Citation:
Rabenou Tam ( ramené entre autres dans Erouvin 65b ) pense que Reich Lakich était גברא רבה avant de tourner puis il est revenu...
Oui, il y a aussi un
Tosfot dans
Baba Metsia (84a) et dans
Yevamot (57a).
Parmi les preuves avancées, il y en a une qui semble discutable, elle se base sur l’expression de Rabbi Yo’hanan
(Baba Metsia 84a) «
i hadrat bakh », le mot hadrat laissant entendre que c’est un retour à une situation d’origine.
Cependant, c’est l’expression consacrée, ainsi, on parle de ‘Hazara
Bitshouva même pour une personne n’ayant jamais été pratiquante.
Le mot « Tshouva » lui-même signifiant un « retour ». ça peut vouloir dire « revenir à de bonnes Midot » ou « revenir à l’absence d’Aveirot » en considérant qu’un bébé n’a ni mauvaises Midot ni aveirot.
Mais en réalité ça veut surtout dire « retour au judaïsme », « retour à la Torah ».
[Les israéliens ont inventé une expression pour nommer ceux des religieux qui font le chemin inverse de la Tshouva, c-à-d qu’ils abandonnent la pratique religieuse, ils appellent ça être « ‘Hozer BeSheéla », pour paraphraser l’expression « ‘Hozer Bitshouva ».
Mais en fait, Tshouva ne veut pas, dans ce contexte, dire une « réponse » (pour que l’inverse soit une « question », Tshouva signifie un « retour », Lashouv. ]
Nous trouvons par exemple que de jeunes voyous on fait « Tshouva » dans
Sanhédrin (37a) alors qu’il semble s’agir de jeunes n’ayant jamais été des Tsadikim dans le passé.
On pourrait apporter des preuves que
Rabénou Tam et tous ces
Tosfot n’ont pas soulignées, notamment à partir du
Yeroushalmi Beitsa (V, 2) duquel il semble que Reish Lakish ait étudié chez Rabbi, ce qui, de par la chronologie, a forcément eu lieu dans sa jeunesse.
Aussi, on voit dans
‘Houlin (54a) que Reish Lakish étudiait la Torah avant que Rav ne quitte Erets Israel pour Bavel
(là aussi, les dates nous forcerons la main).
Ou encore: dans
Erouvin (11b) Reish Lakish est l’élève de Rabbi Yehouda Bar ‘Hanina.
Nous voyons aussi dans
Makot (14b) que pour expliquer un désaccord entre R. Yo’hanan et Reish Lakish, la gmara dit que Reish Lakish « Gzeira Shava Lo Gamir », il ne tient pas la Gzeira Shava, pourtant soutenue par Rabbi Yo’hanan.
Or, puisqu’il a étudié chez R. Yo’hanan
(depuis sa Tshouva) et qu’une Gzeira Shava ne se décrète pas et ne peut que se transmettre de Rav en élève, il n’est pas possible que l’un tienne la Gzeira Shava et l’autre non, sauf si cet autre a eu, auparavant, un autre Rav
(qui lui ne tenait pas la Gzeira Shava).
Bref, il y a plusieurs preuves que Reish Lakish a étudié la Torah avant de l’abandonner, puis de revenir à l’étude avec Rabbi Yo’hanan.
Citation:
Il me vient deux questions :
1) Comment est ce possible d'atteindre un si haut niveau et puis de (presque ] tout lâcher ? ( Vous me direz que nombre de Rabbanims ont pu mal tourner [ comme Aher ] mais tout de même...)
Vous faites les questions et les réponses, c’est parfait.
En quoi n’êtes-vous pas satisfait de votre réponse basée sur le cas de A’her
(‘Haguiga 15b)?
C’est exactement ça, non ?
Et Yo’hanan Cohen Gadol (dans
Brakhot 29a) qui a été cohen gadol durant des décennies et arrivé à un âge avancé est devenu Tsedouki?
Et Mena’hem (selon Abayé dans
‘Haguiga 16b) ?
Quant au niveau de Torah lui-même, que diriez-vous de Doeg et A’hitofel
(Sanhédrin 106b et ‘Haguiga 15b), ou encore Shevna
(Sanhédrin 26a-b)?
Ou plus simplement, que faites-vous du conseil de Hillel rapporté dans la Mishna dans
Avot (II, 4) qui nous dit «
Ne crois pas en toi jusqu’au jour de ta mort » ? אל תאמין בעצמך עד יום מותך
On nous rapporte même dans le
Yeroushalmi Shabbat (I, 3 -daf 8a) qu’il y avait un grand dévot (מעשה בחסיד אחד) qui était âgé et qui corrigeait un peu le texte de cette Mishna en formulant אל תאמין בעצמך עד זקנותך, c-à-d qu’il disait «
Ne crois pas en toi jusqu’à ta vieillesse », voulant dire par-là, qu’à son âge, il estimait qu’il était hors de danger.
