Citation:
J'ai l'impression que de nos jours on ne ressent plus rien pour Erets Israël, or de tout temps, les Grands ont tout donné pour pouvoir vivre ou même mettre les pieds en Israel (le Gaon, le Rambam...). Sans parler de Yaacov et Yossef qui insistent pour être enterrés là-bas.
Parmi vos exemples, permettez-moi de relativiser un peu ce que vous dites des Tsadikim qui «
ont tout donné pour pouvoir vivre » en Israël, en citant le
Rambam.
Ce dernier s’est certes rendu en Israël, en fuyant les persécutions, mais n’y est pas resté (plus de quelques mois), il a poursuivi en Egypte et y est resté toute sa vie. (Vous me direz que la situation financière était délicate en Israël, certes, c'est vrai. Mais ne dites pas qu'il a tout donné pour y habiter...)
Yaakov et Yossef voulaient effectivement être enterrés en Israël
(mais ça, beaucoup de contemporains juifs de ‘houts laarets ont eux aussi le même souhait), mais on ne peut pas dire qu’ils aient tout fait pour aller y habiter étant vivants.
Yossef a quitté Israël ayant 17 ans, certes contre son gré, mais une fois vice-roi nous ne voyons pas qu’il ait cherché à retourner en Erets Kenaan.
Et pour Yaakov, il a fait ce qu’on appelle la « Yerida » et s’est installé en Egypte.
Il y avait effectivement la famine qui l’a poussé à quitter sa terre, mais (elle ne devrait avoir duré que 5 ans après sa Yerida et il n’a pas cherché à y retourner après, et) peut-on le pointer en exemple à ce sujet ?
Vous avez aussi cité le
Gaon de Vilna, c’est vrai. Il a voulu aller s’installer en Israël, même s’il a abandonné le projet finalement et est mort et enterré en ‘houts laarets.
Bref, vous auriez peut-être pu trouver de meilleurs exemples.
Il est vrai qu’il y a aussi de pires exemples, comme le célèbre tossafiste
Rabénou ‘Haim dans
Ktouvot (110b) et autres qui n’ont clairement pas cherché à se rendre en Israël.
Il semble qu’il y ait eu, à chaque génération, des Tsadikim « sionistes »
(raccourci inapproprié mais pratique pour parler d’un Tsadik qui rêvait de se rendre en Erets Israël et s’y installer), et d’autres Tsadikim beaucoup moins enclins à mettre Erets Israël à la tête de leurs préoccupations religieuses.
[Voire même quelques Tsadikim « Satmers »
(raccourci inapproprié mais pratique pour parler d’un Tsadik qui ne rêvait pas vraiment de se rendre en Erets Israël et n’en voyait pas l’intérêt, un peu comme Rabénou ‘Haim).]
Nous devinons déjà dans le Talmud différentes approches à ce sujet, jusqu’aux extrêmes, comme
R. Zeira qui rêvait de faire sa Aliya mais qui devait cacher son projet à son maître
R. Yehouda pour qui faire la Aliya était quasiment un péché (en raison du verset de
Yirmiya 27,22), cf.
Ktouvot (110b-111a).
A l’époque des Rishonim, il y a certes
Rabénou ‘Haim (op cit), mais il y a aussi le
Ramban qui était très « sioniste ».
Cependant, ça lui est venu sur le tard.
Il n’a fait sa Aliya qu’à 72 ans (3 ans avant de décéder) et y a été contraint par la menace pour sa vie suite à la disputation de Barcelone où il a (un peu trop) brillamment défendu le judaïsme.
Et ainsi de suite, chez les A’haronim… jusqu’au XVIIIème siècle où les Tsadikim « sionistes » se sont multipliés, il y a eu les Aliyot des élèves du
Gaon, celles des ‘Hassidim, etc. puis au XIXème siècle l’idée du sionisme prenait forme jusqu’au
Rav Tsvi Hirsh Kalisher, et à la toute fin du XIXème siècle est venu se greffer le sionisme laïc de
T. Herzl.
Donc je ne pense pas que nos ancêtres, de manière générale, étaient plus « sionistes » que nous.
Il y avait différentes approches et idées, et de nos jours aussi.
Globalement il devait y avoir, durant les derniers siècles, plus de « rêveurs d’Israël » qu’aujourd’hui, mais il y avait moins de Olim qu’aujourd’hui
(à l’époque c’était beaucoup plus dur et dangereux).
Mais c’est aussi ce qui alimentait le rêve, Erets Israël s’inscrivait dans un idéal de Kdousha et le sentiment religieux ne pouvait que contribuer à valoriser cet espoir d’aller vivre en Terre Sainte. De plus, les pogromes encourageaient plutôt à quitter l'Europe et chercher refuge en Israël.
