Citation:
Y a-t-il un avis dans les richonim qui pense qu’il faut prendre les midrashim à la lettre, selon le pchat pachout ?
Je reformule légèrement votre question, en y ajoutant un mot, afin d’éviter que vous ne compreniez mal ma réponse :
« Y a-t-il un avis dans les richonim qui pense qu’il faut prendre TOUS les midrashim à la lettre, selon le pchat pachout ? ».
Car si vous parlez seulement de CERTAINS midrashim, il n’y a pas « un avis » mais c’est l’avis unanime.
Tous s’accordent à penser qu’il faille lire certains Midrashim littéralement, nous ne sommes pas supposés interdire au Midrash de s’exprimer sur le plan du Pshat.
Voici à présent ma réponse à la question :
Je n’en connais aucun.
Je n’ai jamais rencontré un Rishon qui dirait qu’il faille comprendre TOUS les Midrashim littéralement.
Il y a parfois, bien entendu, des désaccords et des différences d’appréciation entre les Rishonim quant à un Midrash en particulier, certains y voient une parabole ou une fable, alors que d’autres l’interprètent littéralement, mais je n’ai pas souvenir d’un Rishon qui aurait écrit que l’on doive systématiquement comprendre chaque Midrash de manière littérale sans admettre que le Midrash puisse parfois être allégorique.
De manière générale, les Rishonim Ashkenazes avaient tendance à expliquer les Midrashim selon le sens obvie, alors que les Sfaradim y voyaient plus souvent des allégories, mais tous s’accordaient à reconnaitre la coexistence des deux catégories de Midrashim.
Cependant, je ne dis pas qu’il n’y ait pas eu,
à l’époque des Rishonim, des rabbins qui comprenaient absolument tous les Midrashim d’une manière littérale, selon le sens obvie.
Il y en avait et même parmi les Sfaradim.
Le
Rambam les dénonce dans sa
Pti’ha au Moré Nevoukhim (éd. Rav Kafi’h, p.9).
Ce que je dis c’est que je ne connais pas parmi ceux qu’on appelle «
Les Rishonim » une telle position.
D’autres ont pu se tromper en suivant une certaine opinion présente parmi les Gueonim
(qui ont précédé les Rishonim), selon laquelle, en vertu de l’adage «
Ein Mikra Yotsé Midei Pshouto », même lorsqu’un verset est allégorique, il y a tout de même une réalité physique qui l’accompagne. Et lorsque D.ieu dit
(Ye’hezkel XXI, 22) וגם אני אכה כפי אל כפי,
Rav Hay Gaon, tout en reconnaissant les interprétations présentées par les Sages, nous dit שהקב"ה בורא כמין שתי כפים ברקיע ונספקין זה בזה ויוצא מביניהם קול גוהא
Cf.
Tshouvot Hagueonim Lyck (§98) et
Otsar Hagueonim (Brakhot Tshouvot 59a, p.132).
Seulement cette opinion, pour étrange qu’elle soit, ne concerne que les Psoukim et non les Agadot/Midrashim au sujet desquels les Gueonim abondent dans le sens inverse
(en expliquant que les Midrashim sont souvent allégoriques -cf. la même Tshouva, à son début).
Ainsi, des Rishonim ont parfois suivi cet enseignement au point d’en arriver à un anthropomorphisme patent, tant décrié par le
Rambam et d’autres.
Par exemple,
Rabbi Moshé Tako (Ktav Tamim -Otsar Ne’hmad III, p.64) prenait les versets à la lettre et considérait que D.ieu était physique et avait un corps.
[
R. Moshé Tako, du nom de sa ville Tachov
(aujourd’hui en République tchèque), avait étudié dans l’une des plus prestigieuse Yeshivot de son temps, voire la plus prestigieuse, celle de Paris, auprès de
Rabbi Ye’hiel de Paris.
Voyez à son sujet ce qu’écrit
R. Ahron Marcus dans
Der Chassidismus (Pleschen 1901, §XXV), traduit en hébreu :
Ha’hassidout (Bnei Brak 1980, p.319)].
D’autres Rishonim l’ont précédé en cela, ils sont évoqués avec respect par le
Raavad dans ses
Hassagot (Hil. Tshouva III, 7).