissent les textes Agadiques.
L’acquisition des aspects Halakhiques nécessitant plus de travail, on s’y concentre durant les études à la Yeshiva. Il faut savoir, par la suite, découvrir les Agadot par le prisme des Rishonim.
Chez les A’haronim, les lituaniens ont développé une nouvelle approche, où l’on n’est pas dérangé plus que ça par des extravagances, et on attache moins d’importance aux Agadot qu’à la partie halakhique et on considère toute explication autre que littérale comme de la Kfira.
Je ne sais pas, par exemple, comment concilier la position du
‘Hazon Ish avec plusieurs Rishonim qui le contredisent totalement et qui seraient, selon la définition du
‘Hazon Ish, considérés par ce dernier comme des Kofrim ( !).