De nos jours, l’idéal de Kdousha se voit très relativisé par la gay pride qui s’y tient, par le ‘Hiloul Shabbat qui y est monnaie courante, par la Pritsout qui règne dans certaines villes, etc. Depuis que les juifs non pratiquants sont devenus majoritaires en Israël
(jusqu’au XIXème siècle, les juifs installés en Israël étaient quasiment tous pratiquants), le pays perd un peu de son attraction spirituelle, bien qu’il soit toujours possible de pratiquer la Torah en Israël, le fait de savoir qu’il y a une majorité de juifs non pratiquants sur place, affaiblit un peu l’aspect du « rêve » et les gens considèrent Israël comme une option plus concrète et moins idéalisée. Résultat : moins de rêve, mais quand même plus de Aliyot.
Quant au facteur "pogromes", il fonctionne toujours de la même manière.
Et dès qu'il y a des attentats et similaires, ils sont suivis de vagues de Aliyot.
Citation:
Il y a également toute les halahot de yichouv erets Israël.
C’est vrai, mais d’une part il y a aussi de nombreuses discussions à ce propos (reportez-vous au cours que j’ai donné sur ce sujet :
https://www.centre-alef.fr/4196/ ), et d’autre part, même l’atout incontestable des Mitsvot qui ne s’accomplissent qu’en Israël, doit être relativisé en fonction du prix à payer.
Serait-il préférable de transgresser Shabbat en Israël que de le respecter en ‘Houts Laarets ? Non, ça serait un non-sens.
Israël doit être une Aliya spirituelle avant tout.
Voilà pourquoi certains rechignaient à faire la Aliya, craignant (à tort ou à raison, c’est une autre question) une régression spirituelle pour eux ou (plus souvent) pour leurs enfants.
Voilà pourquoi on a toujours ces deux catégories de juifs à notre époque, comme avant. Ceux qui seront tièdes pour la Aliya et la remettront à plus tard au moindre 'hashash. Et ceux qui sont totalement enthousiastes et que rien n'arrête.
Même parmi les Rabanim, et même parmi les Rabanim habitant en Israël, nous distinguons différentes approches.
Tout le monde se souvient de
Rav 'Haim Kanievsky qui était très sioniste et encourageait sans arrêt tous les 'houtsnikim à faire la Aliya, alors que
Rav Steinman et
Rav Elyashiv étaient beaucoup plus modérés sur la question, se souciant avant tout de la possibilité de Parnassa et du 'Hinoukh des enfants etc.
Rav Shakh aussi n'était pas très sioniste, dans les années 80-90, lorsqu'il y avait des tensions politiques en Israël autour du Di'houy des Ba'hourei Yeshivot et autres sujets similaires,
Rav Shakh disait que si telle loi passe, « on part tous s'installer à Gates Head ».
Citation:
Les maamarim dans hazal sont aussi nombreux (אוויר דארץ ישראל מחכים, כל הגר בחול דומה למי שאין לו אלו-ה/ כאילו עובד ע''ז...)
Il serait long d’expliquer chacun de ces Maamarim
(je crois en aborder brièvement quelques-uns dans ledit cours cité plus haut), mais la compréhension infantile qu’en ont certains (sionistes) prouve avant tout leur compréhension très limitée du Talmud et de ses tournures.
Citation:
Sommes-nous malades pour ne plus ressentir un reguech qui avait l'air naturel à une certaine époque ?
Comme dit plus haut, à toutes les époques nous avons parmi les Tsadikim des « sionistes » et d’autres qui l’étaient beaucoup moins.
Ce qui a changé c’est le côté « rêve de l’inaccessible ».
De nos jours, Israël est une réalité accessible, c’est un pays moderne, le voyage est facile, le déménagement est réalisable, et avec des problèmes très concrets de la vie de tous les jours, ce n’est plus « un rêve lointain ».
Je veux dire que si vous prenez les mêmes juifs d’antan et que vous les mettez dans nos conditions, ils réagiraient comme nous aujourd’hui : il y aurait les super-sionistes, ceux qui seraient plus tempérés/modérés et quelques antisionistes.
Les gens n’ont pas beaucoup changé, les conditions oui.
Citation:
https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=57330#57330
Dans cette téchouva vous dites également qu'il n'y a pas de maala intrinsèque à Israel quant au limoud hatorah. Les maalot sont-elles autres (malgré le maamar de "avir Israël") ? Ou bien elles sont justes tafel à l'importance de la proximité du talmid haham dont vous parlez là-bas ?
Pour ce qui est de Avira DeErets Israel Ma’hkim, comme ça revient pour la seconde fois, voyez ce que j’ai écrit ici :
https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=53252#53252 et vous comprendrez de vous-même que selon différentes interprétations de cet adage, il y a tout lieu de relativiser l’information que vous pensiez légitime d’en déduire.
De nos jours, il y a un tout autre avantage à Israël, c’est la présence de nombreux Talmidei ‘hakhamim et de Yeshivot, voilà ce qui confère à ce pays un atout majeur pour la formation au Limoud, même pour les "non-sionistes dans l'âme", et c’était le sujet dans le responsum que vous indiquez.