Il a été « corrigé » min Hashamayim par une tentation à laquelle il a failli succomber, afin de lui montrer que nul n’est hors de danger du Yetser Hara en raison de son âge.
[Si les règles du Bavli s’appliquent au Yeroushalmi, il est dit dans
Baba Kama (103b) et dans
Tmoura (15b) qu’à chaque fois qu’on nous rapporte מעשה בחסיד אחד il s’agit systématiquement de Rabbi Yehouda Ben Baba ou de Rabbi Yehouda Bar Ilay.
Nous connaitrions donc déjà le prénom dudit dévot qui aura été tenté et à qui on a reproché une touche d’orgueil de se croire au-dessus des autres.]
A priori, la tentation dont il est question dans le
Yeroushalmi est une tentation de Arayot
(Korban Haéda et Pnei Moshé ad loc), ce qui est un plus grand ‘Hidoush encore, car en principe, avec le grand âge, le Yetser des Arayot s’atténue pour laisser plus de place à celui du Kavod.
(Bien que l’on ne sache pas exactement son âge, pouvant être qualifié de « zaken » dès soixante ans, dans ce cas, rien de particulièrement étonnant.)
Citation:
2) Hazak disent que le pire est מי ששנה ופרש : pourtant on voit que Reich Lakich שנה ופרש וחזר ?
Ils ne disent pas qu’il est impossible que מי ששנה ופרש fasse tshouva. Même si c’est forcément plus rare et plus dur, ça reste toujours possible.
Disons que, généralement, celui qui a étudié la Torah et l’a ensuite abandonnée, ne fait pas Tshouva.
Il se peut aussi qu’il faille établir des distinctions qui expliqueraient que dans certaines situations il n’y a quasiment aucune chance qu’il fasse Tshouva alors que dans d’autres cas, c’est possible.
Je pense par exemple à des situations qui sont beaucoup plus fréquentes de nos jours ; un enfant qui nait dans une famille orthodoxe, qui étudie à la Yeshiva, puis qui rejette tout.
C’est parfois par l’attirance aux Taavot matérielles, et c’est beaucoup plus rarement par réflexion théologique.
Dans ces cas, il est rare qu’il fasse Tshouva.
Mais il y a aussi des rejets de la Torah mus par un contexte familial (ou social) inadapté, un enfant plus délicat (ou poétique/ sentimental/…) qui nait dans une famille de durs, l’enfant peut avoir du mal à faire la part des choses, il assimile la Torah à la vision qu’on lui en aurait donné, s’il était né ailleurs, ça se serait bien (/mieux) passé.
Il y a déjà plus de chances qu’il fasse Tshouva dans ce cas.
Reish Lakish était lui-même un dur à cuire, ça ne risque pas d’être par sa délicatesse qu’il se serait senti en décalé par rapport à sa famille, mais il peut y avoir d’autres moteurs n'étant ni l’attirance des Taavot ni la réflexion théologique qui tourne mal.
L’aspect « délicat » me fait plutôt penser au cas de
Reb Shulem Leiser, le fils de l’actuel
Rebbe de Psheworsk Reb Leibish Leiser d’Anvers
(lui-même fils de Reb Yankel, qui était gendre de Reb Itsikel (Gewirtzman), premier Rabbi de Psheworsk), dont on m’a parlé récemment.
Ce (Reb) Shulem (=Shalom), après avoir grandi dans cette famille, s’être marié
(avec une femme de famille illustre elle aussi), avoir deux enfants, avoir reçu sa Smikha de rabbin, et en ayant un avenir tout tracé
(devant devenir Rebbe ‘hassidique lui aussi), a tout abandonné !
Il habite toujours en Israël mais n’est plus pratiquant du tout.
Il semblerait qu’il s’agisse plus d’une incompatibilité avec sa famille et son mode de vie, que d’une réflexion philosophique réelle.
Oy vavoy.
Les temps sont durs.
A l'inverse,
Batya Pagremansky, la soeur de
Rav Mordekhaï Pagremansky, qui était une fervente laïque, après une longue discussion
(qui a duré 3 jours!) avec son frère, a fait une Tshouva remarquable et est devenue une grande Tsadeket. Cf.
Rabbi Mordekhaï Pagremansky (Jér. 2013, p.27 et suivantes).
C'est que sa motivation pour délaisser la Torah était intellectuelle, basée sur des erreurs certes, mais cérébrale.
Elle n'était pas motivée par les Taavot Haolam Hazé. Du coup, ça facilite parfois la Tshouva, si elle rencontre la bonne personne.
(Mais celui qui abandonne la Torah ou ne s'en rapproche pas, en raison de ses Taavot, même s'il rencontre un rabbin qui lui montrera que ses arguments sont erronés, ne voudra pas se laisser convaincre, car au fond de lui, la motivation ne vient pas de ses pseudo-arguments, mais de ses Taavot, qui elles, ne sont pas annulées par la discussion avec le rabbin.)